La chirurgie des ganglions dans les cancers endométriaux - PDF Free Download (2024)

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1 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : La chirurgie des ganglions dans les cancers endométriaux Lymphatic node surgery in endometrial cancer V Lavoué*, C Bertel-Gauthier*, F Foucher* **, J Levêque* ** * Service de Gynécologie, CHU Anne de Bretagne, 16 Bd de Bulgarie, BP F Rennes Cedex 2 ** Département d oncologie chirurgicale, CRLCC Eugène Marquis, rue de la Bataille Flandres-Dunkerque, CS F Rennes Cedex Mots clés Cancer de l endomètre Chirurgie Ganglions IRM Echographie Scanner Résumé Environ nouveaux cas de cancers endométriaux sont diagnostiqués par an en France, touchant des patientes volontiers fragiles (âgées, ou avec des co-morbidités qui sont autant de facteurs de risque) : la chirurgie des ganglions pose le problème de sa morbidité. Le statut ganglionnaire est un facteur pronostique reconnu des cancers endométriaux : les examens pré-opératoires rendent mal compte de l envahissem*nt ganglionnaire par défaut de sensibilité (IRM, TEP-scanner), défaut technique (absence de consensus actuel sur la réalisation pratique du ganglion sentinelle) ou difficultés à disposer avant l intervention des autres facteurs pronostiques tels le grade histologique ou l envahissem*nt myométrial pour utiliser une combinaison de ces derniers afin de prédire le risque d atteinte ganglionnaire. Deux essais contrôlés randomisés ont été récemment publiés dont les conclusions sont proches et hostiles au curage ganglionnaire systématique : la survie globale et sans récidive, le taux et le siège des récidives ne sont pas influencés par la lymphadénectomie, tandis que sa morbidité (en complications, temps opératoire et d hospitalisation) est soulignée, même si ces essais ne sont pas exempts de critiques. Les données issues du réseau américain de surveillance épidémiologique des cancers tempèrent ces conclusions en montrant sur un nombre considérable de patientes un bénéfice de la lymphadénectomie chez les patientes ayant une tumeur à un stade avancé ou de grade élevé, peut-être par l exérèse des micormétastases, une meilleure stadification permettant d optimiser les traitements adjuvants, ou enfin par une illustration d une meilleure prise en charge. Les résultats d une étude rétrospective bicentrique japonaise mettent en évidence un bénéfice à la lymphadénectomie lombo-aortique associée chez les patientes à mauvais pronostic tant sur le plan de la survie globale que des récidives. On voit donc que la tendance actuelle est de distinguer les tumeurs de bon pronostic où le curage n apporte rien sinon sa morbidité propre, des tumeurs agressives où la chirurgie doit être plus conséquente et associée probablement à des traitements physiques et médicaux renforcés. Keywords Endometrial cancer Surgery Lymphatic nodes MRI Sonography TDM Abstract Approximately 6,563 new cases of endometrial cancer are diagnosed each year in France, affecting fragile patients (elderly, or with co-morbidities which are also cancer risk factors): by the way, surgery of the lymph nodes raises the problem of its morbidity. The nodal status is a recognized prognostic factor of endometrial cancer: preoperative examinations make a poor evaluation of the node status, due to the bad sensitivity of the radiological techniques (MRI, PET-CT), technical default (no current consensus on the sentinel node), or poor evaluation before the intervention of other prognostic factors such as histological grade or myometrial invasion (whose combination could be able to predict the risk of lymph node involvement). Two randomized controlled trials were recently published: the results of which are close and hostile to systematic lymphadenectomy. The overall survival and disease free survival, the rate and location of recurrences are not influenced by the lymphadenectomy, while the morbidity (complications, operative time and hospitalization) is stressed, although these trials are not free from criticism. Data from the U.S. SEER temper these conclusions by showing a considerable number of patients benefit from lymphadenectomy in patients with tumors at an advanced stage or high grade, perhaps by the removal of micrometastases, better staging to optimize adjuvant therapy, or finally by an illustration of better care. The results of a retrospective study from two Japanese centers show a profit at the para-aortic lymphadenectomy in patients associated with poor prognosis in both overall and disease free survival. So, the current trend is to distinguish tumors with good prognosis where there is no benefit from lymphadenectomy (with its own morbidity) from aggressive tumors where surgery must be more consistent and probably related to physical and medical treatments strengthened. Les cancers de l endomètre ont une incidence estimée en France de nouveaux cas (taux standardisé monde de 10,6/ ) avec décès (2,2/ ) en 2010 selon l INVS (1), en augmentation progressive probablement due à l augmentation de l espérance de vie. La chirurgie est le premier maillon de la chaîne thérapeutique en pratique, et deux Correspondance : Pr Jean Levêque, Service de Gynécologie, CHU Anne de Bretagne, 16 Bd de Bulgarie, BP F Rennes Cedex 2 T = Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

2 2 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : éléments vont peser sur les choix thérapeutiques opératoires : la patiente elle-même, souvent fragile : par son âge (1), puisque 90 % des cancers endométriaux concernent des femmes de plus de 50 ans (en moyenne 68 ans en France), et les co-morbidités associées qui font partie des facteurs de risque reconnus de ce cancer (en particulier le syndrome métabolique) (2) ; le cancer et ses facteurs pronostiques reconnus (3). On voit donc que (comme toujours) il faut traiter justement une patiente atteinte d une maladie et trouver une juste voie entre exigence thérapeutique et morbidité. Les ganglions : un facteur pronostique essentiel Facteurs pronostiques Existent trois facteurs pronostiques majeurs qui sont interdépendants et modulent les indications thérapeutiques chirurgicales et adjuvantes (4) : le stade FIGO (Tableau I) (récemment modifié en 2009, raison pour laquelle nous utiliserons l ancienne classification de 1989 sur laquelle repose la littérature actuelle) : il convient de noter que les cancers de stade I sont majoritairement représentés (75 % des cas) en raison du signe d alerte fort constitué par les métrorragies postménopausiques souvent présent dès le début de la maladie et ont un pronostic des plus favorables avec une survie à 5 ans de 85 % ; le grade tumoral des tumeurs de type endométrioïdes, et les sous-types histologiques particulier : 80 % des tumeurs sont de type endométrioïdes avec un grade 3 dans 10 % des cas, dont les tumeurs séropapillaires (10 % des cas) et à cellules claires (3 %) partagent le pronostic plus péjoratif ; l envahissem*nt myométrial de plus de 50 % dont le poids pronostique a été consacré par la nouvelle classification FIGO Ainsi, on oppose schématiquement : les stades IA et IB grade 1, dont la survie globale à 5 ans est de 97 % et qui présentent un risque d envahissem*nt ganglionnaire de 3 à 5 % (3) : la lymphadénectomie pelvienne dans ces cas n est pas rentable si l on met en balance la morbidité du geste (5) ; les stades IC grade 3 et plus, avec une survie globale à 5 ans de moins de 50 % et une atteinte ganglionnaire de 15 % (stades IC) à 55 % (stades III) (3) : la lymphadénectomie pelvienne n est ici probablement pas suffisante, en raison, d une part, des drainages lombo-aortiques d emblée observés sans atteinte ganglionnaire pelvienne et, d autre part, de l atteinte des ganglions lombo-aortiques dans 67 % des cas d envahissem*nt ganglionnaire pelvien (5, 6). Évaluation de l atteinte ganglionnaire FIGO 2009 Stades FIGO 1989 I Tumeur limitée au corps I IA Tumeur limitée à l endomètre ou n en dépassant IA et IB pas sa moitié IB Tumeur atteignant ou dépassant la moitié du IC myomètre II Tumeur envahissant le stroma cervical sans IIA et IIB dépasser l utérus III Extension locale et régionale III IIIA Atteinte de la séreuse e/ou des annexes IIIA IIIB Envahissem*nt vagin*l et/ou paramétrial IIIB IIIC Métastases ganglionnaires IIIC IIIC1 Pelviennes IIIC2 Lombo-aortiques et/ou pelviennes IV Extension à la muqueuse vésicale et/ou IV intestinale et/ou métastases à distance IVA Extension à la muqueuse vésicale et/ou IVA intestinale IVB Métastases à distance (dont les métastases intra-abdominales et/ou ganglionnaires inguinales) IVB Tableau I Classifications FIGO des cancers de l endomètre Rapport de Vraisemblance + Si le statut ganglionnaire est si important, peut-on le connaître sans l analyse histologique des ganglions? Une méta-analyse récente a comparé trois techniques d évaluation (7) : IRM, scanner et technique du ganglion sentinelle en cours de validation notamment en France (8, 9) (pas de consensus sur le site d injection cervical ou endométrial lors de l hystéroscopie, taux d identification bilatéral plus faible que le taux d identification global). Sur la base de ces 18 études très hétérogènes en termes de recrutement et de méthodologie mais réunissant 693 patientes, l IRM présente une sensibilité comparable à celle du ganglion sentinelle (Tableau II). La TEP Scanner présente une sensibilité moyenne (51 % à 69 % voisine de celle de l IRM mais surtout dépendante de la taille des micrométastases (12,5 % de sensibilité pour la détection des métastases de moins de 4 mm dans l essai américain du GOG qui a conduit à son interruption) (10, 11). L échographie semble peu contributive comme en témoigne la sensibilité médiocre de l examen (33 %) sur une série de 90 patientes dont 15 % avaient in fine une atteinte ganglionnaire (12). Une autre approche consiste à s appuyer sur les autres facteurs pronostiques : le grade, en arguant du fait que les tumeurs de grade I ont un risque faible d atteinte ganglionnaire : en réalité la sousestimation du grade sur les prélèvements pré-opératoires (produit de curetage ou biopsie à la pipelle) est de 25 %, 22 % et 3 % dans les grades 1, 2, et 3 respectivement (13) (on en rapprochera l association fréquente des types endométrïodes et non endométrïoides méconnue par les prélèvements histologiques pré-opératoires forcément incomplets) ; le stade. À l identique, l analyse des pièces d hystérectomie met en évidence une sous-estimation de l envahissem*nt myométrial dans 21 % des stades IB grade 1 et 32 % des mêmes stades de grade 2 (14, 15). On voit donc que se baser sur le grade et l envahissem*nt myométrial ne peut se concevoir que sur la pièce d hystérectomie, ce qui conduit dans un certain nombre de cas à envisager une 2ème intervention pour la réalisation du curage. Intérêt du curage à la lumière de la littérature Rapport de Vraisemblance - Test Sensibilité Spécificité Ganglion Sentinelle 0,79 0,96 18,88 0,22 détecté [0,58-0,91] [0,89-0,99] [6,70-53,24] [0,10-0,48] Scanner 0,45 0,88 3,81 0,62 [0,28-0,64] [0,78-0,94] [2,00-7,28] [0,45-0,86] IRM 0,72 0,97 26,72 0,29 [0,55-0,85] [0,93-0,99] [0,56-67,64] [0,17-0,49] Tableau II L évaluation de l envahissem*nt ganglionnaire : comparaison de trois tests diagnostiques (7) À côté des essais rétrospectifs, monocentriques, comportant de faibles effectifs, et exposés aux biais de sélection et d interprétation dont les résultats sont partagés, nous avons choi-

3 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Astec (16) Italie (17) SEER (18) Suivi = 37 mois Suivi = 49 mois [24-58 mois] [27-79 mois] Lymphadénectomie - = = = = = 27,063 + = 12,333 Age (ans) [36-89] [34-93] [55-68] [56-68] [19-102] [22-99] Index de Masse Corporelle ,9 26,6 FIGO (%) IA ,2 0 26,6 15,9* IB , ,4 39,1* IC ,4 8,2 13,6* IIA 5 5 2,4 4,5 IIB ,8 6,8 9,8 III / IV ,9 9 17,2 Grade I ,6 7,2 49,4 30,0* II ,2 56,8 32,4 40,2 III ,2 34,5 12,7 26,1 Endométrioïde ,2 93,2 Myomètre > 50 % Nombre moyen de ganglions à 12 Nombre de ganglions envahis 9 13,3 Pas de radiothérapie ,8 68,9 81,1 63,9* Tableau III Description des populations dans les deux essais randomisés (16, 17) et dans le travail issu des SEER (18) * Résultats statistiquement significatifs. si trois études de niveau de preuve plus élevé sur leur qualité méthodolologique ou leurs effectifs : deux essais contrôlés randomisés, britannique (essai ASTEC [16]) et italien (17), comparant la réalisation ou non d une lymphadénectomie pelvienne et lombo-aortique chez certaines patientes italiennes ; un travail rétrospectif multicentrique issu du réseau de surveillance épidémiologique américain dans lequel sont analysés les paramètres évolutifs dans les deux groupes ayant bénéficié ou non d une lymphadénectomie (18). La description des populations étudiées figure dans le tableau III. Les deux essais randomisés offrent des conclusions similaires (Tableau IV) : les survies globale et sans récidive sont identiques entre les deux groupes (survie globale de 81 % [bras lymphadénectomie] vs 80 % [bras sans curage] dans l étude ASTEC après ajustement et de 90,6 % vs 85,9 % dans le travail italien en perprotocole et survie sans récidive de 79 % vs 73 % et 83,3 % vs 80,0 %), ceci y compris dans les groupes de patientes à haut risque (haut risque histopronostique dans les stades précoces et stades tardifs) ; les taux de récidives et les sièges des récidives (locales, pelviennes et à distance) sont comparables dans les deux essais, sans différence entre les deux groupes de patientes, en particulier dans l essai italien où les taux de récidive ganglionnaire ne sont pas différents chez les patientes des deux bras de l étude ; enfin, comme il fallait s y attendre, le temps de séjour (seulement dans l étude italienne où ont été réalisés en sus des curages lombo-aortiques) sont plus longs et la morbidité plus importante dans les bras curage. Certaines critiques ont été faites à ces essais portant principalement sur la méthodologie : les lymphadénectomies ont été réalisées dans les deux bras pour certaines patientes de l essai britannique, n avaient pas la même étendue dans l essai italien, pelvienne et parfois lombo-aortique, avaient un taux de ganglions envahis faible (9 % et 13,3 % respectivement dans les essais britanniques et italiens) et étaient effectuées majoritairement dans les formes de mauvais pronostic dans l essai ASTEC (19) ; le traitement adjuvant n était pas protocolisé avec en particulier dans l essai ASTEC une randomisation seconde de la radiothérapie adjuvante chez les patientes à haut risque sans tenir compte du statut ganglionnaire, des doses de radiothérapie allant de 40 à 46 Gy dans l essai ASTEC, la prescription de chimiothérapie. Le travail américain (18) rétrospectif mais numériquement considérable offre des conclusions différentes : la lymphadénectomie est bénéfique pour les patientes ayant des stades avancés, et les tumeurs de haut grade : de plus, ce bénéfice est corrélé au nombre de ganglions examinés (validité interne) ; aussi, les auteurs concluent que la lymphadénectomie reste utile aux patientes, y compris dans les stades précoces en permettant une meilleure stadification guidant les traitements adjuvants, permet l exérèse des micrométastases ganglionnaires méconnues par l examen histologique standard, et est le reflet d une qualité élevée de prise en charge des cancers endométriaux. ASTEC (16) Italie (17) Lymphadénectomie - = = = = 226 Survie Globale 81 % 80 % 90,6 % 85,9 % RR = 1,04 [95%IC : 0,74-1,45] RR = 1,20 [95%IC : 0,67-2,13] Survie sans récidive 79 % 73 % 83,3 % 80,0 % RR = 1,25 [05%IC : 0,93-1,66] RR = 1,26 [05%IC : 0,78-2,03] Récidive Locale 25 % 27 % 18 % 21 % Pelvienne 15 % 11 % 33 % 35 % A distance 60 % 58 % 42 % 41 % Temps opératoire Transfusion 4 6 7,6 9,8 Temps de séjour 6 jours 6 jours 5 jours 6 jours Taux de complications 1,9 % 5,1 % 6 % 35 % Tableau IV Principaux résultats des deux essais randomisés (16, 17)

4 4 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Une étude japonaise récente (20) a tout dernièrement comparé deux cohortes de patientes ayant eu une lymphadénectomie iliaque externe, interne et primitive (325 patientes) et associée à une lymphadénectomie lomboaortique (346 patientes) : la survie globale et sans récidive était meilleure chez les patientes ayant eu une lymphadénectomie lombo-aortique dans les groupes de pronostic moyen ou mauvais (selon le stade et le grade) (+ 10,5 % de survie globale à 5 ans dans le groupe de mauvais pronostic). Les récidives extrapelviennes étaient moins nombreuses, et notamment les récidives ganglionnaires para-aortiques (1 % vs 5 %). De plus, les auteurs insistent sur l intérêt d une chimiothérapie dans ce dernier groupe de patientes. Conclusion La chirurgie des ganglions dans les cancers de l endomètre est un sujet d actualité. Les recommandations de la Société française d oncologie gynécologique (21) et les toutes prochaines recommandations françaises de la Haute Autorité de santé prennent en compte les progrès médicaux dans ce domaine en autorisant de traiter : avec mesure les patientes fragiles et ayant des éléments de pronostic histologique favorable (absence d envahissem*nt myométrial grade 1 et 2, ou de moins de 50 % grade 1) en s abstenant d un curage pelvien ; tout en insistant sur l intérêt d une chirurgie plus agressive comportant des lymphadénectomies étendues aux territoires lombo-aortiques (et des résections comparables à celles qui sont indiquées dans les cancers épithéliaux de l ovaire) et de promouvoir des essais thérapeutiques avec chimiothérapie adjuvante (essai PORTEC 3) (22). Références 1. INVS. Projections de l incidence et de la mortalité par cancer en France en Corps de l utérus Amant F, Moerman P, Neven P, Timmerman D, Van Limbergen E, Vergote I. Endometrial cancer. Lancet 2005 ; 366 : Plataniotis G, Castiglione M. Endometrial cancer: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 2010 ; 21 Suppl 5 : v Lu KH. Management of early-stage endometrial cancer. Semin Oncol 2009 ; 36 : Creasman WT, Morrow CP, Bundy BN, Homesley HD, Graham JE, Heller PB. Surgical pathologic spread patterns of endometrial cancer. A Gynecologic Oncology Group Study. Cancer 1987 ; 60 : Mariani A, Dowdy SC, Cliby WA, Gostout BS, Jones MB, Wilson TO, Podratz KC. Prospective assessment of lymphatic dissemination in endometrial cancer: a paradigm shift in surgical staging. Gynecol Oncol 2008 ; 109 : Selman TJ, Mann CH, Zamora J, Khan KS. A systematic review of tests for lymph node status in primary endometrial cancer. BMC Womens Health 2008 ; 8 : Ballester M, Rouzier R, Coutant C, Kerrou K, Darai E. Limits of lymphoscintigraphy for sentinel node biopsy in women with endometrial cancer. Gynecol Oncol 2009 ; 112 : Lecuru F, Bats AS, Faraggi M. Sentinel node of endometrial cancer after hysteroscopic injection. Gynecol Oncol 2009 ; 113 : ; author reply Kitajima K, Murakami K, Yamasaki E, Kaji Y and Sugimura K. Accuracy of integrated FDG-PET/contrast-enhanced CT in detecting pelvic and paraaortic lymph node metastasis in patients with uterine cancer. Eur Radiol 2009 ; 19 : Park JY, Kim EN, Kim DY, Suh DS, Kim JH, Kim YM, et al. Comparison of the validity of magnetic resonance imaging and positron emission tomography/computed tomography in the preoperative evaluation of patients with uterine corpus cancer. Gynecol Oncol 2008 ; 108 : Sawicki W, Spiewankiewicz B, Stelmachow J, Cendrowski K. The value of ultrasonography in preoperative assessment of selected prognostic factors in endometrial cancer. Eur J Gynaecol Oncol 2003 ; 24 : Neubauer NL, Havrilesky LJ, Calingaert B, Bulusu A, Bernardini MQ, Fleming ND, et al. The role of lymphadenectomy in the management of preoperative grade 1 endometrial carcinoma. 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ASTEC lymphadenectomy and radiation therapy studies: are conclusions valid? Gynecol Oncol 2010 ; 116 : Todo Y, Kato H, Kaneuchi M, Watari H, Takeda M, Sakuragi N. Survival effect of para-aortic lymphadenectomy in endometrial cancer (SEPAL study): a retrospective cohort analysis. Lancet 2010 ; 375 : SFOG McMeekin DS. Where is the future of endometrial cancer therapy? Ann Oncol 2009 ; 20 :

5 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Éloge de Jean Loygue M Malafosse Mots clés Jean Loygue Chirurgie digestive Centre de chirurgie digestive de l Hôpital Résumé Jean Loygue est mort le 14 novembre Avec lui, a disparu l une des personnalités majeures de la chirurgie et de l Université médicale de notre pays. Il me revient, au nom de l Académie nationale de chirurgie dont il fut président, le privilège d honorer sa mémoire. Keywords Jean Loygue Digestive surgery Centre de chirurgie digestive de l Hôpital Saint-Antoine Abstract Jean Loygue died on November 14th, With him, disappeared one of the major personalities of the surgery and the medical University of France. He returns to me, in the name of the Académie nationale de chirurgie of which he was a president, the privilege to honor his memory. Jean Loygue naquit à Paris en Il avait, par son père, des racines quercinoises, dans le Lot, précisément à Cahors. Cet ancrage premier rend compte de l origine de son nom : Loygue est dérivé de «l aygue» (prononcez «l aîgue»), l eau en patois de la région. Au cours d une promenade à la recherche de ses origines géographiques, Laurent, fils de Pierre le frère aîné de Jean Loygue, a trouvé dans une traverse entre le château de Bonaguil et Cahors, un modeste «hameau des Loygues», authentifiant leur terre d origine. Toutefois, Jean naquit à Paris dans le 7ème arrondissem*nt, lieu de résidence de la famille de sa mère, issue d une lignée de magistrats. Le père de Jean, d abord médecin des Armées, revint à la vie civile après la Première Guerre. Il ouvrit un cabinet de pneumologie à Amiens où, surtout, lui fut confiée, par les autorités civiles, la mise en route de l Ecole de médecine. Ainsi l enfance et l adolescence de Jean se passèrent en terre picarde. Après le baccalauréat, il gagna Paris, décision prise d entreprendre des études de médecine. On peut penser, sans toutefois pouvoir l affirmer, que son atavisme ne fut pas étranger à ce choix. C est, sur les bancs de la Faculté, comme on dit, qu il va connaître, au début de la Deuxième Guerre, Annie Bernard, destinée à devenir plus tard médecin biologiste. Ils se marient le 25 octobre 1941, à Saint-François Xavier, église de Paris que, bien plus tard, ils seront amenés de nouveau à connaître, dans des circonstances moins heureuses. Ses débuts Internat et assistanat On fera commencer la relation de la carrière de Jean Loygue à son passage du concours de l internat des hôpitaux de Paris, en Il est nommé dès la première tentative et fait le choix de devenir chirurgien. Il va, successivement, être l interne de Messieurs Sorel, Charrier, Quenu, Moulonguet, Mondor et Petit-Dutaillis. Chez Sorel, chirurgien pédiatre de l hôpital Trousseau, son collègue est Paul Malvy : ils deviendront tous deux plus tard doyen de leur Faculté respective et président de l Académie de chirurgie ; surtout naîtra de cette rencontre une amitié de toute la vie. Mais c est ensuite à l hôpital Bichat qu a lieu pour Jean Loygue la rencontre décisive : il tombe sous le charme de Jean Charrier. Il a raconté lui-même qu il fut d emblée séduit par l homme, la rigueur et la minutie de sa technique opératoire qu il disait être magnifique. L osmose s opère entre le maître immédiatement admiré et l élève immédiatement remarqué. Jean Loygue reste un an à Bichat, année déterminante pour l orientation de sa carrière vers la chirurgie digestive et le chirurgicat des hôpitaux. En mai 1944, il va un an aussi chez Jean Quenu à l hôpital Cochin. Cette année est quelque peu écourtée : la période, on se le rappelle, est particulière ; la Deuxième Guerre se Correspondance : mmalaf@club-internet.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

6 6 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : déroule à présent sur le sol français dont la libération est en cours. Comme nombre d autres, Jean Loygue y participe. Engagé volontaire, le voici affecté à une Ambulance chirurgicale, au côté notamment de ses collègues et amis Maurice Tiret et Raymond Vilain. Au terme de cette période, le lieutenant Jean Loygue est décoré de la Croix de Guerre, première de ses distinctions notoires, et va réintégrer l internat chez Pierre Moulonguet alors encore à l hôpital Tenon ; puis viendront Henri Mondor, passage obligatoire à la Salpêtrière, et Daniel Petit-Dutaillis encore à Bichat. Il remporte, en 1946, le concours de la Médaille d Or de l internat. Ensuite, son ascension dans la hiérarchie hospitalière se déroule avec régularité : assistant des hôpitaux en 1947 et chirurgien des hôpitaux en Il reste l adjoint de Pierre Moulonguet à la Salpêtrière jusqu en Première chefferie de service «Le hasard nous a réunis» m avait-il dit un jour. Rien n est plus exact. C était en Je commençais mon premier semestre d internat à l hôpital Broussais, chez Paul Banzet dont le décès brutal et prématuré priva ses trois internes de leur patron. La promotion à la chefferie de service de Jean Loygue, prévue pour l année suivante, fut avancée de un an. Avec élégance, il «recueillit» les trois internes orphelins de Paul Banzet. Ce premier service était à l hôpital Rothschild, établissem*nt jouxtant le Couvent des Sœurs de Picpus et le petit cimetière, dernière demeure de La Fayette. C était un hôpital pavillonnaire «à taille humaine», agrémenté d un grand jardin bien arboré et joliment fleuri dès chaque printemps. Le service occupait les rez-de-chaussée et premier étage des pavillons 4 et 5, que réunissait un couloir inondé de lumière par le vitrage quasi-total du mur donnant sur le jardin. On accédait par là au bloc opératoire, placé entre les deux pavillons. Il comportait deux salles d opération, assez récemment équipées de scialytiques de plafond, mais qui étaient remarquables par leurs parois vitrées : ainsi les chirurgiens bénéficiaient de la proximité champêtre des pigeons qui venaient se poser sur le rebord des vitrages et paraissaient très intéressés par la chirurgie! L extrémité des branches de quelques beaux arbres venaient lécher les grandes vitres : le charme de ce cadre, inhabituel convenons-en, pour la pratique de la chirurgie, était réel ; il fit défaut à certains d entre nous lorsque nous le quittâmes une dizaine d années plus tard. Mise à part cette parenthèse bucolique, le service était assez vétuste et les conditions d hospitalisation justifiaient que les plans d un «nouveau bâtiment de chirurgie» soient déjà en gestation. Un second service de chirurgie, qui fut occupé d abord par Henri Le Brigand, et ensuite par Claude Houdard, offrait un voisinage amical qui nous laissa d agréables souvenirs. Le premier abord de Jean Loygue ne fut pas, pour les jeunes internes que nous étions, sans être conforme à la réputation qui lui était alors faite, celle d inspirer eleos kaï phobos, la terreur et la crainte. Un visage régulier mais sévère, une tenue stricte, «tant à la ville qu à la scène!» que le nœud papillon qu il ne quittait jamais égayait néanmoins quelque peu ; nous fumes prévenus que, nous concernant, cette tenue serait exigée continûment sans faiblesse. L emploi du temps nous fut indiqué avec précision, et faite la remarque qu il constituait non une orientation, mais une obligation stricte : nous avions immédiatement compris que cela allait de soi! Il apparut, dès les premiers jours, que cette discipline et cet ordre ne constituaient pas la contrainte féroce qu une certaine rumeur publique hospitalière propageait volontiers, pourvu que la «règle» fut suivie et respectée de tous. Cette rigueur s accommodait volontiers d une certaine affabilité, et même, à l usage, d une affabilité certaine. Pour ce qui concernait les internes, la «mise en route» fut grandement facilitée par les deux assistants François Dubois qui est avec votre serviteur le seul ici présent de cette période toute initiale de la vie du service, et Maurice Soulier. Ils nous apprirent beaucoup, autant l un que l autre, palliant avec gentillesse et diplomatie les éventuels erreurs et manquements un peu inévitables et susceptibles d attirer les foudres du maître, dispensées sans élévation de ton, mais dont l expression de la voix et le regard bleu glacé avaient une efficacité évidente À l appui de Dubois et de Soulier s ajoutaient, dans quelques tempêtes, la diplomatie et la bonté consolante d Étienne Levy, le médecin réanimateur, que j évoquerai à nouveau bientôt. Tout cela nous fit rapidement comprendre et goûter une mécanique de service rigoureuse mais finalement agréable dont je compris, pour ma part, que je souhaitais vivement la poursuivre au-delà des trois mois d internat occasionnels que j étais en train de vivre. À cette période du début des années soixante, coexistaient encore, offertes aux internes, deux catégories de maîtres différents, bien qu ils fussent parfois d âge assez voisin : les uns restaient attachés à des pratiques anciennes, grevées d une morbi-mortalité désolante ; les autres, heureusem*nt les plus nombreux, avaient pris le virage propice à la réalisation d une chirurgie minutieuse et bien réglée. Jean Loygue appartenait à cette catégorie. Il opérait «au bon rythme», calmement, dans le silence, avec peu d instruments et des fils adaptés à une chirurgie fine. Le résultat était très habituellement une opération dont l observateur, même s il s agissait d un geste complexe, était surpris de ce qu elle fut déjà terminée, laissant un champ opératoire parfaitement propre. Au-delà, toutes choses égales par ailleurs, les suites opératoires étaient simples. Un ami m avait dit un jour: «Tu verras, l excellent chirurgien donne toujours l impression que la chirurgie est facile, le chirurgien médiocre n a que des malades difficiles». Aux mains de Jean Loygue, effectivement, la chirurgie semblait presque toujours facile : ainsi publia-t-il à cette tribune, en 1957, une série de 119 colectomies «idéales» consécutives sans complication aucune, témoins de résultats opératoires d une qualité exceptionnelle. Après l internat, je revins à Rothschild, et cette fois-ci le hasard n y était pour rien, faisant attelage d abord avec Gérard de La Vaissiere. Puis l équipe s étoffa avec la venue de Claude Huguet qui permit, en particulier, l avancée de performances en chirurgie hépatobiliaire, pancréatique et expérimentale. Création du Centre de chirurgie digestive de l hôpital Saint-Antoine En 1969, se présenta pour le Patron, devenu professeur de séméiologie et clinique chirurgicale, l opportunité d occuper la chefferie d un des deux grands services de chirurgie générale de l hôpital Saint-Antoine. Avancée décisive pour Jean Loygue qui fonde «le Centre de chirurgie digestive de l Hôpital Saint-Antoine» qui devient rapidement, sous l impulsion d un chef d école à présent de très haut prestige, une grande Clinique chirurgicale universitaire, embrassant tous les aspects de la chirurgie digestive : œsophagienne, gastrointestinale, colorectale surtout, mais aussi hépatobiliaire et pancréatique. En 1972, Rolland Parc, venu dans le service pour y passer une année au titre d Interne Médaille d Or, séduira le Patron et ses adjoints, suffisamment pour obtenir un long contrat à durée indéterminée puisqu il y était encore tout récemment chef de service! Cette équipe déploiera une activité intense, comportant l exécution des opérations les plus complexes. En particulier dans le cadre de la chirurgie colorectale, J. Loygue fit porter l effort sur l affinement de la conservation sphinctérienne après exérèse rectale qui, dans la carte proposée par le Chef et ses adjoints, devint une des grandes spécialités, de l opération de Babco*ck, aux procédés d anastomoses colorectales basses, puis d anastomoses colo-anales. C est aussi lui qui innova dans le domaine des anomalies de la statique rectale,

7 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : en particulier sous la forme de la rectopexie promontorienne, et porta un intérêt particulier au traitement chirurgical de l incontinence anale, spécialité à l époque peu prisée ; il attira l attention sur les bons résultats qui pouvaient être obtenus des réparations directes et des plasties sphinctériennes, pourvu qu elles fussent exécutées minutieusem*nt. De son côté, Claude Huguet développa le secteur de chirurgie hépatobiliaire et pancréatique. Ainsi furent réalisées dès le début des années 1970 des interventions complexes et innovantes. Saint-Antoine devint sous la direction d un Patron prestigieux, un centre de référence mondialement connu, fréquenté assidûment par les jeunes chirurgiens étrangers venus y parfaire leur formation, de jeunes collègues algériens et marocains en particulier : J. Loygue sut établir avec eux des liens professionnels et amicaux durables, qui perdurent encore avec ses successeurs. L activité du service fut aussi rapidement remarquée par le secteur du traitement médico-chirurgical des complications postopératoires, s adressant à des patients déjà opérés à plusieurs reprises. Leur salut éventuel dépendait certes des chirurgiens, mais surtout d Étienne Levy. On ne saurait prononcer l éloge de Jean Loygue sans y associer conjointement celui d Étienne Levy, maître de Recherches à l INSERM et médecin réanimateur du service. Dans ces années qu il est un privilège d avoir vécu, il fonda la réanimation chirurgicale digestive. Dans un dénuement technologique réel à l époque, qu il palliait par une inventivité prodigieuse, combien de vies sauva-t-il, jugées par la plupart définitivement compromises, mais que sa ténacité inlassable, liée à l amour qu il portait à ses malades, lui permettait de guérir. Étienne Levy, médecin d une compétence inégalée dans sa discipline, grand humaniste, oh combien cultivé, véhiculait dans le service une philosophie souriante, désabusée en apparence, porteuse en réalité d espoir et de confiance dans la vie, vertu qu il insufflait en permanence à ceux pour et avec lesquels il travaillait. Combien, votre serviteur et bien d autres, bénéficièrent à cette époque de l influence rayonnante qu exerçait, discrètement et avec humour, ce grand médecin. Aucun de ceux qui l ont connu et qui sont ici aujourd hui ne traverse de moments difficiles sans penser à lui et sans puiser à cette pensée un regain de ténacité, d honnêteté et de courage. C est le mérite de Jean Loygue d avoir compris l esprit novateur et soutenu le travail inlassable d Étienne Levy dans la gestion des complications postopératoires graves, notamment les fistules digestives, et dans la remise en condition des malades souffrant de maladies inflammatoires du tube digestif, dont le traitement chirurgical était une des spécialités du service. Jean Loygue est resté à la tête du Centre de chirurgie digestive de l hôpital Saint-Antoine jusqu en 1985, date à laquelle Rolland Parc lui succéda. Sa carrière universitaire La carrière universitaire de Jean Loygue eut à son début un déroulement classique. Il fut nommé professeur agrégé de chirurgie générale en 1958, et professeur titulaire en Il occupa la chaire de Séméiologie et clinique chirurgicale de la Faculté Saint-Antoine (Université Paris VI) jusqu à la disparition «politique» des chaires en Il conserva son titre de professeur titulaire dont il gravit tous les échelons successifs. Mais deux avatars ont émaillé son parcours universitaire : le décanat d une part, le Conseil national des Universités d autre part. Nous sommes plusieurs ici à avoir vécu le premier d entre eux, car il s inscrit dans le cadre de la période, que l on a coutume de dire «troublée», de l année C était l époque agitée de toutes les remises en cause, avec leurs corollaires inévitables : des réunions, hélas fréquentes, souvent très bruyantes, et au cours desquelles il fut rapidement remarqué que Jean Loygue s exprimait peu, quelquefois pas du tout! II arrivait alors que les protagonistes, à bout d arguments et de salive, se tournent en désespoir de cause vers Loygue le discret. Il consentait alors à s exprimer, comme à contrecœur : en deux ou trois phrases courtes, claires, qui résumaient intelligemment le problème en discussion, et proposait une conclusion simple et logique, à laquelle, à court délai, un ralliement quasi-unanime s imposait. Quand vint, après plusieurs épisodes du même genre, le moment de choisir un doyen pour la Faculté naissante, la candidature de Jean Loygue s imposa presqu immédiatement. On la lui suggéra. Avec retenue, il l accepta, et fut élu Doyen! Il le resta de 1968 à1974, et fit valoir à ce poste ses qualités de gestionnaire méthodique et de fin diplomate. Il fut à nouveau désigné à ce poste de 1977 à Jean Loygue est assurément celui des doyens les moins bavards qu il m ait été donné de connaître... D autre part, il fut élu au Comité consultatif des Universités qui devint Conseil national des Universités membre puis longtemps président, assurant à ce poste «sensible» une gestion globalement approuvée par les élus de la Sous-section de chirurgie générale. Il participa ainsi aux promotions d un très grand nombre de chirurgiens universitaires, parisiens et provinciaux, dont plusieurs de ses élèves, et dont beaucoup sont encore en poste. La relation des deux fonctions majeures de la vie universitaire de Jean Loygue a été faite, d abord, pour mieux mettre à présent en exergue celle à laquelle il attachait la plus grande importance et consacra beaucoup de temps : l enseignement des jeunes étudiants. Comme l a si bien exprimé Michel Serres : «Rien ne remplace, dans le temps de terme long, donc en faveur d une certaine espérance, le partage du savoir, qui se multiplie lorsqu on l offre.» Jean Loygue partageait son savoir avec les étudiants «au lit du malade», à l occasion de visites auxquelles seuls des événements imprévus pouvaient le faire déroger. Ces visites, un peu solennelles, qu aucun des externes ou des stagiaires concernés n était autorisé à manquer, lui étaient l occasion de prodiguer un enseignement de l examen clinique, en même temps que le respect dû à son prochain malade. Il montrait l importance de l observation écrite, relatant les données recueillies par l interrogatoire et l examen méthodique, document indispensable à titre d archives, mais aussi pour apprécier les qualités de raisonnement nécessaires à un bon diagnostic et à en tirer le traitement approprié. La lecture du document aboutissait, schématiquement, soit à ce que l auteur fut complimenté publiquement, soit à ce que son œuvre fut frappée d opprobre par la déchirure transversale immédiate de sa première page! Le monde a changé et ces pratiques sont devenues pour la plupart obsolètes ; elles sont néanmoins restées gravées dans les mémoires, étudiants ou non, de ceux qui les ont vécues. Membre et président de Sociétés savantes L activité du chirurgien et celle de l universitaire n empêchèrent pas Jean Loygue de participer dans des proportions de temps qu il ne jugeait pas incompatibles avec le déroulement de ses obligations prioritaires à l activité des nombreuses sociétés savantes françaises et étrangères dont sa notoriété l avait conduit à devenir membre. Je ne m arrêterai que sur les deux d entre elles qui eurent sa préférence : la Société nationale française de gastro-entérologie. Il fut l un des chirurgiens à y participer assidûment, révélant ainsi aux membres médecins de cette Société que les chirurgiens n étaient pas uniquement intéressés par l acte opératoire! Il participa ainsi à la création de ce que J.N. Maillard souhaitait que l on nomme «Chirurgien gastro-entérologue». Il fut président de la Société en 1980, entrant ainsi dans le cercle très restreint des chirurgiens appelés à présider «la Gastro»! évidemment, puisque c est à cette tribune qu il est au-

8 8 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : jourd hui honoré, Jean Loygue fréquenta l Académie de chirurgie, avec régularité en particulier dans les années du postinternat car, à l époque, l absence aux séances de notre Compagnie tous sagement assis sur les bancs inconfortables de la rue de Seine était inconcevable pour qui prétendait devenir Chirurgien des Hôpitaux. Jean Loygue n y manqua donc pas, et une fois nommé, devint membre de l Académie, participa à ses travaux par des interventions nombreuses et pour certaines très remarquées. Enfin, en 1988, il fut président de l Académie. Ses proches collaborateurs comprirent à quelques phrases prononcées avec sa pudeur naturelle combien il avait été heureux et flatté de cette distinction. Citoyen actif On sait aussi que Jean Loygue ne manqua pas d honorer ses obligations de citoyen. Il fut membre du Conseil de perfectionnement du Service de santé des Armées. Dès 1981, il présida le Comité solidarité médicale qui fit opposition, avec succès, au projet gouvernemental de suppression du secteur privé hospitalier, prévu pour le 1er janvier Engagé dès lors dans la vie politique, il fut élu en 1983 Conseiller du XIIème arrondissem*nt de Paris et réélu en 1989 et À ce titre il exerça diverses fonctions : conseiller délégué auprès de Jacques Chirac, alors maire de Paris, chargé des problèmes de la santé et des urgences médicales ; puis en 1989, maire-adjoint chargé des relations avec l AP- HP, et donc à ce titre vice-président délégué du Conseil d administration de l AP-HP ; il représenta le Conseil de Paris au Conseil d administration de l Association Claude Bernard et à la Fondation de transfusion sanguine qu il présidera de 1986 à 1991 ; conseiller régional d îie-de-france de 1986 à 1992, il fut aussi vice-président de la commission Santé-Logement. Sans supputer sur la hiérarchie que Jean Loygue attribua à l ensemble de ses charges, on peut avancer que les fonctions politiques qu il exerça dans les dernières années de sa vie active furent de celles auxquelles il se consacra avec l intérêt le plus vif et il ne les quitta qu à regret. Ainsi, Jean Loygue justifia par les nombreuses et remarquables activités de sa vie publique les distinctions dont il fit l objet. Il était titulaire notamment de la Croix de Guerre et de la Médaille du Service de santé des Armées, Officier de la Légion d Honneur, et Chevalier des Palmes Académiques. un groupe d amis, qu on peut qualifier à juste titre, inséparables, puisqu il exista quasiment depuis l époque de l internat jusqu aux derniers jours : je veux évoquer particulièrement Michel Chartier, ici présent, Pierre Grenet, Jean Desarmenien, Louis Jourde et leurs épouses, avec lesquels Jean et Annie Loygue partagèrent leurs vacances et les temps de loisir que laissait la vie professionnelle des uns et des autres. Peut-être était-il difficile d acquérir l amitié de Jean Loygue, mais selon Michel Chartier, une fois acquise, elle était indéfectible ; sa vie culturelle, en particulier par son goût de la lecture, surtout des grands auteurs classiques de la littérature française, et des grands auteurs russes qu il appréciait tout particulièrement. Ainsi eut-il des loisirs moins rares que les obligations de son comportement public auraient pu le faire imaginer. On peut évoquer là : ses plaisirs apaisants des fins de semaine passées avec son épouse, ses neveux et ses amis dans la maison de Fontaine le Port, en bord de Seine, face à la forêt de Fontainebleau, où il pouvait donner libre cours à son plaisir de jardiner ; son intérêt à voyager en groupe amical à la découverte de paysages étrangers et de cultures disparues ; pourquoi aussi passer sous silence une certaine pratique du sport, le ski en hiver et, surtout, la voile et la pêche, en Bretagne, dans le Morbihan, où il possédait une résidence estivale qu avec son épouse ils appréciaient tout particulièrement. Somme toute une vie aux occupations plus variées qu il ne laissait paraître. Je ne saurais terminer sans l évocation de ce qui, dans la vie de Jean et d Annie Loygue, a tenu une place majeure : celle de leur religion, catholique, dont ils eurent toujours la pratique très fervente, pour laquelle ils ont milité et qui les a portés à tout moment. Elle a soutenu Jean dans les moments si pénibles de la fin de vie d Annie malade, moments pendant lesquels il eut un comportement admirable, assurément soutenu par sa foi. Conclusion Tel m a paru Jean Loygue, figure charismatique de la chirurgie, universitaire et humaniste, d une grande rigueur intellectuelle, animé du goût et de la volonté de «servir», auquel ont été et resteront voués admiration et respect. Qui fut «l homme»jean Loygue? Mais, dans cette surabondance d activités, presque toutes vouées il faut le faire remarquer au service d autrui, quel fut l homme, hors de ses tâches multiples? Qui fut Jean Loygue? Il ne paraît pas incongru de poser cette question tant, même pour ceux qui le connurent de près, ou crurent le connaître, furent grands le mystère, le secret, l avarice des mots, l impassibilité, bref «le côté sphinx» du personnage. D aucuns ont pensé qu ils étaient destinés «à renforcer l ascendant de celui qu anime une puissance intérieure» (J. de Savigny). D autres, au contraire, ont attribué ce type de comportement à son refus, pour des raisons qui lui étaient propres, de laisser franchir le mur de sa vie personnelle, et de donner prise à l interprétation et au commentaire public de sentiments et d opinions qu il estimait n appartenir qu à lui seul. Ainsi a-t-il pu laisser une image de grande austérité de manières et de sentiments. Un tel portrait a sa part de vérité. Mais il serait inexact et injuste de l y réduire, et il faut aussi évoquer d autres faces du personnage : ses amitiés partagées, d abord. Sa vie durant, il vécut dans

9 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Max Merlier ( ) P Vayre Mots clés Max Merlier Chirurgie thoracique Centre chirurgical Marie Lannelongue Résumé Pendant 40 ans, Max Merlier a été une référence notoire en chirurgie thoracique, contribuant généreusem*nt à l aventure du Centre chirurgical Marie Lannelongue. Il a également pratiqué la chirurgie thoracique dans les Sanatoriums, ce qui lui a permis d élargir son champ d action. Keywords Max Merlier Thoracic Surgery Centre chirurgical Marie Lannelongue Abstract During 40 years, Max Merlier was a notorious reference in thoracic surgery, contributing significantly to the development of the surgical Center Marie Lannelongue. He also practised the thoracic surgery in Sanatoriums. «Les maîtres sont ceux qui montrent ce qui est possible dans le domaine de l impossible» Paul Valéry Lors de mon dernier semestre d interne des hôpitaux de Paris, en mai 1961, à l hôpital Rothschild, j eu la chance que mon maître, Henri Lebrigand, obtienne, pour l automne suivant, un poste de «résident» pour un an chez René Sauvage au Centre chirurgical Marie Lannelongue (CCML), sis 129 rue de Tolbiac dans le 13e arrondissem*nt de Paris, unité nouvelle de chirurgie thoracique créée par la Sécurité sociale hors Assistance Publique avec la Ligue fraternelle des enfants de France. C est ainsi que j ai le bonheur de faire connaissance avec Max Merlier, personnage particulier d une apparente rugosité, cachant mal une profonde gentillesse associée à un extraordinaire sens de l humour dont l ampleur n avait d égale que la culture d un «honnête homme» assez rare en cette deuxième moitié du XXe siècle. Dès le premier instant s établit la corrélation spontanée entre compatriotes du tiers-état limousin. Elle dura 47 ans, jusqu à son décès, le 23 avril Nous n avions pas besoin de parler pour nous comprendre, ni au bloc opératoire ni dans la vie courante. Dans les moments difficiles, Max Merlier a toujours su être le refuge, le frère aîné rédempteur dont je garde une double effigie : il était compatissant pour le malade, dont seul l intérêt comptait ; il était attentif pour le jeune chirurgien dont il tâchait d éviter les faux pas, sa vaste culture lui permettant de comprendre, sinon d excuser. Malgré l inévitable Parque, je lui reste fidèlement attaché, tenant à inscrire dans les mémoires de notre compagnie, Académie nationale de chirurgie, qu il estimait fort, la qualité professionnelle et la valeur humaine de ce confrère digne de notre devise «Vérité dans la science moralité dans l art». Carrière professionnelle Ses études Max Pierre Merlier est né le 21 février 1921 à Bohain (Aisne). Il termine les études secondaires au lycée Buffon de Paris, en section A. Il est reçu à la première partie du baccalauréat en juillet 1937, puis à la deuxième partie en 1938, avec mention assez bien (section philosophie puis section mathématique). L appréciation finale du proviseur, le 27 juin 1938, est «Excellent élève qui termine bien de solides et même brillantes études secondaires». Dès lors, à 18 ans, il entreprend les études de médecine dans les circonstances chaotiques du conflit franco-allemand. En 1939, il prépare, à Poitiers, le «certificat de physique, chimie, biologie», dit PCB, qu il passe avec succès à Clermont- Ferrand, en juillet Les études en médecine proprement dites se font à la Faculté de Paris, jusqu à la libération de la capitale. Externe des hôpitaux de Paris (concours 1941), en Correspondance : Pierre Vayre, 3 rue Auguste Comte, Paris. pierre_vayre@yahoo.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

10 10 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : troisième année de Faculté avec effet au 20 mars 1942, il fait ses stages chez Bertrand Fontaine ( ), puis chez Lechelle ( ). Il est nommé interne des hôpitaux de Paris au concours de 1943, cinquième année de Faculté avec effet au 8 mars 1944, étant en service successivement chez Richard, Guimbelot, Maurer, Petit-Dutaillis, Brocq et Fey. Il convient d insister sur ses états de service militaire, à cette époque trouble : engagé dans la formation FFI d Île-de- France, de juillet 1940 à mai 1944, il est «médecin-chef responsable du quatrième arrondissem*nt», puis de mai 1944 à août 1944, il est responsable de l hôpital Foch à Suresnes. Le 18 août 1944, il signe un engagement pour la durée de la guerre. Au titre du Service de santé, il est affecté, le 5 décembre 1944, à l hôpital Percy de Clamart, puis à H.C. 422 de la première Armée, le 2 juillet Médecin lieutenant de réserve, le 23 avril 1945, il est en sursis d appel le 1er septembre Dès lors, il reprend la vie civile puis, ultérieurement, médecin commandant de réserve par décision du 17 mars 1971, il sera mis à disposition de la Direction du Service de santé de la première Région militaire stationnée au Camp des Loges, en Seine-et-Oise. À la fin de l internat, il est nommé chef de clinique chirurgicale à la Faculté de Paris, en 1949, après avoir été délégué dans ces fonctions chez le professeur Brocq à l Hôtel-Dieu ( ), ayant été, en outre, nommé au concours d aide d anatomie à la faculté en Il est donc, à cette époque, en position d entreprendre la carrière de chirurgien des hôpitaux de Paris, après avoir soutenu sa thèse inaugurale de faculté, le 30 juin 1949, sur Considérations anatomochirurgicales sur les pédicules pulmonaires et lobaires. Le Conseil de Faculté du 29 juin 1950 lui décerne une médaille d argent, avec subvention de Fr du ministère de l Éducation nationale, tandis que, pour ce travail de recherche, l Académie de chirurgie, en 1951, lui attribue le prix des élèves du docteur Eugène Rochard. Dans le même temps, en 1950, il est reçu au concours d assistant en chirurgie des hôpitaux de Paris. La même année, en juillet 1950, la commission régionale de qualification du Conseil de l Ordre des Médecins lui reconnaît la qualité de chirurgien. Dès lors, Max Merlier aspire à concrétiser son désir, contenu depuis son stage chez Maurer en 1945 : pratiquer la chirurgie thoracique, spécialité émergente. Il se lie avec René Sauvage, pionnier en ce domaine, à l hôpital Tenon. Lorsque celui-ci succède à O. Monod, en 1954, au CCML, il transfert avec lui son équipe comprenant H. Lebrigand et Max Merlier! Les vicissitudes du concours de chirurgien des Hôpitaux de Paris ne lui permettant pas d accéder à la voie royale du «Bureau Central», Max Merlier a su s intégrer dans la nouvelle formation de la voie impériale offerte, hors Assistance Publique, par la chirurgie réalisée au CCML, et dans le domaine princier du Sanatorium si largement pourvu, à l époque, par les méfaits de la tuberculose. C est ainsi que se déroule la carrière de Max Merlier qui développe avec aisance, de 1954 à 1987, sa personnalité de chef d équipe d excellence grâce à ses qualités personnelles et au soutien efficace de René Sauvage, puis d Henri Lebrigand, dans les deux périodes de la rue de Tolbiac puis du Plessis- Robinson à partir de Par arrêtés des 8 et 9 février 1951, à 30 ans, Max Merlier est admis au concours du «ministère de la Santé publique et de la population» et inscrit sur la liste des médecins habilités à pratiquer la chirurgie thoracique dans les Sanatoriums, ce qui va lui permettre d élargir son champ d action. Distinction appréciée en signe de reconnaissance technique, il est élu à la Société de chirurgie thoracique par ses pairs, le 14 janvier Sa notoriété croissante dans un domaine novateur fait qu il est élu membre associé de l Académie de chirurgie, le 3 juillet 1963, puis membre titulaire, le 22 janvier 1969, à 48 ans! Ses 33 années passées au Centre chirurgical Marie Lannelongue Au CCML, pendant 33 ans, Max Merlier a franchi tous les échelons de la carrière, témoin privilégié des événements d organisation d un établissem*nt de soins nouveaux en pathologie thoracique dont il fut un des pionniers. La mise en route fut difficile pour intégrer, dans la même formation, «les envahisseurs venant de Tenon», H. Lebrigand, M. Merlier, J. Hummel, et les anciens de l équipe de O. Monod, dont notamment Georges Pesle, le pneumologue distingué, et Claude Wapler, chirurgien confirmé aux manières anglo-saxonnes! Max Merlier a su appliquer, avec sérénité, la sagesse poitevine de René Sauvage pour éviter d être «le conquérant mal désiré» [ ] sachant évoquer «l union des membres d une même famille» [ ] «appréciant les possibilités de la création d un laboratoire de physiopathologie respiratoire sous la houlette de Dejours puis M. Weiss». Rapidement, à «l équipe pulmonaire» s ajoute «l équipe de chirurgie cardiaque» de Ch. Dubost et Ph. Blondeau, «chirurgiens des hôpitaux en détachement», qui apportent leur contribution pour réaliser «un vrai hôpital de chirurgie thoracique hors Assistance Publique». Ils mirent en œuvre la chirurgie sous hypothermie et, en 1955, ils réalisèrent la première intervention européenne à cœur ouvert avec circulation extracorporelle. En 1964, cette équipe rejoignit la chaire de clinique de l hôpital Broussais et fut remplacée par l arrivée de la dynamique formation de Jean-Paul Binet et Jean Langlois qui met au point les premières hom*ogreffes aortiques puis hétérogreffes de porc. Parallèlement, «l équipe pulmonaire», dont Max Merlier est le «demi d ouverture» vigilant, accumule les succès des exérèses pulmonaires, comme le prouve la publication, en 1959, de 500 cas de cancers bronchiques opérés, sans compter les exérèses de foyers tuberculeux sous couvert d antibiothérapie et les premières thymectomies pour myasthénie! En 1961, lorsque j étais résident rue de Tolbiac, l activité du Centre était débordante, avec un taux de réussite reconnu tant en France qu à l étranger, au point que Max Merlier disait, dans son discours de départ à la retraite, en 1987 : «Notre renommée attirait nombre d élèves de l hexagone et d ailleurs qui restaient pour la plupart fidèles et reconnaissants.» Une multitude d internes de Paris a fait un stage initiatique au CCML, sans oublier les nombreux chirurgiens étrangers dont Galindo, Rochainmazir et Saadé, mes contemporains. La nécessité de travaux d agrandissem*nt et de modernisation était évidente depuis 1956 et, en 1960, Max Merlier clamait son découragement «de vieillir dans ce dispensaire classé monument historique.» En 1961, lorsque j entre au CCML, commencent enfin «les travaux», ce qui réjouit Max Merlier qui annonce : «Le miracle se produit par la naissance du trou et l arrivée de la grande grue Isabelle» et les travaux se poursuivront jusqu au départ à la retraite de René Sauvage, en 1966! À partir de 1971, Henri Lebrigand, devenu chirurgien chef, vigoureusem*nt soutenu par Max Merlier, met en œuvre le «nouvel hôpital sur un terrain du Plessis-Robinson, sous les auspices de la CRAMIF présidée par M. Breton» ce qui, selon Max Merlier, dure jusqu en 1977 «par collaboration étroite entre architectes, administrateurs, médecins et représentants de toutes les catégories des personnels ainsi naquit un hôpital haut-de-gamme dont nous étions très fiers.» En 1977 a lieu le transfert de la rue de Tolbiac vers le Plessis- Robinson pour l aventure d une nouvelle chirurgie dans un contexte de modernisme, d avance technologique, sinon d un concept de consumérisme. Conscient de ce bouleversem*nt, Max Merlier a su tenir fermement la barre pour maintenir la sérénité à bord, évitant au mieux rivalités et glorioles des acteurs pour que le patient reste l unique objet de l effort collectif.

11 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Il était très fier du laboratoire de chirurgie expérimentale dont l importance se traduisit par «la mise au point par Ph. Dartevelle des transplantations cardio-pulmonaires, bipulmonaires ou uni-pulmonaires, aussi bien chez l enfant que chez l adulte.» Il en fut ainsi sous la direction d Henri Lebrigand jusqu à son décès prématuré, en 1982, date à laquelle Max Merlier prend le relais de chirurgien en chef, maintenant la tradition de faire briller un hôpital de qualité qui «soit une maison aimable où l accueil reste impeccable pour qu un malade y trouve assez de chaleur humaine pour se sentir un peu chez lui.» C est ce vaste programme alliant technicité et humanisme que réussit à tenir au plus haut niveau Max Merlier, devenu chirurgien chef, de 1982 à Par le fait de malheureux concours de circonstance, il n avait pas pu accéder aux fonctions universitaires, mais il avait «génétiquement» la capacité «d apprendre à apprendre». Il a su communiquer aux autres ce qu il avait acquis par expérience. J ai eu la grande chance d être son élève ; il m a appris la vertu de la patience et de la précision du geste, comme la nécessité de respecter les exigences physiologiques. Faite par lui, la chirurgie paraissait facile lorsqu il disséquait les pédicules et suivait les plans de clivage. Il était doté d une adresse naturelle au service d une sûreté méthodique avec promptitude sans fébrilité. Il était l application du concept de Corneille exprimé dans Le Cid : «Les exemples vivants sont d un autre pouvoir ; Un prince dans un livre apprend mal son devoir» En 1987, devenant chirurgien chef honoraire, il garde toujours la nostalgie du Centre confié à J.P. Binet et, dans son appartement, rue Léon Nordmann, il aimait recevoir «les anciens de l épopée», comme je l ai bien souvent constaté lors de mes visites jusqu en 2008! L œuvre chirurgicale Max Merlier a beaucoup opéré par lui-même et pour aider les jeunes chirurgiens en formation. Il pratiquait régulièrement les exérèses pulmonaires de tous ordres, qu il s agisse de lésions tuberculeuses ou cancéreuses. Il s intéressait aussi aux traumatismes des parois thoraciques, participant, avec Henri Lebrigand, à la codification des problèmes physiopathologiques. Il étudiait les pathologies pleurales infectieuses ou cancéreuses, notamment les mésotheliomes induits par l amiante. Les tumeurs du médiastin ont retenu son attention, qu il s agisse des myomes œsophagiens et des goitres thoraciques ou plongeants. Il prolongeait son enseignement pratique de salle d opération par la méthodologie de la surveillance des opérés. Les contrevisites des fins d après-midi étaient un modèle du genre, notamment pour l assèchement des cavités pleurales et la liberté des voies aériennes avec assistance respiratoire. Publications Il a participé à la rédaction de deux monographies classiques : Lobectomie inférieure avec O. Monod et R. Sauvage (Ed. Vigot ; 1945) ; il a écrit avec A. Thévenet dans l Encyclopédie Médico- Chirurgicale : Anatomie des poumons (1957), Anatomie du médiastin (1958), Anatomie des parois thoraciques (1959), Goitres à développement thoracique avec R. Eschapasse (Cahiers Baillère, 1973). Il a publié 135 articles dans des revues scientifiques, dont vingt-quatre communications à l Académie de chirurgie, huit rapports importants pour des Sociétés très spécialisées (Société française de chirurgie thoracique, Revue de la tuberculose, Société de pathologie respiratoire, Association internationale de broncho-pneumologie). Parmi ses publications, vingt et une concernent le cancer bronchique primitif, sept les cancers pleuraux, onze les tumeurs médiastinales, treize les lésions tuberculeuses. Il a décrit six fois des techniques chirurgicales, dont la décortication pulmonaire, et six fois des mises au point concernant les complications postopératoires, dont les complications médullaires par altération vasculaire traumatique. Il a mis en valeur les problèmes des métastases pulmonaires des cancers digestifs et urinaires. Il a souligné la spécificité de 81 tumeurs carcinoïdes des bronches, sans oublier les aspects particuliers de la chirurgie de la dilatation des bronches chez l enfant et la pratique de la résection-anastomose de la trachée pour sténose, faisant état, en 1980, de soixante-cinq cas opérés. D une façon générale, il a contribué à faire évoluer la chirurgie thoracique des actions purement pariétales (pneumothorax extra-pleural et thoracoplastie) vers l exérèse des lésions dont deux aspects particuliers : la thymectomie réglée pour myasthénie et l ablation en bloc par voie combinée cervico-thoracique des tumeurs responsables du syndrome de Pancoast-Tobias. Son sens de l éthique le conduisit naturellement à considérer les problèmes de la responsabilité du chirurgien lors des complications postopératoires concernant l insuffisance respiratoire, les fistules bronchiques, les complications infectieuses. C est ainsi, qu avec Henri Lebrigand, il fit L étude critique des volets osseux traumatiques de la paroi thoracique expliquant clairement la physiopathologie et les modalités thérapeutiques. De même, il publie, avec moi, en 1980, à l Académie de chirurgie, L expertise médico-légale en responsabilité chirurgicale à propos des infections nosocomiales. Grand chef d équipe Dans l activité de Sanatorium, Max Merlier se révélait plus encore le grand chef d équipe, sachant prendre en main le patient, galvaniser l énergie des personnels, instruire ses aides et les médecins du Sanatorium. S il avait le sens pratique nécessaire pour l initiation à la technique, il savait aussi, avec persuasion et élégance, faire réfléchir l élève ou le collègue sur la tactique la mieux adaptée au cas particulier. Il avait le génie de ne pas imposer mais de faire découvrir, presque par illusion, le bon cheminement de la pensée selon sa devise favorite «Savoir, savoir-faire, faire-savoir». Sa connaissance de la pathologie thoracique, y compris celle de la physiopathologie et de l anatomie pathologique, lui permettait, en mousquetaire valeureux, de croiser le fer avec les plus revêches spécialistes de sciences fondamentales, aussi bien qu avec les radiologues, les radiothérapeutes et les agressifs chimiothérapeutes. Les relations privilégiées avec les anesthésistes-réanimateurs étaient source de haute tenue pédagogique dont la rigueur sans complaisance laissait parfois une petite place pour un brin d humour éclatant comme un point d orgue et que ne laissait pas passer Max Merlier, qui avait hérité le secret de René Sauvage. Telle cette réflexion salvatrice par son caractère hilarant : «Vous me servez des malades tantôt bleus, tantôt saignants il n y a que moi pour les trouver à point!» Max Merlier respectait tout être humain et ne tolérait pas de négligence dans les relations avec les malades ou entre membres de l équipe. D humeur régulière, il utilisait adroitement la subtilité de son humanisme pour faciliter dans l équipe cohésion efficace et sérénité pérenne sur le thème «Un pour tous, tous pour un.» En Sanatorium, l équipe médicochirurgicale devait avoir pour tout une vigilance prudente pour maintenir toute sécurité. L anesthésiste-réanimateur jouait le rôle de chef d orchestre pour la mise en condition de l opéré, le calme du champ opératoire et la surveillance apaisante de la période de réveil. Pour les déplacements en Sanatorium, Max Merlier disposait d une trilogie efficace d anesthésistes-réanimateurs : Yvonne Noviant, la placide souriante, Odette Lefevre, la coquette inquiète, et Cyril Gaud, l énigma-

12 12 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : tique rassurant, toujours à la hauteur malgré sa petite taille! Max Merlier avait hérité de deux Sanatoriums de la Mutuelle Générale de l Éducation Nationale, au départ du docteur Lefoyer qui avait été le champion du pneumothorax extrapleural et des thoracoplasties d affaissem*nt. L un était situé à Sainte-Feyre, en Creuse, fréquenté essentiellement par les hommes, l autre était à Saint-Jean d Aulps, en Haute-Savoie, entre Morzine et Thonon-les-Bains, réservé à la population féminine. Il était près du préventorium de Chanay pour adolescents. Max Merlier opérait aussi à la demande dans la clinique du docteur Garbay à Lodève. J ai fait partie régulièrement de son équipe, de 1966 à 1978, pour Saint-Jean d Aulps et plus épisodiquement pour Sainte-Feyre. Pour Saint-Jean d Aulps, l expédition avait quelques allures folkloriques de par le traditionnel vol des premières caravelles atterrissant à Genève, suivi du franchissem*nt parfois épique de la douane avant «la halte de mise en condition» au restaurant Mowenpick de Genève, organisée à partir du King lobster et de la poularde aux morilles! Le coup d envoi était donné par Max Merlier rappelant l aphorisme d Anthelme Brillat-Savarin «Les animaux se repaissent, l homme mange». La cérémonie se terminait dans la satisfaction de la conclusion «autant que les boches n auront pas». Dans la soirée, à l arrivée au Sanatorium, l euphorie des personnels éclatait spontanément comme s il s agissait de l ouverture de quelques journées évoquant les «trois glorieuses». Immédiatement, débutait la séance de présentation des dossiers et malades proposés par le médecin-chef du Sanatorium au chirurgien chef entouré de son aide et de son anesthésiste. Après discussion tactique, souvent animée, «l ordre de passage au bloc opératoire» était fixé à la fin de la séance. Appréciant cette ambiance d activité dans l allégresse, Max Merlier souhaitait généralement «bonne chance à la ruche rouge». J ai connu, à Saint-Jean d Aulps, un premier médecin directeur, le docteur Giacardo, monégasque aimant à dire qu il était le fils d un palefrenier et que le prince de Monaco avait assuré les frais de ses études de médecine au XIXe siècle. Outre la pathologie de la tuberculose, il avait une culture étendue et une gentillesse naturelle qui n avait d égale que celle de son épouse qui s évertuait à nous offrir le gîte dans sa villa construite hors de l établissem*nt, face aux montagnes enneigées de Morzine, spectacle très apprécié pour le petit déjeuner des parisiens fascinés. Puis, j ai connu un deuxième médecin directeur, plus jeune, dynamique, le docteur Guy Jamet, appliquant les stratégies thérapeutiques modernes, secondé efficacement par ses adjoints, le docteur Petithomme, pétillant de malice, et le docteur Hyvrard, savoyard dévoué mais taciturne. L équipe sédentaire savait être accueillante, efficace dans les soins médico-chirurgicaux et leurs suites, sachant de surcroît mener à bien «la troisième mi-temps» par l organisation délicate d une belle table d hôte de haute qualité dont les menus rivalisaient d audace par la finesse de leurs saveurs et l abondance de leurs ingrédients, ce qui exacerbait les échanges culturels les plus divers, allant des extrapolations académiques au souvenir des anciens tonus de salle de garde. La famille Perrot régnait sur l intendance, mais Madame Gandrille, infirmière surveillante, chef du bloc opératoire, était une admirable meneuse du ballet chirurgical! Je me souviens, à la fin d une série opératoire, d une partie de pêche dans le torrent vert de la Drance coulant juste derrière les bâtiments du Sanatorium. L affaire fut rapidement fructueuse, sous la surveillance étonnée de Max Merlier ayant provoqué l ancien paysan limousin! Prestement préparées pour le repas final, «les truites fario» ont été joyeusem*nt dégustées donnant naissance à la légende du chirurgien braconnier! La personnalité Chirurgien manuellement doué et intellectuellement évolué, Max Merlier était un personnage qui séduisait ou qui heurtait par son tempérament abrupt, mais qui ne pouvait pas laisser indifférent celui qui le côtoyait, soit en tant que praticien, soit comme citoyen. Officier de la Légion d honneur, il était fier de sa décoration reconnaissant ses qualités de chef d école chirurgicale, et il portait sa rosette avec une élégante discrétion. Interne des hôpitaux, il avait déjà une solide réputation en salle de garde, alternativement sérieux dans son rôle médical et malicieusem*nt actif pour animer un tonus dont il aimait la convivialité festive. Il avait un don de conteur pour raconter les histoires. Il appréciait les contrepèteries, lecteur assidu du Canard enchaîné, à l affût de L album de la comtesse, mais il était aussi un redoutable cruciverbiste, ayant de surcroit le goût de la dialectique sans doute insufflée dès l enfance par son père, André Merlier, qui, instituteur adoubé, avait réussi, par acharnement méthodique, à devenir professeur agrégé d histoire, voie inhabituelle pour un fils du tiersétat de Boulogne! Max Merlier avait une vaste culture littéraire et un solide sens de l art pictural à l instigation de sa mère, institutrice traditionnelle d origine creusoise, du petit village de Crocq, sur un affluent du Cher près d Aubusson! Il avait une sœur, Renée, célibataire assez rébarbative, qui fit une carrière administrative. Fils des «hussards noirs de la République», élevé dans le respect de l honneur du travail et du mérite, Max Merlier a réussi, à l évidence, une belle vie républicaine dont il était fier sur le double chemin personnel et professionnel. La glaise incrustée à ses chaussures lui assura la sage stabilité du jugement et le bon sens du paysan limousin. Homme du doute, s il ne pratiquait pas la foi il n était pas agnostique! Il a illustré brillamment la laïcité mais en récusant l anti-religion. Max Merlier a appliqué la définition d Henri Mondor, lors du cent cinquantenaire de l Internat «dépasser les prédécesseurs et être surpassé par les suivants». Avec son ami Weber, il avait, en 1952, édité chez R. Vezin, 48 rue de la Santé, un très connu dossier de préparation du concours d externat qu avec un malin plaisir, assisté par Jean Verges, je détrônais en 1958 dans une nouvelle formule chez le même éditeur. À cette époque, nous ne nous connaissions pas, nous n étions pas rivaux mais c était l époque de floraison des concours avant le cataclysme idéologique de La vie familiale En fin d internat à l Hôtel-Dieu, après l agitation de la libération de Paris, Max Merlier est présenté par son ami intime, Henry Guy Robert, à une jeune interne en pharmacie dans le même hôpital en mai 1947, Andrée Gontier, sa cadette de trois ans, fille du docteur Jean Gontier de Belleville. Le coup de foudre éclate sur les glorieuses marches de la cour centrale de cet hôpital, au pied de la statue du célèbre chirurgien limousin, Guillaume Dupuytren, témoin occulte et impassible de l idylle. Le 15 juillet 1949 est célébré le mariage. Max est réfléchi, volontaire, admirant le beau, appréciant le bon et soucieux de bien faire, tandis qu Andrée met dans la corbeille un humour malicieux à la Gavroche, nourri aux sources d une érudition littéraire. Max Merlier avait des goûts simples, fuyant les manifestations tapageuses de la diaspora. Il aimait la vie de famille, appréciant le charme douillet de l appartement aménagé par Andrée à Paris, comme l agréable villa du Racou en pays méditerranéen. L union de Max et Andrée Merlier génère deux médecins : à Noël 1950, Christine. Interne des hôpitaux de Montpellier, elle s investit dans l aventure de la chirurgie réparatrice,

13 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : plastique et esthétique, avec un succès rapide lui assurant à Nîmes la notoriété, à l image de celle de son père à Paris ; en février 1952, Jean-Francis. Il participe à la marche glorieuse de l anatomopathologie à Paris, dans les suites éloignées de notre ancêtre limousin, Jean Cruveilhier. Par leur réussite notoire, les enfants Merlier ont illuminé le temps morose de la retraite des parents, les créditant de surcroît de la gentillesse attentive d une admirable affection filiale. L évocation de la famille de Max Merlier serait incomplète si j oubliais le fétiche Zounet, magnifique chat de gouttière, réservant ses câlineries à son maître en surveillant du coin de l œil les visiteurs envahissants. Le cercle d intimes Outre la chaleur de cette famille naturelle, Max Merlier a eu la chance, par son heureux caractère extraverti, de pouvoir créer un cercle d intimes parmi ses collaborateurs. Au fil des ans, j ai apprécié la solidité de ce réseau de confiance, auquel j étais fier d appartenir. Quitte à donner une apparence d agressivité, il ne savait pas résister aux bons mots, mais il n était jamais blessant et son rire quelque peu gouailleur soutenait la joie illuminant son visage! Ainsi, un jour, Henri Lebrigand, mécontent de ses œuvres, sortait de la salle d opération en disant «Je suis le roi des c», Max Merlier, misérieux mi-narquois, lança alors «Henri tu exagères toujours, pourquoi le roi?». Pour évincer prestement une visiteuse médicale qui l agaçait, je l ai entendu proclamer : «Même publique la femme doit rester pudique». Au cours de mon hospitalisation, en 1961, rue Tolbiac, pour assurer ma tranquillité en évinçant «les visites intempestives», il affiche sur la porte «Danger certain sujet très contagieux à éviter». Que ce soit au CCML ou en Sanatorium, Max Merlier savait être le moteur efficace dans la joie du travail, malgré les difficultés, comme le «boute-en-train» après la tempête sachant doser avec bonne humeur le charme de son humour naturel, appliquant avec aisance la formule de Saint-Exupéry : «Il n est qu un véritable luxe, celui des relations humaines». Cela explique sans doute le touchant attachement de tous les personnels, des anciens malades et des amis dont démonstration fut donnée lors de ses obsèques en avril 2008! Il avait un ami très cher depuis l enfance, Jacky Beaufort, et sa charmante épouse qui savait improviser des «réunions en famille». Henry Guy Robert était «le frère». À l Académie de chirurgie, Max Merlier formait club avec R. Aurousseau, M. Garbay, A. Thévenet. Au CCML de la rue de Tolbiac, son «groupe électrogène» comprenait G. Pesle, J. Hummel, J. Triboulet, Cl. Piot. Il estimait fort le tandem J.P. Binet - J. Langlois. Il utilisait aimablement les capacités de surveillante générale de Mlle Bussy et l efficacité de Mlle Tamissier, surveillante au «premier étage ancien», organisatrice idéale par sa volonté de bien faire dans l intérêt du malade avec la sécurité des actes médicaux étant seule capable de tenir tête à Max Merlier! Au Sanatorium de Sainte-Feyre, aménagé en 1950 par mon père, architecte des bâtiments communaux, il y avait un médecin-directeur étonnant, le docteur Garnier, qui galvanisait un peu Max Merlier par son flegme, ses connaissances pratiques et son adresse manuelle permettant l action en situation précaire des installations sanitaires de l époque. En 1967, un nouveau médecin directeur est nommé, revenant d Algérie. Pratiquant les thérapeutiques antibiotiques, le docteur Maurice Petit, contribua à l extinction des ravages de la tuberculose et orienta la réussite d un grand centre de réadaptation cardiorespiratoire. Il vient de décéder en juin 2009! Les témoins de ces temps révolus deviennent rares! À partir de 1977, dans le nouvel établissem*nt du Plessis- Robinson, que je n ai pas connu personnellement, l intimité disparut. Les équipes étaient nettement séparées, ayant des pratiques différentes mais toujours a régné une bonne entente par respect mutuel. Le meneur d hommes Au départ à la retraite de René Sauvage, H. Lebrigand prit la relève du patron. Sa mort prématurée entraîna naturellement Max Merlier à diriger l ensemble des services en tant que chirurgien chef. À ce poste pendant cinq ans, il donna toute sa mesure de meneur d hommes, facilitant ensuite l avancée en chirurgie thoracique de Ph. Levasseur, puis Ph. Dartevelle, et en chirurgie cardiaque, de Planché, dans la mise en œuvre de techniques nouvelles dans un concept nouveau grâce aux progrès en imagerie, biologie, chimiothérapie, radiothérapie et assistance respiratoire, sans compter la chirurgie à thorax fermé! Diriger fermement, mais sans affrontement, la marche du CCML a fait comprendre à Max Merlier la réflexion de Paul Valéry : «Le chef est celui qui a besoin des autres». Par cheminement parallèle, son âme de chef admit très vite aussi que l action du groupe relève de la formule d Olivier Guichard : «L exemple rassemble seul l acte compte!» Max Merlier a jugé lui-même les avantages du progrès, bénéficiant de la guérison, sans séquelle notoire, d une sévère lésion au prix d une mutilation majeure! Maître en ce domaine, confiant dans l efficacité de son équipe, il affronta avec sérénité et lucidité le risque connu, facilitant la décision et l action de ceux qui l avaient pris en charge. L épopée de la maladie permit au chirurgien de mieux comprendre le vécu quotidien de l opéré et d adapter sa réflexion thérapeutique aux complexes nuances psychologiques. Chirurgien réputé au faîte de sa gloire dans sa stature majestueuse, Max Merlier a su dominer la situation et montrer sa force d âme lorsqu il fut à son tour victime des outrages de la maladie. Conclusion Telle est la trame de la vie de Max Merlier, digne de la devise familiale des comtes de d Arsonval : «Paraître ne veux quand être je peux». Il a été mon maître, m initiant aux avancées chirurgicales, ce dont je lui suis reconnaissant. Il a de surcroît été mon ami, efficace dans l adversité pour soutenir mon fils lors des difficultés de l adolescence, comme moi-même, en 1978, dans les affres d une carrière compromise, m offrant la compensation du refuge au CCML comme l avait fait pour lui René Sauvage en 1954! Voilà qui explique mon affectueux respect et ma fidélité à sa mémoire, permettant d associer dans mon témoignage de sympathie attristée son épouse Andrée Merlier et ses enfants, Christine et Jean-Francis. Pendant 40 ans, Max Merlier a été une référence notoire en chirurgie thoracique, contribuant généreusem*nt à l aventure du CCML. N ayant pas eu de rivalité hospitalo-universitaire, il n avait pas, en technicité comme en humanisme, d ennemi, mais sa réussite incontestée a sans doute éveillé quelque jalousie selon le mythe «des chênes qu on abat». Il n acceptait pas les compromis douteux ni au travail ni en société. Son âme idéaliste était toujours en quête du sublime. S il appréciait les charmes de la «vie parisienne», poussant la coquette subtilité jusqu à habiter rue J. Offenbach (16ème) dans sa période active, il a eu la sagesse, à l heure de la retraite, de se retirer rue Léon Nordmann (13ème) dans l isolement d un environnement feuillu évoquant la Creuse familiale, continuant, malgré la maladie et le handicap de l âge, d espérer qu aujourd hui sera le passé de demain, pensant avec Léonard de Vinci : «Aucun être ne finit dans le néant.»

14 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Le futur de la chirurgie cardiaque The future of cardiac surgery A Leguerrier Service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire, CHU Pontchaillou, Rennes Mots clés Chirurgie cardiaque Résumé Un regard sur le passé de cette chirurgie récente permet de relever une évolution par paliers, qui peut voir brutalement disparaître tout un volet chirurgical ou, au contraire, faire émerger à grande vitesse un nouveau secteur d activité comme la greffe d organes. Toute évolution significative devra intégrer les impératifs spécifiques au système cardiovasculaire à savoir : maîtrise «à distance» de l arrêt cardiaque (et de la circulation extracorporelle), biocompatibilité (comme pour toute structure intravasculaire), et parfaite visualisation. À court ou moyen terme, l endovasculaire va progresser dans le cadre des «palliatives améliorées» (mise en place de valves percutanées, plasties «non anatomiques»), avec une compétition (temporaire) du mini-invasif par abords véritablement moins invasifs. La technologie continuera de conforter l assistance mécanique, l immunologie devra franchir un palier significatif (xénogreffes ). La thérapie cellulaire fera encore longtemps rêver «Dans la vraie vie», si la faisabilité d une technique particulière est souvent atteinte (beaucoup de «premières» dans la discipline), la reproductibilité et la fiabilité restent prioritaires pour toute évolution significative et durable. L imagerie autorisant notamment une modélisation (avec navigation dans la réalité virtuelle) va progresser à grande vitesse en utilisant tout le panel des longueurs d ondes situées hors de notre secteur de visibilité conventionnelle. Dans cette voie, nous sommes clairement passés de l étape des pionniers à l étape des équipes pluridisciplinaires intégrant des compétences multiples, qui doivent se décliner dans ce siècle, qui a démarré sous le signe de la communication. Keywords Cardiac surgery Abstract A look back on this new surgery reveals a step by step evolution, with the sudden disappearance of some surgical activities and on the contrary a quick emergence of new others such organs transplantation. Any substantial evolution will have to integrate the specific imperatives of the cardiovascular system, such as: perfect command of the cardiac arrest from a distance (and of extracorporeal circulation), biocomptability (like for any endovascular structure), and perfect visualization. At short or medium term, endovascular procedures will increase for palliative care (percutaneous valves, non anatomical plasties ), accompanied by a temporary competition with real minimal invasive approaches. Technological progress will reinforce mechanical circulatory support, immunology will have to get over a significant step (xenograft) and cell therapy will make us dream for a while In real life, if feasibility is often achieved (a lot of first case ever in our specialty), reproductibility and reliability remain the priority for any significant and durable evolution. Medical imaging, which allows establishment of a model (with virtual reality navigation), will quickly increase using the entire wavelength situated beside our conventional visibility. Going this way, we clearly went from the era of pioneers toward an era of multidisciplinary teams with multiple competences, being inflected during this century, which started devoted to communication. Se projeter dans l avenir est toujours d une grande imprudence et pourtant cette approche est fondamentale pour l orientation de nos activités, et notamment pour déployer tous les moyens nécessaires dans une recherche clinique qui s avère de plus en plus sophistiquée au travers des changements dont le rythme s accélère Correspondance : Service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire, CHU Pontchaillou - Hôpital Universitaire Centre Cardio-Pneumologique, 2, rue Henri Le Guillou RENNES Cedex alain.leguerrier@chu-rennes.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

15 15 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Un regard sur le passé pour éclairer la vision du futur Toute vision d avenir s intègre bien sûr dans une dynamique nécessitant une analyse du passé. Quelques repères La chirurgie cardiaque est une chirurgie récente : elle est née au XXe siècle (Rehn et la suture des plaies du cœur). La chirurgie à cœur ouvert ne concerne que la deuxième moitié du XXe siècle (après la mise au point de la circulation extracorporelle à partir de la machine cœur-poumon de Gibbon). Cependant, toutes les bases actuelles de notre chirurgie se sont trouvées posées en moins de 15 ans : la décennie a vu s inscrire tous les titres des grandes pages de notre chirurgie. La chirurgie coronaire : après la chirurgie à cœur battant (Kolessov à Moscou, 1962), la réalisation du pontage aortocoronarien veineux (Favaloro, Cleveland, 1967) et l utilisation des artères mammaires internes pédiculées (Green, 1967, New-York). La chirurgie des valves cardiaques : utilisation des hom*ogreffes par Ross à Londres en 1962 et par Barrat-Boyes «chirurgie aux antipodes» en 1964, la mise au point des hétérogreffes (Carpentier, Paris, 1965), devenant des bioprothèses (avec commercialisation industrielle par Hanco*ck en 1971), l évolution des prothèses mécaniques se faisant en parallèle : valves à billes (valve de Starr-Edwards dès 1960), prothèses à disque basculant de type Björk-Shiley en 1969, prothèses à double ailettes de type SJM en La transplantation cardiaque, dès décembre 1967 par Barnard au Cap, et l assistance mécanique du cœur (avec première implantation pour récupération par DeBakey dès 1966). Selon Ernest Renan «Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé». C est rappeler ici l opportunité de rendre hommage aux pionniers qui ont écrit ces pages d histoire notamment à Paris même, siège de l Académie : Christian Cabrol réalisant, avec Gérard Guiraudon, la première transplantation cardiaque européenne au milieu des désordres parisiens de mai 1968, et Alain Carpentier poursuivant ses études sur la conception de bioprothèses (facilement implantables et de durabilité acceptable) et parallèlement développant la réparation valvulaire (French correction). Les paliers dans la progression Les grandes révolutions thérapeutiques sont le plus souvent attribuées au «hasard» par leurs auteurs avec des avancées par paliers pouvant modifier très brutalement le cours d une chirurgie donnée. Ainsi, en a-t-il été : des antibiotiques (antituberculeux) qui ont fait disparaître en quelques années tout un pan de la chirurgie thoracique ( ) ; à l opposé, les immunosuppresseurs qui ont permis un développement en flèche de la transplantation dans les années 1980 : «Le hasard ne profite cependant qu aux esprits préparés» nous indiquait Louis Pasteur et c est ainsi que la transplantation a pu se développer très rapidement sous l impulsion de Norman Shumway à Palo Alto et de Christian Cabrol à Paris, leurs équipes ayant poursuivi leurs programmes, envers et contre tout Difficulté de prévoir notamment pour les gouvernants de programmes de santé Ainsi en 1980, certains pronostiquaient pour les années 2000 la disparition de la chirurgie coronaire (en raison du développement de l angioplastie à partir des années 1979 par Andréas Gruentzig) et, par contre, le développement considérable des greffes qui devaient constituer plus d un tiers de l activité chirurgicale en l an 2000 Nous avons largement dépassé ces dates et constaté que ces prévisions étaient loin des réalités, l activité de transplantation étant bien sûr extrêmement limitée par la disponibilité des organes, et l angioplastie dont l expansion a été considérable ne pouvant cependant pas encore régler tous les problèmes des coronaropathies, notamment diffuses. Les fausses innovations ou le retour aux sources Si les grandes pages d innovation thérapeutique ont pris leur place entre 1960 et 1980, on peut parler de «fausses innovations» dans les années ou un retour (parfois fugace) aux sources avec : pour les coronaires, la redécouverte de la chirurgie coronaire à cœur battant qui ne parvient pas à s imposer (mais dont le développement a permis de faire progresser la chirurgie coronaire sous CEC pour la rendre concurrentielle) Elle garde une place qui pourrait redevenir prépondérante, notamment dans des pays en voie de développement ; pour les valves, la réhabilitation des valves sans armature (retour aux premières interventions techniquement difficiles de mise en place d hom*ogreffes et d hétérogreffes), ou la promotion d alternatives complexes (nécessitant souvent le remplacement du culot aortique alors que seule la valve aortique est malade) Il a fallu attendre les analyses des grands registres (STS) pour prouver que sur des grands nombres de patients la raison devait prévaloir pour l ensemble de notre chirurgie, des modes de mini-voies non anatomiques qui s avéraient finalement plus traumatisantes que l abord conventionnel (comme les voies parasternales verticales pour la mitrale, ou des voies nécessitant des résections costales antérieures) Finalement nombre d alternatives ou de fausses innovations n ont résisté ni à l évaluation ni à l évolution. Le cœur, ses raisons et ses contraintes Les évolutions moins invasives ont largement profité à nombre d autres secteurs de la chirurgie. La chirurgie viscérale a été transformée par des voies d abord limitées (aux introducteurs) avec une visualisation optimisée (injection d air) et une mécanisation des sutures (sur les organes creux et vides). De même, en chirurgie orthopédique, l optimisation des matériaux, possible du fait d absence de contrainte biologique majeure, le tout favorisé par la possibilité d une robotisation. Ces grands progrès technologiques restent d application partielle et sélective au niveau cardiaque du fait de contraintes multiples et simultanées qu il est nécessaire de régler, notamment la gestion de la circulation extracorporelle, du milieu sanguin ambiant (visualisation difficile) et des procédures complexes de protection, bien sûr myocardiques mais aussi cérébrales et viscérales. Les artères coronaires (extracardiaques) peuvent cependant être traitées comme des vaisseaux périphériques et faire l objet d approches différentes. Ainsi, le développement des abords moins invasifs (qui doivent rester anatomiques) doivent être associés à un système performant de visualisation et permettre de maîtriser l immobilisation cardiaque ; la maîtrise de la circulation extracorporelle par approche extrathoracique apparaît un préalable fondamental : toutes les difficultés ne sont pas résolues en pratique quotidienne. Les systèmes sophistiqués, type Heart Port, se sont heurtés à des difficultés liées au caractère pathologique des réseaux artériels des patients opérés : aléas liés aux conditions anatomiques (difficultés d obtenir un clampage intra-artériel fiable, un assèchement des cavités cardiaques ) avec un allongement assez considérable des temps d intervention et de circulation extracorporelle.

16 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Si la faisabilité a, bien sûr, été vérifiée par quasiment toutes les équipes chirurgicales, la nécessité d une reproductibilité et d une fiabilité de ces technologies reste largement à démontrer. Les grandes pistes Les paris sur l avenir Chirurgie coronaire Même si de grandes études valident la qualité des résultats à long terme de la chirurgie coronaire, il est réellement possible de penser à une disparition programmée de la chirurgie classique du fait du développement des approches endovasculaires. Cependant, un peu plus lentement que pronostiqué initialement : l angioplastie (Andréas Gruentzig dès 1979), la mise en place de stents endocoronaires (Jean Puel à partir de 1987) puis la mise au point des stents «actifs» ont transformé complètement le profil de la prise en charge du coronarien Ceci dit, procédures de pontages aortocoronariens restent effectuées chaque année dans le monde entier (chiffres 2008), cette activité restant de plus en plus limitée aux difficultés de la cardiologie interventionnelle (problèmes techniques et risques propres des alternatives médicales au long cours ). L évolution de la chirurgie coronaire est, bien sûr, tout à fait parallèle à l évolution de la chirurgie vasculaire au sens large, en sachant cependant les difficultés de mise au point des sutures automatisées, les limites d accès multi-artériels dans les abords mini-invasifs, les problématiques de l arrêt cardiaque pour l utilisation en routine des techniques robotiques. En matière de chirurgie artérielle, si l essor considérable des endoprothèses se poursuivra rapidement grâce au développement des nouveaux systèmes de visualisation dans des salles hybrides autorisant aussi bien l imagerie que la chirurgie, il n en reste pas moins vrai que les marges d évolution en matière de biomatériaux restent encore assez considérables. Chirurgie valvulaire Il faut retenir la place toujours croissante des réparations valvulaires (analyses plus précises de mécanismes de dysfonctionnement, possibilité de réalisation de réparations de plus en complexes). Parallèlement, se poursuivra le développement de matériaux de substitution de plus en plus performants, qu ils s agissent de prothèses mécaniques (valves actives utilisant le concept magnétique), qui pourraient redevenir plus attractives avec les progrès en matière d anticoagulation (nouvelles molécules, antithrombines ), et surtout le développement de la voie biologique avec conception de nouveaux matériaux moins encombrants, sans suture, et surtout pouvant se déployer par voie endovasculaire : le chapitre endovalvulaire s est ouvert depuis 2002 avec la première mise en place d une valve aortique par voie endovasculaire par Alain Cribier puis par la mise en place de programmes cliniques assortis de systèmes d évaluation rigoureux. Pour autant, si de l approche endovasculaire on en arrive à une approche endovalvulaire, il n en reste pas moins vrai qu actuellement ces techniques laissent les valves natives en place (ce sont plus des «palliatives améliorées»), et que les voies d approches restent multiples (apicale, artérielle, fémorale ou sous-clavière, trans-septale aucune n étant idéale) : dans l état actuel, il s agit un peu d un retour vers une chirurgie intracardiaque sinon «aveugle», du moins de visualisation difficile. C est dans ce domaine que les progrès seront considérables pour assurer une parfaite visualisation pendant la procédure : mise en place de salles hybrides (aussi bien radiologiques que chirurgicales), développement de nouvelles technologies de visualisation : échographie (écho 3D) et futurs procédés utilisant des ondes dont les fréquences s éloignent largement de celles de la lumière visible non seulement, bien sûr, des ondes hautes fréquences (rayons X ou rayons gamma) mais aussi des ondes basses fréquences (radio avec systèmes de repérage de type GPS), d une précision qui deviendra considérable. De plus, ces techniques («réalité virtuelle, réalité augmentée») permettent une modélisation des diverses étapes et une planification pré-opératoire Ces techniques de simulation seront rapidement fondamentales dans le cadre de la formation des chirurgiens et de futurs opérateurs. Transplantation (la voie biologique) et assistance (la voie mécanique) La voie biologique classique La transplantation se heurte actuellement à de nombreuses problématiques : nombre de greffons limités, effet secondaire des immunosuppresseurs, moratoire concernant le volet xénogreffes en raison du risque viral Peut-être un nouveau palier médical permettra-t-il de franchir les barrières actuelles et d espérer un nouvel essor dans ce cadre. À court terme, des progrès significatifs pourraient résulter de l utilisation des systèmes de préservation et de transport des greffons, sous circuit de perfusion autorisant une «réanimation» du greffon et une durée de préservation permettant toutes les études de compatibilité nécessaire, avec au bout du compte une chirurgie dans des conditions optimisées. La voie mécanique L assistance mécanique du cœur s est développée avec amélioration des systèmes mis au point il y a plus de 25 ans, qu ils s agissent du cœur artificiel total (de type Jarvik qui est devenu Cardio West) et modélisation actuelle d un nouveau cœur total «biocompatible» (Carmat), avec implication majeure des techniques de l industrie, notamment aéronautique (EADS). Les progrès en matière de biomatériaux permettent d utiliser de façon prolongée des circuits assez simples : systèmes d assistance par circulation extracorporelle de longue durée (ECMO, ou ECLS), avec un nouvel essor récent de ces technologies. De même, les systèmes d assistance partielle du cœur gauche et de pompes axiales peu délétères pour les éléments figurés du sang représentent des voies de développement assez considérables avec indications réalistes d implantations en destination therapy Les coûts limiteront cependant leur utilisation. Les marges de progression restent considérables, si l on veut pouvoir utiliser les pompes centrifuges apicales (heart ware) ou les aortico-valvo pump avec valve aortique active (problèmes d hémolyse loin d être résolus). Et les biothérapies Elles représentent des espoirs légitimes, qu il s agisse : des transplantations cellulaires, visant notamment à régénérer les cellules contractiles des zones détruites du myocarde ; après les déceptions avec les myocytes (étude MA- GIC), les espoirs se portent sur les potentialités des cellules souches de la thérapie génique visant notamment à réintroduire des gènes contrôlant les protéines des mouvements calciques. Sommes-nous dans le domaine du rêve ou de la réalité? En tout cas, nous sommes très loin des applications cliniques, chaque découverte engendrant une nouvelle série de questions encore plus complexes

17 17 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Conclusion En guise de conclusion, rappelons que «l avenir n est pas écrit» comme l avaient rappelés Albert Jacquard et Axel Kahn dans un ouvrage qu ils ont réalisé en commun. Si l on réanalyse les dessins de Léonard de Vinci, si l on relit Jules Verne, on retrouve beaucoup de rêves passés à la réalité ; mais la faisabilité n est pas toujours aisément suivie d une transition vers la reproductibilité et la fiabilité : ainsi l homme a mis le pied sur la lune en 1969 («Un petit pas pour l homme, un grand pas pour l humanité» selon Aldrin), la réalisation des voyages n a pas suivi et n est pas encore pour demain

18 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Abaissem*nt transanal selon Soave dans la maladie de Hirschsprung : évaluation précoce des résultats Soave transanal pull-trough for the treatment of Hirschsprung disease E Tamby, C Fiquet, M Belouadah, F Lefevre, D Zacchar, ML Poli-Mérol Service de chirurgie pédiatrique, American Memorial Hospital, CHU Reims. Mots clés Maladie de Hirschsprung Abaissem*nt transanal Résumé Objectif : rapporter les résultats précoces de l abaissem*nt transanal selon Soave dans la maladie de Hirschsprung et les comparer à ceux obtenus sur une série plus ancienne à partir de la même technique réalisée par voie transpéritonéale. Matériel et méthodes : revue des dossiers des patients opérés entre janvier 2000 et mai 2009 et analyse pour chacun d entre eux : âge, poids moyen à l intervention, forme de la maladie, concordance entre l examen anatomopathologique extemporané et le résultat définitif, reprise du transit, durée d hospitalisation, nécessité de dilatation postopératoire. Le protocole de suivi comportait un examen clinique au 15e jour, à 1, 3 et 6 mois puis à un an. Les résultats ont été comparés à ceux obtenus à partir de la technique dite «classique» selon Soave. Résultats : la série comportait 24 patients. L âge et le poids moyen à l intervention étaient respectivement de 76 jours et 3,6 kg. L atteinte la plus fréquente était recto-sigmoïdienne. Tous les patients ont été abaissés en zone saine. La durée moyenne d hospitalisation était de 5,5 jours. Le retour du transit était survenu en moyenne au 1er jour. Un patient a nécessité des dilatations itératives. Quatre autres ont été calibrés de façon systématique lors des deux premiers rendez-vous. Conclusion : bien que récent, l abaissem*nt transanal selon Soave est une procédure sûre et simple, à condition d en connaître les difficultés techniques. Le retentissem*nt sur la continence anale à long terme chez ces futurs adultes reste toutefois encore à évaluer. Keywords Hirschsprung disease Transanal pullthrough Abstract Material and methods: all children with classical (lower to the left colon) Hirschsprung disease managed at our institution from January 2000 to May 2009 were reviewed. Age, mean weight, type, correlation between per and postoperative histology, stools resuming and necessity for postoperative dilatations were studied. They all were clinically examined after 15 days, 1, 3 and six months and 1 year postoperatively. The results were then compared to those of a former study (1996) on 48 patients operated by the classical Soave procedure. Holchneider score was used to assess the continent status in both the studies. Results: 24 patients were studied. Mean age and mean weigh were respectively 76 days old and 3,6 Kg at the time of surgery. Great majority of children had a recto-sigmoid impairment. 5,5 days was the mean length of the hospital stay. Stool resuming occurred the day after the surgery. There was no operative complication. We observed an anastomotic stenosis at day 15, which necessitated anal dilatations by the parents. Twice a week at the beginning and then, they were spaced and finally realized once a month during 6 months as a whole. Two children presented at month 2 a sub-occlusive syndrome which was medically treated. Finally, one of the children is still occasionally leaking 4 years after surgery. Discussion: We discuss our experience with this procedure comparatively to the results of a former study realized in our pediatric surgery unit, assessing the long term functional results of classical Soave procedure. Conclusion: Even if it still have to stand the test of time, Soave trans-anal pull through allows the treatment of 80% of the cases of Hirshsprung disease easily and with very few side effects. For more extensive impairment, it still can be associated with laparoscopy. Le diagnostic aujourd hui généralement précoce de la maladie de Hirschsprung permet une prise en charge chirurgicale optimale. Parmi les nombreuses techniques décrites, l abaissem*nt transanal selon Soave (1) est de description relativement récente (2). Valider une technique dans un domaine pédiatrique nécessite cependant une évaluation régulière des résultats à très long terme. Ceci étant malheureusem*nt difficile, il convient au moins de les évaluer régulièrement au cours de la croissance, selon des critères reproductibles, afin d être certain qu ils sont au moins aussi satisfaisants que ceux obtenus par le passé avec des techniques plus anciennes. L objectif de cette étude était de rapporter les résultats pré- Correspondance : ML-Poli-Mérol. Service de chirurgie pédiatrique, American Memorial Hospital, CHU Reims, 49, rue Cognacq-Jay, Reims Cedex mpolimerol@chu-reims.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

19 19 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Soave transanal Soave Age moyen (jours) 60,6 76,1 Poids moyen (kg) 6 4,6 3 temps opératoires : Colostomie Abaissem*nt Fermeture de la colostomie Tableau I Critères généraux de comparaison 1 seul temps opératoire : Abaissem*nt par voie transanale stricte Soave M1 : 1 sténose anastomotique M9 : 1 abcès + fistule anale extrasphinctérienne 3 abaissem*nts en zone pathologique : - 2 ischémies du colon abaissé 1 insuffisance d abaissem*nt (Discordance extemporané/définitif) Tableau III Complications tardives Soave transanal J15 : 1 sténose anastomotique M2 : 2 syndromes occlusifs A4 : 1 fuite anale à l émission de gaz Soave Soave Transanal 1 abcès pariétal _ J10 : 1 abcès de la fosse ischiorectale _ J5 : abcès pelvien entre les 2 manchons de dissection _ J5 : éviscération (reprise par Swenson) _ 4 entérocolites infectieuses (après fermeture de colostomie) Tableau II Complications précoces coces de cette technique et de les comparer à ceux obtenus après une étude réalisée dans le service en 1996 avec la méthode de Soave classique (3). Matériel et méthodes De janvier 2000 à mai 2009, à partir d une revue rétrospective de dossiers, nous avons étudié l ensemble des patients opérés par abaissem*nt transanal selon Soave. Tous les patients avec une forme rectosigmoïdienne et colique gauche ont été traités selon cette méthode. Une évaluation postopératoire, au cours d une consultation avec examen clinique, a été systématiquement réalisée selon le même protocole : au 5e jour, au 1er, 3e et 6e mois, puis à 1 an. Au terme de la première année, tous les enfants ont été revus annuellement. Ces résultats ont ensuite été comparés à ceux obtenus par S Antoine à l issue d une étude menée en 1996 dans le service à propos de 48 cas opérés selon la technique de Soave telle que décrite initialement. Les critères de comparaison étaient : l âge moyen à l intervention, la forme de la maladie, la concordance entre l examen anathom*opathologique extemporanée et le résultat définitif, la reprise du transit, la durée d hospitalisation, les suites opératoires et la nécessité de dilatation postopératoire. Chaque fois que cela était possible en fonction de l âge, un score d Holchneider a été réalisé pour apprécier la continence, score déjà utilisé dans la précédente étude. Résultats Au total, 24 dossiers de patients ont été revus : 20 garçons et 4 filles. L âge et le poids moyen étaient respectivement de 76,1 jours (13 à 157 jours) et de 3,6 kg (3 à 7,3 kg) à l intervention. Tous les patients présentaient une forme limitée au colon gauche dont : 7 rectales, 15 rectosigmoïdiennes, 2 coliques gauche (dont la limite supérieure était située sous l angle colique gauche). Le recul moyen était de 18 mois (de 11 mois à 8 ans), aucun d entre eux n a été perdu de vue. Tous les patients ont été abaissés en zone saine. La reprise du transit était obtenue en moyenne au 1er jour postopératoire (0-2 e jour). La durée d hospitalisation était de 5,5 jours (3 à 12 jours). Les suites opératoires (délai inférieur à 15 jours) ont toujours été simples. Un cas de sténose anastomotique nécessitant des dilatations itératives à la bougie de Hégar est survenu au 15e jour. L évolution a été favorable sans autre incident au prix d une dilatation initialement bihebdomadaire puis rapidement espacée jusqu à devenir mensuelle pour contrôler le calibre anastomotique, et ce jusqu au 6e mois postopératoire. Deux enfants ont eu, aux alentours du 2e mois, un syndrome occlusif aigu mal expliqué avec dilatation aérique importante mais sans syndrome infectieux biologique ou clinique majeur. Ces enfants ont été traités médicalement par repos digestif, nursing et traitement antibiotique avec une évolution favorable en quelques jours. Un enfant a eu un épisode subocclusif au bout de un an, avec normalisation du transit sous laxatifs. Enfin, un enfant a toujours des fuites anales à l émission de gaz à la 4e année postopératoire. Dans la série des patients plus anciens, plusieurs complications ont impliqué une reprise chirurgicale. Parmi les complications précoces, on observait essentiellement des complications infectieuses à type d abcès ischiorectal ou pelvien et d entérocolites. Le cas d abcès de la fosse ischiorectale a été traité par drainage local, l abcès pelvien a entrainé la rétraction du colon abaissé et la nécessité de reprise par la technique de Swenson. Les cas d entérocolites infectieuses ont bénéficié d un traitement médical par antibiotique, d évolution satisfaisante. Parmi les complications tardives, les trois cas d abaissem*nt en zone pathologique ont nécessité une chirurgie itérative. L un des patients, aujourd hui âgé de 16 ans, a une vessie rétentionniste postchirurgicale nécessitant une vidange régulière par autosondage. La comparaison des résultats des deux techniques est résumée dans les tableaux I, II et III. Discussion Proposée initialement en complément de la technique de Soave par laparoscopie, l abaissem*nt transanal a connu son essor après avoir constaté que les dissections sous-muqueuse et péricolique après ouverture circulaire du manchon musculaire par voie transanale stricte pouvaient permettre une résection emportant la totalité du colon sigmoïde. Ceci permet donc de traiter environ 80 % des formes de maladie de Hirschsprung. Cet abord est par ailleurs, dans les formes plus étendues, réalisable en association avec une libération laparoscopique préalable. Compte tenu de sa description relativement récente, et l absence d évaluation à long terme, il n existe que peu de références bibliographiques sur cette technique (4, 5). La question posée dans la littérature est celle du retentissem*nt de l écartement anal au cours de la procédure, en particulier sur les sphincters périrectaux. L usage des écarteurs autostatiques est encore à évaluer. Nous réalisons un écartement contrôlé et prudent à l aide de fils Consistance des selles Fréquence des selles Discrimination selles (liquide /moulée) Capacité à se retenir Présence de souillure Liquide : 1 Normale (1 à 2/j) : 9 Oui : 6 Minutes : 7 Jamais : 8 Non : 4 Solide : 9 Anormale (> 3-5/j) : 1 Inconstante : 1 Secondes : 2 Parfois : 1 Parfois : 3 Non : 3 Aucune : 1 Toujours : 1 Oui : 3 Recours au traitement (laxatifs, lavements) Tableau IV Évaluation fonctionnelle de la continence

20 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : tracteurs disposés de façon radiaire autour de l orifice anal, selon le procédé dit «en parachute», de façon à limiter l effet délétère éventuel de l écartement. Nous avons cherché à évaluer le résultat fonctionnel (6) sur la continence anale à long terme au cours du suivi des patients opérés. Nous avons eu recours au score d incontinence d Holschneider (7) volontairement simplifié (absence de données de manométrie anorectale), score qui avait été utilisé pour l analyse de nos résultats sur la précédente étude. Sur les 24 patients, seuls 10 étaient en âge d être évalués (supérieur à 4 ans). Le questionnaire était rempli par les parents. Les résultats figurent dans le tableau IV. Il est clair que le recul reste peu important et que le résultat définitif sur la continence nécessite d attendre l âge adulte pour être définitivement évalué, mais ces résultats préliminaires restent malgré tout encourageants et, dans tous les cas, au moins comparables à ceux de la technique que nous utilisions auparavant. Nous n avons pas eu de complications postopératoires ni d abaissem*nt en zone pathologique. La simplicité relative du geste, une dissection qui permet forcément par sa situation un bien meilleur contrôle des plans au niveau inférieur et, peut-être aussi, notre expérience préalable du Soave nous paraissent pouvoir expliquer cela. Sur le plan purement technique, il nous semble devoir souligner l importance d une dissection amorcée d emblée à son niveau inférieur parfaitement au contact de la muqueuse, de façon à ne pas remonter dans le sphincter. C est en effet à cet endroit, nous semble-til, que le plan est le plus difficilement repérable. Conclusion L abaissem*nt transanal selon Soave est une technique sûre qui peut être utilisée précocement, permettant de limiter au maximum le temps du nursing. Nous n avons observé que peu de complications postopératoires. La durée d intervention, d hospitalisation et l aspect cosmétique sont, bien sûr, difficilement améliorables par rapport aux techniques précédemment décrites. Le résultat sur la continence est satisfaisant à court terme, même s il faut encore attendre quelques années chez ces jeunes patients pour pouvoir affirmer définitivement l intérêt de cet abord, applicable à la grande majorité des formes anatomiques des maladies de Hirschsprung. Ph Montupet Commentaires : Cette technique bénéficie aujourd hui d un réel engouement. Elle fait penser à l ancien tire-cul de Toupet. Son apparition est contemporaine en 1998 de l envol de la vidéochirurgie qui a aussi ses avantages mais a été trop freiné par la simplicité apparente de la technique transanale. Question 1 En matière de MH, ne doit-on pas éviter de cautionner trop tôt une nouvelle technique, quand on sait que les complications de «soiling» ou de constipation opiniâtre ne peuvent être évaluées qu à partir de 4-5 ans? Réponse Il est clair que le résultat à long terme doit être validé. Mais les avantages de cette approche sont réels sur le plan des suites opératoires et de la facilité du geste, qui peut être réalisé précocement. Notre évaluation précoce de la continence est d ailleurs encourageante. Question 2 Quelle place donnez-vous aujourd hui à la chirurgie laparoscopique dans la MH? Réponse Elle nous semble devoir être utilisée dans les formes étendues, afin d amorcer la libération colique. Elle ne nous semble pas être concurrente, mais bien complémentaire de l abord transanal. B Launois En chirurgie de l adulte, on utilise l écarteur de Baulieux qui expose la ligne pectinée. Pourrait-on l utiliser chez l enfant? Réponse Nous n avons pas l expérience de cet écarteur, nous réalisons l écartement chez ces enfants très jeunes par des points radiaires péri-anaux d écartement. Références 1. Soave F. A new surgical technique for treatment of Hirschsprung s disease. Pediatr Surg 1964 ; 56 : Albanese CT, Jennings RW, Smith B, Bratton B, Harrison MR. Perineal one-stage pull-through for Hirschsprung s disease. J Pediatr 1999 ; 34 : Antoine S. L intervention de Soave dans la maladie de Hirschsprung : à propos de 4 cas. Thèse de doctorat en médecine. Avril Van Leeuwen K, Geiger JD, Barnett JL, Coran AG, Teitelbaum DH. Stooling and manometric findings after primary pull-throughs in Hirschsprung's disease: perineal versus abdominal approaches. J Pediatr Surg 2002 ; 37 : Till H, Heinrich M, Schuster T, V Schweinitz D. Is the anorectal sphincter damaged during a transanal endorectal pull-through (TERPT) for Hirschsprung's disease? A 3-dimensional, vector manometric investigation. Eur J Pediatr Surg 2006 ; 16 : Kim HY, Oh JT. Stabilization period after 1-stage transanal endorectal pull-through operation for Hirschsprung disease. J Pediatr Surg 2009 ; 44 : Holschneider AM. [Anorectal manometry. A new method for the evaluation of continence, incontinence and chronic constipation]. Fortschr Med 1976 ; 94 : Questions

21 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : : 500ème anniversaire de la naissance d Ambroise Paré 2010: 500th anniversary of Ambroise Paré s birth A Jardin Mots clés Ambroise Paré Résumé Ambroise Paré, dont nous célébrons en 2010 le 500ème anniversaire de la naissance, est un des grands pionniers de la chirurgie et l initiateur de la chirurgie moderne et de son organisation en tant que profession. Si ses œuvres complètes couvrent l ensemble des connaissances anatomiques, médicales et chirurgicales de son époque, sa contribution personnelle est limitée et l histoire retient surtout la démonstration de la supériorité de la ligature des gros vaisseaux sur la cautérisation. A Paré est d abord un chirurgien de guerre avant d être le chirurgien de quatre rois de France. Mais il est aussi un esprit scientifique précurseur de la médecine expérimentale, conscient de l intérêt de l évaluation des thérapeutiques. Paré est extrêmement attachant par son humanité et son humanisme, illustrant, par sa vie, sa devise : «un travail acharné vient à bout de tout» et sa célèbre boutade : «je le pansai et Dieu le guérit». Doté d une robuste constitution, il est un très grand communiquant sans connaître le latin. Il montre aussi un grand sens politique, fait œuvre d historien et enfin de poète. En 80 ans de vie dans l action, il traverse presque tout le XVIe siècle, dans une France poursuivant sa Renaissance intellectuelle, artistique et scientifique, malheureusem*nt déchirée par les meurtrières guerres de religion. Ambroise Paré est un modèle. Keywords Ambroise Paré Abstract Ambroise Paré, whose 500th anniversary we celebrate in 2010, is one of the greatest surgery pioneers and modern surgery initiator. If his complete works cover all the anatomical, medical and surgical knowledge of his century, his personal contribution is restricted and History mainly retains the superiority of the ligature of the big vessels on cauterization. A Paré was first and foremost a war surgeon, prior to being the surgeon of four French kings. He is also an outstanding scientific mind and a precursor of experimental medicine, deeply aware of the importance of therapeutic evaluation. Paré is extremely endearing in his humanity and his humanism, living up to his motto: «labor improbus omnia vincit» and his famous sentence «je le pansay, Dieu le guarist». Endowed with a strong constitution, he is a great communicator despite his lack of Latin. He also shows strong political flair, and produces historic and poetry work. His 80 year life span covered most of the 16th century, in a France bent on intellectual, artistic and scientific Renaissance, but regrettably torn by the murderous religious wars. Ambroise Paré is a role model. En 2010, les médecins et tout spécialement les chirurgiens sont heureux et fiers de commémorer le 500ème anniversaire de la naissance de celui qui donna ses lettres de noblesse à la chirurgie dans l esprit de la Renaissance, fit du français une langue essentielle de la communication médicale et comprit qu avec l imprimerie, encore adolescente, le livre allait être pour 500 ans encore l objet essentiel de la transmission du savoir. Ambroise Paré (fig. 1) est passé, à juste titre, à la postérité dans l Histoire de la Médecine pour deux apports essentiels à la chirurgie de guerre : d une part, en rejetant l utilisation de l huile bouillante pour le traitement des plaies par armes à feu, montrant qu elles pouvaient guérir aussi bien avec un baume et, d autre part, en montrant l intérêt considérable de la ligature artérielle dans l amputation des membres ; et un troisième apports à la gynécologie obstétrique en prônant la Figure 1 Portrait d'ambroise Paré Correspondance : Alain Jardin frajardin@noos.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

22 22 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : version podalique dans certaines présentations fœtales anormales. Cependant, de nombreux «faits d arme» chirurgicaux ou non lui ont été et lui sont souvent encore attribués, alors que luimême n y a jamais fait allusion, parce que très tôt ses qualités chirurgicales et humaines ont fait de lui un personnage de légende. La vie d Ambroise Paré Même sa date de naissance est controversée : notre collègue Malgaigne (qui a réalisé un travail de bénédictin en rééditant et classant tous les écrits d Ambroise Paré et y ajoutant en préambule une superbe histoire de la chirurgie) le fait naître en 1519! La majorité des historiens s accorde cependant pour le faire naître dans le Maine, à Bourg Hersant (commune de Laval) en Il mourra à Paris le 20 décembre 1590 à l âge de 80 ans, ayant vécu le seizième siècle. On ne sait pratiquement rien sur son enfance et son adolescence, mais qu il soit fils de barbier ou fils de coffretier, il n a pas appris le latin. Un fait semble certain : son farouche désir de «faire de la chirurgie». Il va réussir (comment?) à être résident à l Hôtel Dieu de Paris de 1533 à Il écrira plus tard : «Et a fin qu on voye quels moyens i ai eu de faire de telles et si grandes expériences, faut sçavoir que par l espace de trois ans i ai résidé en l Hostel-Dieu de Paris, où i ay eu le moyen de voir et cognoistre (eu esgard à la grande diversité des malades, y gisans ordinairement) tout ce qui peut estre d alteration, et maladie au corps humain, et ensemble y apprendre sur une infinité de corps morts, tout ce qui peut se dire et considerer sur l anatomie, ainsi que souvent i en ay faict preuve tres suffisante, et cela, publiquement à Paris, aux ecoles de médecine.» Les acquisitions théoriques livresques étaient limitées en 1530 pour un étudiant en chirurgie ne connaissant pas le latin. Il n y avait que le fameux traité de Guy de Chauliac ( ) traduit du latin en 1503, et la chirurgia copiosa écrite par Giovanni da Vigo ( ) traduite du latin en Chirurgien de guerre Après ces trois années de formation intensive, Ambroise Paré, qui donc ne lisait ni ne parlait le latin, ne pouvait imaginer entrer dans la Confrérie de Saint Côme des chirurgiens lettrés ou chirurgiens de robe longue, fondée en 1278 par Jean Pitard, et qui comportait toute une hiérarchie mais était en fait constituée de «chirurgiens» qui n opéraient pas. Il aurait pu certainement, par contre, espérer, après examen, briguer d appartenir à la Confrérie des barbiers (de robe courte), devenus barbiers chirurgiens à partir de Tel ne fut pas son choix. Pressé sans doute par un désir d agir, il pensa à la chirurgie de guerre. Cette dernière allait le passionner, lui apporter la renommée et en faire le chirurgien estimé de quatre rois de France. Traitement des plaies par armes à feu sans huile bouillante Sa première campagne fut celle du Piémont que François Ier avait décidé d envahir. L ennemi était le duc de Savoie, vite soutenu par Charles Quint. Paré, sans doute déjà renommé pour ses qualités montrées à l Hôtel Dieu, fut engagé par Mr de Montéjan qui commandait l infanterie de l armée du roi de France. Cette première «campagne» le bouleversa mais le fit rapidement réagir : ému par la douleur des blessés, il traita avec succès les plaies par armes à feu sans huile bouillante. Ce progrès ainsi que sa dextérité lui valurent l affection admirative des soldats et du commandement. Au début de 1539, Mr de Montéjan, devenu maréchal de France, mourut et Paré regagna Paris. Il retrouve à Paris son ami Thierry de Héry avec lequel il se remet à l étude. Ils sont rapidement reçus en 1541 maîtres chirurgiens-barbiers et vont exercer leur art dans la capitale est marqué par deux autres évènements importants pour Ambroise Paré : son mariage avec Jeanne Mazelin et sa rencontre avec Sylvius (Jacques Dubois d Amiens), linguiste traducteur en latin et commentateur de Galien, professeur d Anatomie, intéressé de connaître ce jeune barbier, déjà renommé. Sylvius donnera à Paré un conseil que ce dernier n oubliera jamais : «L important, c est de publier.» De 1542 à 1552, Ambroise Paré va de succès en succès. Peu enclin à faire carrière de clientèliste, il repart en 1543 sur les champs de bataille. En , si la France de François Ier occupait Savoie et Piémont, Charles Quint allait envahir le nord de la France et faire pression à la frontière espagnole. Le dauphin, futur Henri II, fut chargé de prendre Perpignan. Paré, engagé par Monsieur de Rohan, commandant une compagnie de renfort, l accompagna et se distingua encore en montrant expérimentalement sur le duc de Brissac (le beau Brissac) que pour extérioriser une balle reçue il suffisait de faire prendre au blessé la position dans laquelle il était lors de l impact! 1545 est une grande année pour Ambroise. Son premier livre La méthode de traicter les playes faictes par hacquebutes et aultres bastons à feu est publié. Son premier enfant, François, naît. Le troisième évènement glorieux de 1545 est plus contesté historiquement, mais fait partie des exploits qui lui sont attribués : l extraction «héroique» à Boulogne, assiégé par les anglais, d un fragment de lance fiché dans la face de François de Lorraine qui guérira. Il sera nommé le balafré avant même que devenir duc de Guise. Retour de Boulogne, Ambroise réintègre pendant 7 ans la vie civile, lit Galien et d autres dans des traductions françaises qui commencent à apparaître, dissèque avec son ami de Hery devant les étudiants, consacre du temps à la clientèle et aussi écrit son livre d anatomie, qui lui tient à cœur, même s il est convaincu qu il aura du mal à se comparer dans ce domaine à Vesale qui a publié son extraordinaire De humani corporis fabrica en Il vit confortablement dans une maison qu il a acquise à Paris, rue de l hirondelle, et dans une maison de campagne à Meudon. Pendant cette même période, Paré, même s il n en parle pas dans ses écrits, ne peut être insensible aux évènements de l année 1547 qui voit disparaître deux des trois monarques qui rêvaient de dominer l Europe : Henry VIII en février, François Ier en mars. Restait Charles Quint qu il faudrait bientôt combattre. Mais 1547 c est aussi l année où naît et meurt sa fille Madeleine dont le frère François est également mort en bas âge. Paré publie donc en 1549 son livre d anatomie dédié à Monsieur de Rohan. Ligature des vaisseaux, sans recourir à la cautérisation C est avec ce dernier qu en 1552 il repart en campagne. Henri II est roi de France depuis la mort de son père François Ier. Il décide de déclarer la guerre à Charles Quint pour récupérer Metz, Toul et Verdun, villes de l empire mais dont les habitants, francophones, se considèrent français. Paré est du voyage. Il s y illustre rapidement à nouveau. Lors du siège de Damvillers (au nord de Verdun), il pratiqua une amputation de cuisse en faisant une ligature des vaisseaux, sans avoir recours à la cautérisation, toujours employée à cette époque (fig. 2). Le patient, un gentilhomme de la suite de Monsieur de Rohan, blessé par un obus de couleuvrine, survécut. Paré était déjà renommé, il est maintenant consacré. Quelques semaines plus tard, Henri II engageait Paré comme chirurgien ordinaire du roi : sa carrière officielle à la cour commençait, il avait 42 ans. Sa vie de chirurgien de guerre se poursuivait cependant,

23 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Marie Stuart ; malingre, il succombera en décembre Charles IX succède à son frère. Il a 10 ans. Premier Chirurgien du roi Ambroise Paré garde la confiance de tous. Le 1er janvier 1562, il est nommé premier chirurgien du roi à la place de Lavernot décédé. Un peu moins occupé à la guerre, il écrit beaucoup. Il a perdu en 1560 un troisième fils, Isaac, âgé de quelques mois mais la même année naîtra Catherine qui, elle, vivra. Ambroise Paré continue à soigner les blessés lors de la première guerre de religion en 1562 et 1563, à Bourges, à Rouen, à Dreux. En janvier 1564, Ambroise est convié à accompagner le jeune roi dans un tour de France qui durera plus de deux ans. Ce voyage est organisé par Catherine de Médicis qui s efforce de réconcilier les français et, en montrant le jeune roi au peuple, de créer une unité nationale (fig. 3). Pour Paré, observateur curieux de tout, avide de savoir, ce voyage est l occasion de nombreuses observations de cas cliniques qu on lui montre ou qu on lui relate, occasion aussi de rencontrer des médecins et des chirurgiens qui l enrichissent de leur savoir, lui confient des recettes ; occasion enfin d instruire le jeune roi et même de l initier à la méthode expérimentale. L euphorie semblait régner au cours de ce voyage, si ce n est les cas de peste rencontrés en particulier à Lyon et qui conduiront Catherine de Médicis à demander à Ambroise Paré d écrire un traité sur la peste. Figure le siège de Metz, l amputation comme il le racontera avec force détails dans ses Récits de voyage : le terrible siège de Metz par Charles Quint (1552) où il fut envoyé par le roi porter secours aux blessés en traversant les lignes ennemies ; le siège de Hesdin en 1553 où il fut fait prisonnier et rapidement libéré sans caution après avoir bien soigné l ulcère d un chef ennemi, le seigneur de Vaudeville. Mais Ambroise Paré demeurait barbier chirurgien. Avec une telle renommée, il se devait d être maître chirurgien. Bien que ne pouvant s exprimer en latin, il fut admis au cours d un examen «quelque peu arrangé» en 1554 ; il pouvait rejoindre la Confrérie de Saint Come qui, cependant, n avait aucune bienveillance pour lui. Les campagnes de 1557 et 1558 dans le Nord de la France qui opposent Henri II à Philippe II, soutenu par les anglais, auraient pu être les dernières pour Ambroise Paré puisqu elles se terminaient par le traité de paix de Cateau-Cambresis signé le 3 avril 1559 qui augurait d une paix durable. C était ne pas tenir compte de l ampleur du conflit religieux qui allait conduire à des massacres et des batailles entre français, affaiblissant considérablement la France de la deuxième moitié du XVIe siècle. Comme c est la règle, un tel traité est assorti de mariages royaux entre les ennemis d hier, et Henri II «donne» sa sœur au duc de Savoie et sa fille de 14 ans à Philippe II, 32 ans, veuf de Marie 1re d Angleterre. C est dans cette ambiance de fêtes fastueuses voulues par Henri II pour célébrer ces mariages et la réconciliation des maîtres de l Europe, qu a lieu le tournoi de la rue Saint Antoine qui lui sera fatal. Ambroise Paré participe sûrement aux soins donnés par les 13 chirurgiens du roi (dirigés par Nicole Lavernot premier chirurgien du roi) et par Vesale, devenu premier médecin de Philippe II, dépêché en urgence. Malgré les efforts de tous, le roi meurt 11 jours après l accident. François II succède à son père. Il a 15 ans et est déjà marié à Figure 3 Deuxième édition 1551 du premier livre d Ambroise Paré

24 24 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 4 Anatomie universelle du corps humain 1561, les artères Figure 5 En 1561 est publié une nouvelle édition intitulée : Anatomie universelle du corps humain, illustrée de planches empruntées à Vesale. Les années suivantes sont marquées par la reprise du conflit catholiques-protestants avec de part et d autres des massacres, des batailles rangées, une guerre entre deux camps qui avant d être une guerre idéologique est une guerre pour la succession au trône de France entre les Guise «catholiques» organisés dans la Ligue et les Bourbons «protestants», puisqu approchait la fin des Valois. Paré, pourtant depuis longtemps aguerri, régulièrement amené à soigner les blessés, dira combien il est bouleversé par le spectacle de la brutalité de ces batailles et massacres. Le massacre de la saint Barthélemy (24 août 1572) fut le point culminant de cette lutte où Charles IX perd manifestement pied. De nombreuses versions sont données de la façon dont Ambroise Paré se sort de ce traquenard sanglant. Lui, bien qu il ait la plume facile pour se raconter, n en parlera pas, laissant planer le mystère sur son appartenance à l un ou l autre des clans. La femme d Ambroise Paré meurt le 4 novembre 1573 ; leur fille, Catherine, a 13 ans. Il se remarie très vite, le 15 janvier 1574, avec Jacqueline Rousselet, 18 ans ; il en a 63. De cette union naîtront six enfants : quatre garçons mourront en bas âge et deux filles : Anne, née en 1575 et mariée en 1596, et Catherine, née en 1581 qui vivra jusqu en : une nouvelle femme, un nouveau roi! Charles IX, sans doute miné par la tuberculose et mal remis de la Saint Bathélemy, meurt le 30 mai Son frère, Henri, monte sur le trône ; le roi de Pologne devient roi de France : Henri III. Même si Ambroise Paré lui est moins attaché qu à Charles IX, il demeure premier chirurgien et est nommé conseiller du roi. Il s occupe principalement à cette époque, hors sa clientèle, à la publication de ses ouvrages, et particulièrement d une nouvelle édition de ses œuvres complètes qui, relues et revues par ses soins, sera publiée en Il ne sera, semble-t-il, pas impliqué dans les évènements tragiques qui conduiront Henri III à faire assassiner à Blois le duc de Guise avant que d être assassiné à son tour et laisser place au roi de Navarre le 2 août Le début du règne d Henri IV fut la tragédie que l on sait et la dernière occasion pour Paré d intervenir publiquement auprès de l Archevêque de Lyon, un des chefs de la ligue, pour le supplier de ne pas laisser le peuple de Paris affamé, car assiégé. Ambroise Paré meurt le 20 décembre Il est enterré dans l église Saint-André-des-Arcs qui sera détruite en 1800, et ses restes seront mis dans la fosse commune des catacombes sic transit gloria mundi! L œuvre écrite d Ambroise Paré L œuvre écrite d Ambroise Paré est exceptionnelle par son volume, sa diversité, sa fantaisie, l originalité des propos, la qualité de l écriture, la qualité pédagogique. On comprend, dès lors, que beaucoup de ses ouvrages aient connu plusieurs éditions de son vivant, que ses œuvres complètes aient été traduites dans plusieurs langues et, enfin, qu elles soient encore régulièrement éditées et mises en ligne sur plusieurs sites internet! La publication des livres d Ambroise Paré relus et corrigés par leur auteur s échelonne entre 1545 et Si les imprimeurséditeurs choisis sont pratiquement tous de qualité, l auteur diversifie ses choix et garde le contrôle. Quand un livre a du succès (la plupart), l édition suivante est toujours revue et complémentée, tant dans le texte que dans les planches illustrées, et généralement présentée de façon plus luxueuse. L œuvre est constituée de textes originaux publiés séparément, certains sont regroupés, d emblée ou pour des éditions suivantes pas toujours de façon logique. L œuvre est colossale et traite de pratiquement tous les sujets médicaux et chirurgicaux (et de bien d autres sujets!). Il parait donc normal que pour ce faire un chirurgien, spécialiste de la chirurgie de guerre, s inspire dans les domaines qui lui sont moins familiers d autres auteurs. Il a été «accusé», de son vivant et bien plus tard, de plagiat. Il s est ouvert de certains de ses emprunts (pas tous!) et pense en tout cas n avoir pas fait d avantage de tort aux auteurs de ses emprunts «qu une chandelle faict a sa sœur d elle prenant sa lumiere» et Janet Doe, qui a publié une superbe bibliographie exhaustive des œuvres d Ambroise Paré, cite à ce sujet un anglais (Lewis) qui affirmait que copier un livre est du plagiat, en copier plusieurs est de la recherche! Quoiqu il en soit, même s il ne cite pas toujours ses sources, notre auteur apporte toujours son opinion, le plus souvent fondée. Enfin, il regroupe tous ses écrits en 1575 dans la première édition de ses œuvres complètes apportant des corrections et des ajouts. Mais il n a pas fini d écrire, et il faudra attendre l édition de 1585 pour trouver incluse son discours de la Mumie (1582), son apologie et ses récits de campagnes qu il appelle ses voyages.

25 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Premier livre publié en 1545 Le premier livre est publié en Paré fut peut-être stimulé pour publier vite par la parution, en 1543, de la fabrique de Vesale et, en 1544, d un beau livre de chirurgie écrit en latin par Guido Guidi (Vidus Vidius) premier médecin de François Ier. Le premier livre de Paré est intitulé : La méthode de traicter les playes faictes par hacquebutes et aultres bastons à feu : et de celles qui sont faictes par fleches, dardz et semblables : aussy des combustions faictes par la pouldre à canon. Il est dédié à Monsieur de Rohan. L auteur développe la découverte qu il a faite de l absence de caractère «empoisonné» des projectiles et de la poudre, et donc de l absence de nécessité d utiliser l huile bouillante pour les traiter ; il décrit, par ailleurs, les différents types de plaies selon l engin qui les a causées en fournissant des détails pour traiter chacune d elles. Le format est petit, donc facilement transportable. D ailleurs, l auteur l adresse, dans sa préface, «aux jeunes chirurgiens de bon vouloir». Le succès est rapide, et une traduction en néerlandais paraît dès La seconde édition en français, publiée en 1551, est plus ambitieuse et plus luxueuse (fig. 4), avec des illustrations de grande qualité. Sur les conseils de Monsieur de Rohan, Paré l a dédiée au roi. Quelques mois plus tard, il sera chirurgien du roi! Second livre : le premier livre d anatomie en français Le second livre est publié en 1549 : Brieve collection de l administration anatomique :avec la manière de conjoindre les os :et d extraire les enfants tant mors que vivans du ventre de la mere, lors que nature de soy ne peult venir a son effect. Ce livre n est sans doute pas le traité d anatomie dont il rêvait, lui qui avait tant disséqué, mais a le mérite d être le premier livre d anatomie en français. Mais il est sans planche dessinée, sans schéma! Dans cette édition apparaît pour la première fois une des sentences fétiches d Ambroise Paré : «Fin est la mort et principe de vie.» Il faudra attendre 1561 pour voir apparaître une nouvelle édition intitulée cette fois Anatomie universelle du corps humain, illustrée de planches (fig. 5) empruntées à Vesale, pour lesquelles Paré écrira dans la présentation : «le resteie l ay retiré de l antiquité, ainsi que i ay usé ès figures de l anatomie :la plupart desquelles i y empruntées d André Vesal, homme rare et le premier de son siècle, en cette partie de la médecine :lesquelles pour la commodité du lecteur, i ay fait réduire en petites planches, quoiqu avec frais excessifs» Dans cette édition dédiée «au tres illustre et débonnaire roy de Navarre» (le père du futur Henri IV) apparaît un portrait de Paré (fig. 1) avec sa devise : «labor improbus omnia fecit» Les autres ouvrages En 1561 paraît également : La méthode curative des playes et fractures de la teste humaine. Avec les pourtraits des instruments necessaires pour la curation d icelles. Ce livre a été «commandé» à Paré par Chapelain, premier médecin du roi, peu de temps après la mort accidentelle d Henri II dont il n est fait mention que de façon succincte dans la préface. On retrouve dans ce livre l expérience du chirurgien de guerre. Il est précédé du célèbre portrait de Paré attribué à Jean Cousin. En 1564, paraît : Dix livres de la chirurgie avec le magasin des instruments necessaires a icelle. Paré souhaite manifestement être le premier auteur d un traité en français de chirurgie spécialité encore (ou déjà!) difficile à délimiter. Il y reprend son premier livre, ajoute les fractures et la pathologie osseuse et consacre trois des dix livres à l urologie (fig. 5, fig. 6, fig. 7) : des chaudes pisses, des pierres et de la suppression d urine. Il reprend dans ces écrits urologiques, et sans les citer, des œuvres de P. Franco, de L. Colot et de son ami de Héry. Enfin, c est dans cet ouvrage que l on trouve la première description par Paré de la ligature dans les amputations. En 1568 sort de l imprimerie d André Wechel à Paris le Traicté de la peste, de la petite verolle et rougeolle :avec une brefve description de la lèpre que Catherine de Médicis a vivement conseillé à Paré d écrire, au cours de leur long tour de France de 1564 à Ils avaient en effet été confrontés à la maladie à plusieurs étapes de leur périple. L auteur présente dans ce traité de façon nouvelle la maladie, presque sous la forme «Signes, diagnostic, traitement». Ce livre connaîtra le succès, une nouvelle édition en 1580, et sera traduit en anglais et en italien. Cinq Livres de chirurgie est considéré comme un des plus personnels et des plus élaborés d Ambroise Paré. Paru en 1572, il regroupe de la traumatologie, un traité sur morsures et piqûres de nombreux animaux et enfin «la garenne des remèdes contre la maladie arthretique, vulgairement appelée goutte, et généralement de toutes autres maladies». Il est dédié au tres chrestien roy de France, Charles neuvième de ce nom. Ouvrage didactique et novateur (il décrit pour la première fois les fractures de l extrémité supérieure du fémur) mais aussi annonciateur : dans ce livre, Paré ébauche ses idées sur la place de l homme dans le monde animal qui seront précisées dans la deuxième édition des œuvres complètes en 1579 au livre intitulé Livre des animaux et de l excellence de l homme. En 1573, continuant dans son habitude de marier, avec ou sans une certaine malice dans les regroupements de ses ti- Figure 6 Prothèse pénienne inventée par Ambroise Paré permettant de pisser debout après amputation du pénis Figure 7 Appareil inventé par Ambroise Paré pour incontinent urinaire

26 26 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 8 Traitement original de la luxation de l épaule Figure 9 2ème volet 3ème volet Jambe de bois tres, la carpe et le lapin, Ambroise Paré publie Deux livres de chirurgie : 1. De la génération de l homme, et manière d extraire les enfans hors du ventre de la mère, ensemble ce qu il faut faire pour la faire mieux et plus tost accoucher, avec la cure de plusieurs maladies qui lui peuvent survenir. 2. Des monstres tant terrestres que marins, avec leurs portrais. Plus un petit traité des plaies faites aux parties nerveuses. Il s agit donc d un petit traité d obstétrique précédé de textes qui pourraient être nommés : initiation à la sexologie, et suivi de ce fameux traité des monstres où le regard scientifique habituel de l auteur se laisse déborder. Peut-être faut-il voir la apparaître le poète! Certains passages de ces deux livres de chirurgie seront jugés immoraux par certains de ses pairs. Mais Ambroise Paré n en est pas à ses premières critiques acerbes et il sait se défendre avec humour et mordant! En 1575 paraît sa Responce aux calomnies d aucuns médecins et chirurgiens touchant ses œuvres. En 1582 est publié chez Gabriel Buon Discours d Ambroise Paré, conseiller, et premier chirurgien du roy. A scavoir, de la Mumie, de la licorne, des venins, et de la peste. Avec une table des plus notables matières contenues esdits discours. Ce livre est dédié «à tres haut et puissant seigneur, messire Christofle des Ursains». Il s agit d un riche patient de Paré qui, guéri, s étonnait de ne pas avoir été traité par la poudre extraite d une momie, préparation très onéreuse mais largement prescrite, ainsi que la poudre de Licorne. Paré démonte le charlatanisme de ces pratiques et apporte même, pour la poudre de licorne, les résultats d un essai contre placebo, réalisé par lui-même. Il sera une fois de plus critiqué (pamphlet anonyme, mais approuvé par le doyen des écoles de médecine) et donc publiera en 1584 une réplique à la réponse faite contre son discours de la licorne. Les œuvres complètes Les œuvres complètes d Ambroise Paré représentent le couronnement de sa carrière de chirurgien, de médecin, d écrivain. Mais les nombreuses éditions, publiées depuis plus de 400 ans, sont de qualité inégales, plus ou moins complètes, plus ou moins bien traduites pour les éditions en langue étrangère. D autre part, voulant laisser un grand traité, Paré a publié sans doute trop vite la première édition en 1575, alors qu il était loin d avoir fini d écrire! Le succès poussa cependant l auteur à publier une seconde édition qui diffère assez peu de la première. La troisième édition en français semble ne jamais avoir été publiée, et il est supposé que cette troisième édition n est rien d autre que la traduction en latin (médiocre). Deux éditions ont, en fait, assis la gloire d Ambroise Paré : la quatrième édition (1585 chez Gabriel Buon), revue et complétée par Ambroise Paré lui-même, contient tous ses écrits médicaux et chirurgicaux, mais aussi des inédits : le livre sur les facultés des médicaments, le livre des distillations, le traité des rapports et du moyen d embaumer les corps morts (manifestement le premier traité de médecine légale) et surtout l Apologie et traicté contenant les voyages où Ambroise Paré défend ses prises de position, se livre et raconte avec un grand talent d écrivain ; l édition de : Œuvres complètes d Ambroise Paré revues et collationnées sur toutes les éditions, avec les variantes ; ornées de 217 planches et du portrait de l auteur ; accompagnées de notes historiques et critiques ; et précédées d une introduction sur l origine et les progrès de la chirurgie en Occident du sixième au seizième siècle ; et sur la vie et les ouvrages d Ambroise Paré par JF Malgaigne (à Paris chez J.B. Baillière). Le titre suffit à décrire ce livre dans lequel rien ne manque. Si on rappelle les autres très nombreuses publications et livres écrits par Malgaigne par ailleurs fondateur du journal de chirurgie puis rédacteur en chef de la revue médico-chirurgicale de Paris, on peut raisonnablement lui appliquer la devise d Ambroise Paré : «labor improbus omnia vincit». Les œuvres complètes contiennent donc les différents écrits de quarante ans de travail remis dans l ordre voulu par l auteur. Elles méritent le nom de chef d œuvre, donné par Ambroise Paré lui-même dans la dédicace au roi. La vie d Ambroise Paré a donc été très longue, particulièrement bien remplie et son œuvre considérable, mais c est encore plus l homme qui est attachant. Ambroise Paré : un homme attachant Un chirurgien passionné et initiateur de la chirurgie moderne Si la passion de la chirurgie semble l avoir animé très tôt, elle

27 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 10 2ème volet Jambe de bois pour pauvre lui a donné l audace d envisager une carrière originale sur laquelle pourra se calquer pour l avenir la carrière du chirurgien, avec un temps d apprentissage intensif (ses trois ans enfermé à l Hôtel Dieu à disséquer, à apprendre et à soigner) une confrontation au malade chirurgical dont le blessé de guerre est sans doute l archétype en essayant toujours de proposer la technique efficace la moins traumatisante pour le patient, une vie active où s entremêlent les périodes de pratique (en alternant la chirurgie de guerre et la clientèle), les périodes de réflexion et d écriture pour convaincre et, surtout, pour transmettre. Dans son texte «au lecteur» qui précède les œuvres complètes, il écrit : La clé pour réussir : le travail «Labor improbus omnia vincit». Sa devise le définit parfaitement. Le côté artisanal de la chirurgie l intéresse mais toujours avec deux buts bien précis : éviter au maximum la souffrance, la douleur au patient : dans cet esprit, bien sûr, s inscrit sa prise de position dans le traitement des plaies par projectiles sans huile bouillante et l utilisation de la ligature dans l amputation pour éviter les lourdes cautérisations, mais aussi dans le traitement des luxations (fig. 8) ; pallier les handicaps et les infirmités. Il a inventé ou mis au point de nombreuses prothèses pour les membres inférieurs (fig. 9, fig. 10), les mains (fig. 11) le nez, les oreilles et même le pénis (fig. 6). En revanche, il a peu participé à créer de nouveaux instruments. Mais la Chirurgie, telle que la conçoit Ambroise Paré, se démarque profondément de la chirurgie pratiquée jusque-là, qui, après des siècles d obscurantisme, ressemblait à la chirurgie de l antiquité! Il suffit de regarder la table des chapitres de son introduction de la chirurgie (fig. 12) pour se convaincre qu il avait de la spécialité chirurgicale une vision révolutionnaire. Le chirurgien doit connaître l anatomie, la physiologie, poser l indication en fonction de la maladie et des symptômes, mais en tenant compte de l état du patient. Enfin, la chirurgie ne peut se faire qu avec la confiance du patient, nécessitant pour le chirurgien des qualités humaines particulières. «Car le chirurgien, à la face piteuse Rend de son patient la playe vermineuse» (A. Paré préface des Dix livres de chirurgie, 1564) Figure 11 2ème volet La main de fer Figure 12 Table des chapitres de l introduction de la chirurgie œuvres

28 28 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 13 Image de monstres Un chrétien convaincu, «je le pansay, Dieu le guarist» Paré était certainement un chrétien convaincu et pieux comme beaucoup l étaient au XVIe siècle. Il était imprégné de la présence de Dieu dans tout ce qui est Naturel, y compris la maladie mais aussi la guérison. S il écrit au début de son livre sur les monstres : «les causes des monstres sont plusieurs,» (et il en donne 13!). «La première est à la gloire de DIEU. La seconde à son ire. [ ]» Mais il écrit aussi sa célèbre phrase : «je le pansay, Dieu le guarist» Paré est chrétien, mais revendiqué par les protestants et par les catholiques. Il est vrai que dans son livre des monstres figurent (empruntés à Rondelet) un monstre marin «ayant la tête d un moine armé», et un autre «monstre marin ressemblant à un évêque vêtu de ses habits pontificaux»! (fig. 13). Il aurait aussi répondu (rapporté par Sully) à Charles IX auquel, on l a vu, il était lié «Par la lumière de Dieu, Sire, je crois qu'il vous souvient m'avoir promis de ne me commander jamais quatre choses, savoir : de rentrer dans la matrice de ma mère, de prendre soin de moi un jour de bataille, de quitter votre service et d'aller à la messe.» On l a dit fuyant par les toits à la St Barthélemy (Brantôme) ou se cachant dans la chambre de Charles IX (de Serre), mais ces témoignages viennent bien après la mort de Paré et ont été contestés. Enfin lui-même signale avoir subi en 1562 une tentative d empoisonnement «pour la religion», sans autre commentaire! Cependant, sa vie laisse à croire qu il pratiquait la religion catholique, mariages à l église, baptêmes et enterrements de ses enfants également, etc. Un argument solide sur son appartenance à la foi catholique est apporté par Paule Dumaître qui a écrit, après JF Malgaigne et Janet Doe, le troisième livre incontournable pour qui veut fréquenter Ambroise Paré Ambroise Paré, chirurgien de 4 rois de France. Elle a retrouvé un procès-verbal d une enquête de notoriété faisant état de la foi catholique des ancêtres de Nicolas Rousselet, petit-fils d Ambroise Paré qui souhaitait rejoindre l ordre de St Jean de Jérusalem (qui n était pas spécialement laxiste pour son recrutement!). Une robuste constitution Il jouissait manifestement d une bonne santé et même d une vigueur peu commune, était sans doute sobre mais disait apprécier le vin d Anjou. De nombreux faits attestent de sa santé : il sort indemne de tous ses champs de bataille ; il échappe aux épidémies de peste (A. Paré dit que, atteint, il en avait guéri?) ; guérit en 1561 d une fracture ouverte de jambe, suite à un accident de cheval ; il se traite et guérit en 1562 d une tentative d empoisonnement «pour la religion» ; il guérit en 1564 d une morsure de vipère qu il étudiait de trop près pendant son tour de France. Dernier argument enfin (et non le moindre!) : veuf à 63 ans après 32 ans de mariage, il épouse, trois mois après le décès de sa femme, une jeune fille de 18 ans avec laquelle il aura six enfants et vivra jusqu à sa mort. Paré avait sur ce sujet une vision qui limite un peu le caractère choquant, pour certains, de ce remariage. Il écrit dans son traité De la génération de l homme : «Dieu a permis à ceux qui ne peuvent modérer leurs convoitises et qui sont dépourvus du don de continence, le lit du mariage, afin qu ils puissent se contenir dans ses bornes et ne pas se contaminer par une paillardise ça et là vagabonde.» Un esprit scientifique dans une période de doute Avoir un esprit scientifique était rare et pas toujours de bon aloi à son époque (Galilée naît en 1564 et Harvey en 1578, bien après Paré). Paré était d abord un observateur. Il avait chez lui des collections d animaux qu il comparait, disséquait et toutes sortes de curiosités naturelles. De plus, il avait obtenu le cadavre d un criminel qu il avait conservé chez lui. Il avait disséqué un hémicorps, gardant l autre intact, et se servait de ce cadavre comme modèle anatomique et chirurgical. D après ses écrits, il s en servit pendant plus de 25 ans! Paré surtout, 300 ans avant Claude Bernard, a montré la voie de la médecine expérimentale : au siège de Turin en 1537, il traite au hasard deux groupes de blessés : les uns par le cautère destiné à détruire le poison apporté par les projectiles et la poudre, les autres avec un baume : l état des blessés est significativement différent dans les deux groupes. La démonstration est faite ; en faisant apparaître simplement, à Perpignan en 1541, la balle qui avait blessé le beau Brissac en lui faisant prendre la position qu il avait quand il l avait reçue ; enfin, en démontrant l absence d action de la poudre de licorne en la comparant à un placebo. Un historien Ambroise Paré a vécu le seizième siècle français. Ses qualités d observation, sa curiosité, sa participation entre 1537 et 1565 à plus de 15 batailles et sièges, mais aussi pendant plus de 30 ans sa position de chirurgien des rois en ont fait un témoin privilégié des évènements importants de son époque. Les anecdotes qui illustrent nombre de ses textes médicaux sont autant de témoignages de la vie journalière des français. C est surtout dans les récits de ses campagnes, qu il appelle

29 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : ses voyages, que son témoignage est important, décrivant les armées, la façon d assiéger, les audaces de certains, le découragement d autres. La description qu il fait du siège de Metz en 1552 est souvent donnée en exemple. Un poète Un nouvel essor est incontestablement donné à la poésie en France au XVIe siècle, en particulier par Ronsard et le groupe formant la pléiade qui lancent l alexandrin. Paré est, là aussi, innovant dans la présentation de ses écrits. Ses œuvres complètes sont précédées non seulement d un sonnet de l auteur, «Ce livre maintenant que je mets en lumière De mon art l héritier contient tous les secrets [ ]», mais aussi de huit poèmes, la moitié en latin, et un sonnet à la gloire de Paré et un quatrain de Pierre de Ronsard : «Un lit ce livre pour apprendre L autre le lit comme envieux Il est aisé de le reprendre Mais mal-aisé de faire mieux». Plusieurs ouvrages d Ambroise Paré sont précédés de pièces de vers écrits par ses amis mais aussi par lui-même, en particulier les Dix livres de chirurgie précédés d un long poème de 98 alexandrins de l auteur intitulé : «A ceux qui contents de guérir, ne veulent aucun mal souffrir» où il développe la façon de faire la chirurgie. D autres poèmes ont été écrits par Ambroise Paré en préface à des ouvrages de son élève Guillemeau. En 1585, un sonnet en tête de son traité des maladies de l œil, avec ce fameux compliment du maître à l élève : «[ ] Heureux mon grain commis à ta terre fertile, Heureux grain qui dans toi pour un m en germe un mille [ ]» En 1586, en tête des Tables anatomiques publiées par Guillemeau, Paré écrit 90 alexandrins sur l importance de l anatomie pour le chirurgien et la valeur du travail bien fait. Quoi qu il en soit, la poésie ajoute un charme supplémentaire à la lecture d Ambroise Paré. Un politique Son style alerte, une langue française choisie mais accessible, sa façon de truffer ses textes d anecdotes adaptées, témoignant du grand conteur qu il devait être, rendent leur lecture captivante. Avec ses œuvres complètes, il jouera un rôle décisif dans la bataille de popularisation du savoir médical et chirurgical en français, en France, et les nombreuses traductions viendront participer à sa gloire, mais aussi à donner à la chirurgie française un poids international. Comme tous les «grands hommes», il est conscient de sa valeur et de celle de ses œuvres : il écrit dans sa dédicace au roi de ses œuvres complètes : «Aussi osé-je dire, sans crainte de me méprendre, que je ne sache homme si chatouilleux, ou difficile à contenter, qui ne puisse apprendre quelque cas en ce livre, je parle et de ceux qui savent la chirurgie, et de ceux qui en voient les expériences ordinaires. Et pour ce (Sire) étant ceci un chef d œuvre, et l amas de tous les travaux d un de vos anciens serviteurs et sujets :j ai bien osé m enhardir de le poser aux pieds de votre Majesté [ ] Espérant par ce moyen donner hardiesse à ce livre, d aller le front levé par tout le monde [ ] Au reste, Sire, mes livres sont sans aucun fard de paroles, me suffisant que je parle proprement et use de mots qui soient significatifs, et lesquels soient propres pour le profit du français, auquel cette œuvre est communiquée et adressée et à vous Sire dédiée [ ].» Tout est dit! Conclusion Par sa vie, par ce qu il a transmis, Ambroise Paré s inscrit naturellement dans la lignée des humanistes de la Renaissance. Mais un humaniste qui ne lisait ni le latin ni le grec ; un humaniste chrétien mais un humaniste pragmatique restant, cependant, attaché à la fantaisie. Un humaniste humain pour qui la médecine, et spécialement la chirurgie, était apparue comme un moyen d aider l homme à pouvoir devenir lui-même en étant efficace à soulager rapidement sa souffrance. Paré, bien que proche des rois et même conseiller de Henri III, ne semble pas avoir eu une influence politique importante, au moins officiellement, et les quelques missions qu il rapporte découlaient de son action militaire. Mais vivre 80 ans en ayant des responsabilités vraies à une époque où les meurtres, les empoisonnements et même les massacres sont courants, témoigne déjà de prudence politique. Cette prudence est illustrée par l ambiguïté qui plane encore sur son appartenance ou non au parti des protestants! Enfin, dans la querelle entre la Confrérie de Saint Come et la Faculté au sein de l Université, il sut défendre efficacement la chirurgie et les chirurgiens, tout en restant dans l ombre que lui imposaient peut-être ses origines mais sans se prévaloir de sa position auprès des rois. Un grand communicant Ambroise Paré, observateur curieux de tout, était naturellement un communicant. En utilisant tous les registres possibles, il sait faire partager ses certitudes et ses hésitations, et la richesse de ses découvertes, sans doute parce qu'il est avant tout un homme favorisant les relations avec les autres et utilisant la démonstration et le dialogue. Le nombre de ses livres, régulièrement publiés au cours de sa longue carrière, et leur succès témoignent de son goût et de son talent pour le «faire savoir ce que l on sait».

30 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Évolution de la pensée médicale dans le traitement chirurgical des hernies inguinales de l homme Evolution of medical thought in the treatment of groin hernia Ph Bonnichon*, O Oberlin** *Institut Français de Chirurgie Endocrinienne, Hôpital des Peupliers, 8 Place de l abbé Hénocque, Paris, France. **Département de Chirurgie, Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg Saint-Jacques, Paris, France. Mots clés Histoire des hernies, Guy de Chauliac Ambroise Paré Point doré Suture royale Bassini Jean Rives René Stoppa Résumé Notre but est de suivre, dans ses grandes lignes, l'évolution de la pensée médicale du traitement des hernies de l'aine depuis Guy de Chauliac jusqu à l époque moderne, divisée arbitrairement en cinq périodes. Le Moyen Âge et la Renaissance, favorables aux interventions chirurgicales, les XVII e et XVIII e siècles marqués par l essor des bandages et des brayers, le renouveau chirurgical du XIX e siècle dominé par des résultats initiaux désastreux, Bassini, ses successeurs et l entrée dans la chirurgie herniaire du quotidien et, enfin, les dernières évolutions avec les prothèses et la cœliochirurgie. Keywords History of groin hernia Guy de Chauliac Ambroise Paré Point doré Royal suture Bassini Jean Rives René Stoppa Abstract Our objective is to follow the evolution of medical thought in the treatment of groin hernia from Guy de Chauliac to modern times, arbitrarily divided in five periods. The Middle Ages and Renaissance favoring surgical repair, XVIIth and XVIIIth centuries marked by a progression in the use of binding and brayers, XIXth century return to surgical repair marked by disastrous initial results, Bassini and followers adopting surgery as a usual recourse and contemporary use of prosthetic devices and laparoscopic surgery. Les hommes ont toujours eu des hernies inguinales, comme en témoignent les nombreuses représentations artistiques de l Antiquité (fig. 1). Les médecins égyptiens opéraient certaines formes (1, 2) et les Romains disposaient de spécialistes suffisamment habiles pour en pratiquer la cure chirurgicale (3). La découverte d appareils datant de l époque pharaonique jusqu à l époque mérovingienne (4) rappelle la constance des traitements par contention. Cependant, le manque de documents, la durée et la variabilité des civilisations de l Antiquité rendent illusoire toutes connaissances précises des techniques chirurgicales utilisées. En revanche, la physiopathologie des hernies, décrite par les auteurs anciens, demeura la même pendant deux milles ans. La survenue d une hernie était la conséquence d une rupture péritonéale. Sans que cette théorie de la rupture soit clairement exprimée dans les écrits de Galien et d Hippocrate, celui-ci prétendant que «les hernies sont produites ou par un coup, ou par une distension, ou par la pression d'un homme qui saute sur le ventre» (5), les médecins et l usage populaire l adoptèrent sans réserve jusqu à la fin du XVII e siècle. Figure 1 Buste galloromain en bois provenant du sanctuaire de la déesse Sequana aux sources de la Seine (musée archéologique de Dijon). Correspondance : philippe.bonnichon@cch.aphp.fr, philippebonnichon@gmail.com, olivier.oberlin@cch.aphp.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

31 31 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : La brèche péritonéale permettait l'extériorisation des viscères pour prendre, avec l intestin, le nom d «entérocèle». Au XVI e siècle, les chirurgiens, en accord avec cette physiopathologie, utilisaient le terme de «rompure herniale» pour désigner les hernies inguinales. En réalité, le sujet qui nous intéresse doit être compris à partir du XI e siècle. À travers l'imagination débordante dont firent preuve les chirurgiens de toutes époques et de tous lieux, notre but est de suivre, dans ses grandes lignes, l'évolution de la pensée médicale qui a prévalu au traitement des hernies de l'aine. Figure 2 Le Baron A. Boyer Le Moyen Âge et la Renaissance, favorables aux interventions chirurgicales Au début du deuxième millénaire, il ne restait plus rien des connaissances de l ancien Empire romain d Occident et trois siècles furent nécessaires pour retrouver le savoir perdu. Les auteurs des XII e et XIII e siècles (Roger et Roland de Parme, Lanfranc, Théodore, Brun, Guy de Mondeville) décrivirent progressivement différentes techniques tirées de la médecine antique et réintroduite par le canal de la médecine arabe. Le langage médical en fut longtemps imprégné avec des termes comme mirac pour paroi abdominale, siphac pour péritoine, zibale pour épiploon ou meri pour œsophage. Les connaissances chirurgicales du Moyen Âge atteignirent leur apogée avec Guy de Chauliac ( ) et «La Grande Chirurgie». Dans son livre encyclopédique, écrit en 1368, les hernies de l aine sont associées au domaine des apostèmes, c est-à-dire «des tumeurs ou enfleures ou quelconque grosseur faite aux membres outre sa forme naturelle» (6). Les traitements proposés appelaient des méthodes médicales et des méthodes chirurgicales. Laissons de coté les traitements médicaux longs et compliqués faisant usage de saignées, de bains, de régimes alimentaires draconiens chez des patients laissés au repos strict parfois pendant plusieurs semaines. La hernie réduite était maintenue par un emplâtre puis des appareillages ou brayers. Une autre méthode non chirurgicale, particulièrement ingénieuse, consistait à faire boire, chaque jour, un mélange de vin grossier et de limaille de fer. La réduction de la hernie était assurée par un emplâtre contenant de l aimant pilé qui attirait la limaille de fer. En un mois environ, la limaille de fer s accumulait au niveau de l orifice inguinal. «Et pour ce on trouve sur le lieu une carnosité nouée, qui est signe de parfaite guérison» (7). Mais ce traitement décrit par Chauliac était-il réellement appliqué? Les débuts du traitement chirurgical Les hernies difficilement appareillables faisaient l objet d une cure chirurgicale. L objectif était de «consolider et au passage engendrer de la chair dure et calleuse afin que rien n y puisse descendre». Il faisait appel, selon Guy de Chauliac, à six techniques dont il précisait les noms des partisans : 1) la castration (Abulcassis, Aly Abbas, Rogier, Jamier, Brun, Guillaume, Théodoric) avec la ligature du sac herniaire consistait à lier le cordon le plus haut possible laissant le fil dehors et pansant la plaie jusqu à cicatrisation et chute spontanée du fil ; 2) le cautère actuel (Abulcassis, Avicenne, Rogier, Brun, Théodoric) traitait l orifice inguinal grâce un fer rouge enfoncé jusqu à l os ; 3) le cautère potentiel (Théodoric, Jean des Crèves, Maître André et Pierre d Orlhac) utilisait une technique semblable par action chimique ; 4) la chordette et le petit bois (Rogier) : un fil, passé sous le cordon spermatique et la hernie, était serré chaque jour autour d une planchette jusqu à sa chute sectionnant progressivement tous les éléments du cordon et du sac ; 5) rehaussem*nt du cordon spermatique et cautérisation (Lanfranc, Pierre de Dye) consistaient à libérer les éléments du cordon en les soulevant avec des tenailles larges puis à cautériser l orifice inguinal jusqu au pubis ; 6) le fil d or (Bérand Métis) était une technique semblable mais l orifice inguinal était traité avec un fil d or sorti par la plaie. Selon Chauliac, les quatre premières «parfaictes» qui, bien faites, donnaient de bons résultats s opposaient aux deux dernières techniques, «imparfaictes», parce que récidivantes. La technique préconisée par cet auteur était celle du cautère potentiel dont l action semblait moins terrible que celle au fer rouge du cautère actuel. Le patient était placé sur une table ou un banc, tête en bas. «Il faut avertir le patient que l on doit mettre du corrosif. [...] L arsenic est le principal [ ] son action est forte et puissante mais si on l applique indoctement, il esmeutde la fièvre et des mauvais accidents [ ]. Son action dure trois jours. [ ] Le moyen d opérer est tel : supposez la bonne diète et la purgation, la hernie réduite et l aine rasée. Puis le testicule est amené le plus haut qu on pourra sur l os du penil (vers l orifice inguinal), on marque son entour avec de l encre, ou du charbon. Et ayant remis le testicule dans la bourse [ ].Une toile cirée, perforée d un orifice de la largeur de l entour encré, est maintenue sur la peau par quelque chose de gluant, on met ensuite du ruptoire (fait de chaux vive et du savon mol avec un peu de salive) de la grosseur d une petite chastaigne sur le lieu marqué [ ] Soit bien bandé [ ]». La chaux vive nécrosait la peau non protégée par la toile cirée, puis après excision de l escarre, l arsenic mélangé à de l opium et de la mandragore était appliqué jusqu à atteindre l os pubien dont l observation signait la véracité de la guérison. Le temps nécessaire pour obtenir celle-ci était de trois à huit semaines. Le patient devait rester alité. Pour certain, comme Maître Pierre, se lever et vaquer à des occupations quotidiennes était cependant possible. Chauliac donnait les résultats de celui-ci : «Maître Pierre qui en ma présence en a guéri trente» (8). C est, à notre connaissance, la première série publiée faisant état de résultats opératoires. La publication de l ouvrage de Guy de Chauliac marqua la fin d une première période. À partir du XV e siècle, la chirurgie devint de moins en moins utilisée et les techniques chirurgicales décrites dans son livre furent progressivement oubliées pour disparaître définitivement au début du XIX e siècle. Nous entrons dans la seconde période de notre réflexion.

32 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 3 Bandage herniaire selon Ambroise Paré Les XVII e et XVIII e siècles, l essor des bandages et des brayers En 1575, Ambroise Paré opérait encore quelques hernies, «si par tous ces moyens, la hargne ne peut estre curée [ ] et que le malade ou parent d icelle, désirassent qu il fut entièrement guéri, on procédera par le Point doré» (9). Il préconisait également une autre technique, la «suture royale» qui tirait son nom du fait qu en liant uniquement le sac, elle épargnait l organe de la procréation. En 1614, Pierre Pigray, élève d Ambroise Paré, revenant sur des techniques déjà ancestrales, reconnaissait encore contre l avis de son maître : «L autre espèce (de traitement) que je trouve la meilleure, la plus sûre et la moins périlleuse est celle escrit amplement par Guidon [ ] le cautère potentiel [ ]» (10). Les siècles suivants développèrent une authentique aversion pour les interventions chirurgicales. À la fin du XVII e siècle, Pierre Dionis, chirurgien du roi Louis XIV, écrivait : «Nos Anciens [ ] ont tenté de guérir les hernies par des opérations de chirurgie [ ] qui sont toutes plus mauvaises les unes que les autres [ ]. Les bons chirurgiens les ont abandonnées et elles ne sont plus pratiquées aujourd hui que par les charlatans» (11). Enfin, la répugnance attint son apogée en 1831 avec le baron Boyer ( ) (fig. 2) : «Aujourd hui la perfection des bandages est telle que ces différentes opérations sont entièrement proscrites [ ] c est le cas de dire encore ou que ce traitement opératoire est sans succès, ou qu il est pire que le mal [ ] quant à la suture royale, cette opération n a peutêtre jamais été pratiquée, et je suis bien loin de conseiller d en faire l essai» (12). Cependant, il apparaît légitime de rendre hommage au chirurgien, Pierre Franco qui fut le seul auteur du XVI e siècle à avoir une vision d ensemble de la pathologie des hernies de l aine. Malheureusem*nt, comme souvent, son livre remarquable, arrivé trop tôt, n eut jamais l écho qu il méritait. La rupture date du XV e siècle. Il ne nous appartient pas d intervenir sur les évènements historiques, les drames et les grandeurs de ce siècle prodigieux qui donna naissance, au siècle suivant, à une nouvelle race de chirurgiens. À cette époque, le sujet de la pathologie herniaire et de ses traitements se modifia radicalement. Les nouveaux matériaux, les progrès techniques et l imagination d Ambroise Paré ( ) et des auteurs de son siècle firent considérablement progresser la science des bandages et des brayers (fig. 3) telle qu elle est exposée dans le chapitre : «De la curation des Figure 4 Matériel utile au traitement d une hernie engouée. Hargnes» (13). Hargnes, hargneux, hernieux, hergnes et hernie ont la même étymologie. Sauf cas exceptionnels, comme dans celui de Jean Moret, épistolier à l église Saint-André des Arts, traité par bandage pendant cinq ans puis autopsié après son décès d une affection intercurrente, ces appareillages ne permettaient pas la guérison du patient mais elle le soulageait sans risque vital car, déjà, les mauvais résultats n étaient plus acceptés aussi facilement. Paré invective les castreurs qui «par leurs cruelles et violentes opérations mettent le malade en danger de mort.» Quelques-uns, appartenaient à de véritables dynasties de «chirurgiens» itinérants. Paul Segond racontait qu au XVI e siècle, un certain Horace de Norsia châtrait plus de deux cents individus par an (14). Ainsi, du XVI e siècle au milieu du XIX e, «depuis qu on a inventé des bandages fort commodes», la contention devint la méthode de référence du traitement des hernies de l aine non compliquées. Au cours du XVIII e siècle, l apparition des matériaux élastiques améliora encore la qualité des appareils proposés et le résultat sur le recrutement chirurgical ne se fit pas attendre, le nombre de patients traités augmenta, car «ils n ont plus peur de montrer leur infirmité». En revanche, à cette époque, le cas des hernies étranglées souvent appelés bubonocèles, jusque là négligées car jugées constamment mortelles, fut réévalué. La nécessité de procéder à des actes de sauvetage fut discutée et retenue si le chirurgien était suffisamment expérimenté. La théorie qui concourait à leur formation évolua également. Jusqu au milieu du XVIII e siècle, la théorie de l engouement, datant de l Antiquité, prévalait. La complication était le résultat d une accumulation d excréments dans la hernie. Ce fut Nicolas Lequin, qualifié par lui-même de «chirurgien hernière», qui, dans un livre publié en 1765, parle pour la première fois d étranglement (15). Quelques années plus tard, Goursaud, dans un mémoire de l Académie de Chirurgie, distingua l étranglement authentique de l engouement (16). En l absence de nécrose intestinale patente, la hernie pouvait être réduite par des manœuvres que l on appelait «taxis». En l absence de succès, l opération était parfaitement codifiée et, en 1740, Georges de La Faye, chirurgien juré à Paris, en décrivait les modalités de l opération (17). La figure 4 expose l instrumentation utilisée : 1) incision de la peau avec le bistouri droit (A) ; 2) libération du sac avec le déchaussoir (B) ; 3) pendant que deux garçons écartent les lèvres de la plaie avec les érignes (C et D) ; 4) section des brides dures, en évitant de blesser l intestin, avec le scalpel (E) ; 5) ouverture douce et précautionneuse du sac avec le même scalpel. Évacuation des

33 33 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 5 De gauche à droite : A. Gimbernat ; A. Scarpa ; A. Cooper. sérosités qu il contient ; 6) introduction de la sonde cannelée (F) et section longitudinale du sac. Extériorisation de l intestin ; 7) la sonde cannelée est passée à travers l anneau musculeux d étranglement, soulevée fortement vers le haut. Coulage de la pointe du bistouri courbe (G) dans la cannelure pour sectionner l orifice scléreux ; 8) résection de l épiploon si nécessaire et réintégration de l intestin grêle. Il n y avait pas de réfection pariétale. La plaie était pansée à plat. L intestin était contenu par la tente (H), enduite d huile et de jaune d œuf, profondément introduite dans l orifice herniaire et maintenue grâce au fil (I). Les autres éléments de la figure : sondes, bourdonnets (K et L), un emplâtre (M), des compresses (P et Q) et un bandage (R) utiles au maintien de la réduction. Le patient, demandeur de l intervention pour supprimer douleur et éviter la mort, restait relativement docile et calme. Les soins postopératoires duraient deux à trois mois, et la callosité produite par la cicatrisation évitait le plus souvent la récidive de la hernie. Lorsque l intestin était manifestement gangrené, la situation était moins claire et de nombreux chirurgiens refusaient d opérer «puisqu il n y avait aucun moyen de les guérir» (18). Cependant, au cours du XVIII e siècle, les praticiens jurés, les plus expérimentés, changèrent d attitude, car ils avaient appris à éviter la réintégration du grêle dans la cavité abdominale, grâce aux adhérences formées autour de l anneau. En fonction des circonstances et de la longueur d intestin atteint, plusieurs éventualités s offraient à leur dextérité. Le plus souvent, l intestin était laissé ouvert dans la plaie. Le caractère limité des lésions intestinales pouvait laisser espérer une guérison complète avec réintégration spontanée de l intestin dans l abdomen grâce à la rétraction cicatricielle du mésentère, comme on l observe parfois de nos jours avec la fermeture spontanée d une colostomie latérale ; dans les autres cas, l évolution se faisait vers un «anus artificiel inguinal». Quelques tentatives de rétablissem*nt de la continuité avec succès furent publiées. Nous ne disposons d aucune statistique d ensemble des résultats des interventions du XVIII e siècle parce que, seuls, les bons résultats méritaient la publication de cas cliniques Cette deuxième période ne fut cependant pas inactive et l abstention opératoire ne freina pas les études anatomiques et physiopathologiques qui permirent le renouveau chirurgical du siècle suivant. Son importance ne doit donc pas être négligée, car les progrès furent, grâce aux réflexions, aux découvertes, aux travaux en anatomie et en physiopathologie, un passage obligé vers les progrès futurs. Des chirurgiens comme Renaulme de Lagaranne (essai de traité les hernies 1721), Garengeot (traité des opérations 1731), La Faye, Le Dran ou Louis en France, Astley Cooper ( ) en Angleterre et Antonio Gimbernat ( ) en Espagne, Antonio Scarpa ( ) en Italie décrivaient le canal inguinal, l orifice profond, l orifice superficiel et les ligaments qui portent leurs noms (19) (fig. 5). La théorie ancienne de la rupture péritonéale fit place à la théorie mécanique avec présence constante d un sac herniaire. D autres théories, comme celle de l allongement mésentérique, furent proposées mais le rôle joué par l augmentation de la pression intra-abdominale avec extériorisation du sac et des viscères au niveau des points de faiblesse de la paroi fut progressivement et définitivement accepté. En 1819, Jules Cloquet ( ) dans sa thèse de concours sur «Les causes et l anatomie des hernies abdominales», introduit la notion de canal péritonéo-vagin*l avec la préformation du sac dans les hernies congénitales (20). Parallèlement, sur le plan clinique, le grand ensemble des apostèmes fut démembré au profit de la nosographie plus précise des descriptions cliniques que nous utilisons aujourd hui. En 1772, avant Malgaigne, le diagnostic différentiel entre hernie inguinale et hernie crurale était parfaitement établi (21). Le renouveau chirurgical du XIXe siècle, dominé par des résultats initiaux désastreux À partir de 1830, l attitude des chirurgiens, poussée par l inconfort des bandages, les risques d étranglement et les conséquences sociales de cette pathologie fréquente, évolua de nouveau. En effet, le traitement palliatif par contention ne guérissant pas, la fréquence des hernies dans la population augmentait avec l âge. Ainsi, une étude de 1888, monte qu environ un tiers de la population âgée de plus de soixantedix ans en était porteur (22). Le premier à remettre en cause l attitude abstentionniste fut Alfred L.M. Velpeau qui fit entrer le traitement des hernies inguinales dans une troisième période : «Je ne crois pas maintenant que cette cure (chirurgicale) puisse être contestée Les chirurgiens modernes se sont trop empressés de porter leur jugement dans l examen d un traitement aussi important qui mérite d être soumis à de nouveaux essais, avant d y renoncer définitivement» (23). Cependant, lorsque les chirurgiens proposèrent d opérer de nouveau les hernies inguinales, ils établirent leurs raisonnements, non pas sur les nouvelles conceptions anatomophysiologiques qui venaient d être décrites au siècle précédent, mais à partir de l analyse erronée sur laquelle était basée les techniques opératoires du Moyen Âge et de la Renaissance. Autrement dit, ils reprirent leur ouvrage là où ils l avaient laissé trois siècles plus tôt : créer progressivement une callosité suffisamment solide pour fermer l orifice herniaire. Les techniques ancestrales étant jugées obsolètes, les chirurgiens imaginèrent rapidement d autres solutions. Les premières tentatives furent l œuvre de chirurgiens isolés comme Jameson qui utilisa un lambeau de rotation pour fermer l orifice crural ; Belmas qui, en 1829, plaça un ballon de

34 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : baudruche dans l orifice pour créer des adhérences et Gerdy, en 1835, qui invagin* de la peau scrotale dans l orifice herniaire. La découverte de l anesthésie en 1846 fit évoluer rapidement les esprits et, à partir des années 1850, les imaginations chirurgicales allaient de se déchaîner pour produire un nombre incroyable de procédés aujourd hui tous abandonnés. L utilisation de l antiseptie par Joseph Lister à partir de 1865 accéléra le mouvement et «depuis, en dehors de quelques courtes périodes d accalmie, cette fébrilité imaginative ne retomba jamais ; notre époque n en est que la continuité naturelle» (24). En 1888, André Boursier (22) retrouvait plus de soixante-dix procédés de cures radicales. Il les divisait en deux grandes classes : les méthodes lentes et anciennes qui s adressaient aux hernies réductibles et les méthodes dites modernes ou directes qui pouvaient être employées indifféremment pour les hernies réductibles et les hernies irréductibles Les méthodes anciennes comprenaient quatre groupes : les procédés, comme la ligature simple du sac, dans lesquels on détruisait les enveloppes de la hernie par ligature ; les procédés créateurs des réactions cicatricielles au niveau des orifices inguinaux comme les injections de produits irritants. Velpeau utilisait de l iode, Schreyer du vin rouge et Warren, en Angleterre, se servait de l extrait d écorce de chêne. Selon Paul Segond, toutes ces méthodes furent abandonnées car inefficaces et dangereuses voire mortelles ; le troisième type de procédés consistait à obstruer le trajet herniaire avec un bouchon organique comme la peau du scrotum, les testicules remontés dans l anneau ou des autoplasties cutanées ; enfin le quatrième type de procédés consistait à fermer l orifice, essentiellement les piliers de l aponévrose du Grand Oblique, sur un bouchon organique construit, par exemple, avec le sac herniaire. Celle des méthodes dites «modernes», comprenait des procédés qui visaient essentiellement à traiter le sac herniaire en le liant le plus haut possible, selon une technique dérivée de la «suture royale». Le traitement de l orifice herniaire était négligé, car jugé inutile. La médiocrité des résultats, avec une mortalité comprise entre 2 et 20 % et un taux de récidives compris entre 20 et 60 %, n étonnait guère les chirurgiens habitués antérieurement à des résultats encore plus catastrophiques. «Étrangement, on en était donc arrivé, à la fin du XIX e siècle, à la situation paradoxale où les hernies étaient opérées, sans succès, sur des bases physiopathologiques exactes alors qu au Moyen Âge on les opérait, avec un relatif succès, sur des bases physiopathologiques totalement erronées» (24). La médiocrité des résultats était la conséquence de l absence de réflexion de fond sur l attitude à adopter face à la double nécessité de traiter le sac herniaire et les orifices pariétaux. Bassini, ses successeurs et l entrée dans la chirurgie herniaire du quotidien Figure 6 Eduardo Bassini En 1890, nous entrons dans la quatrième période marquée par la révolution de l italien Eduardo Bassini ( ) (fig. 6). La réflexion profonde qu il mena à partir des connaissances modernes, lui permit de proposer un traitement d ensemble du sac herniaire et de la paroi. Toutes les méthodes de pariétorraphies qui suivirent, dérivèrent plus ou moins de son analyse et de la technique qu il proposa ; aucun progrès de fond ne fut plus accompli jusqu à l apparition des prothèses pariétales vers Maints chirurgiens, en France et à travers le monde, développèrent de nombreuses variantes de la technique princeps de Bassini. Il serait fastidieux et inutile de rappeler les points mineurs qui justifièrent la matérialisation de tant d éponymes. Cependant, une mode favorable ou une heureuse fortune propulsa au premier plan certains d entre eux. Ce fut le cas de la technique d Earl Shouldice ( ), aussi appelée méthode canadienne, qui fut pendant quarante ans la référence, le gold standard, du traitement des hernies inguinales. Entre 1950 et 1953, la technique fut développée au Shouldice Hospital de Toronto dont la réputation s était forgée sur l hyperspécialisation des opérateurs pratiquant exclusivement, comme dans l Antiquité, la chirurgie herniaire. En réalité, ni la superposition de plans, ni l utilisation d un fil d acier ne représentaient un authentique progrès par rapport à la technique de Bassini bien faite, et les résultats de la méthode canadienne, dans d autres mains, étaient souvent moins favorables que le «un pour cent» de récidives présenté par les promoteurs. En fait, les résultats dépendent de la minutie opératoire des chirurgiens et de la qualité de la paroi du patient. Les dernières évolutions, les prothèses et la cœliochirurgie Ce fut sur ce dernier point, la qualité de la paroi du patient, que le travail scientifique porta ses efforts à partir du début des années soixante en développant, après de nombreux essais parfois désastreux comme l utilisation de métal, des matériaux prothétiques solides et fiables. En France, les noms de René Stoppa et Jean Rives restent accrochés à cet authentique progrès qui explique qu aujourd hui la majorité des chirurgiens utilisent quotidiennement des tissus de renforcement. Stoppa et Rives décrivirent la mise en place des prothèses par voie inguinale mais aussi en utilisant la voie d abord médiane sous ombilicale pour les hernies bilatérales (25). Enfin, à partir de 1990, avec la dernière phase de l histoire des hernies, les chirurgiens entrent sur la scène de la cœliochirurgie avec ses TEP et ses TAP. Nous sommes maintenant dans «l histoire moderne», propice à toutes les polémiques. Il ne nous appartient donc plus de développer ce sujet. Nous désirons cependant conclure, en remarquant que si la cœliochirurgie tient désormais le haut du pavé, les voies d abord local ont trouvé une nouvelle jeunesse avec l intervention de Lichtenstein qui consiste à placer une prothèse sur la face antérieure de la paroi abdominale. Par un heureux hasard, cette opération redécouvre les anciennes techniques du Moyen Âge et de la Renaissance dont les objectifs étaient

35 35 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : simplement de former un bouchon pour fermer l orifice herniaire. Espérons que les résultats à long terme de cette intervention, en contradiction avec tous les progrès accomplis depuis trois cents ans, ne déçoivent pas les jeunes opérateurs qui lui font confiance au point d oublier toutes les techniques qui l ont précédée. Références 1. Fournier-Begniez D. Histoire générale de la Médecine. Tome 1. Paris : Albin Michel. [p ]. 2. Leca A-P. La médecine égyptienne au temps des pharaons. Paris : Roger Dacosta ; p. [p. 219]. 3. Penso G. La médecine romaine. L art d Esculape dans la Rome antique. Paris : Roger Dacosta ; p. [p. 478]. 4. Salin E. Quelques objets rares du Haut Moyen Âge. In: Comptesrendus des séances de l'année... - Académie des inscriptions et belles-lettres, 111e année, N. 3, p Hippocrate. Epidémies. Livre 2. Traduction Ch. Daremberg. Paris ; Joubert L. La grande chirurgie de monsieur Gui de Chauliac. Lyon : Estienne Michel ; [p. 196]. 7. Idem, p Idem, p Paré A. Les œuvres d Ambroise Paré. 10 e ed. Lyon : Claude Prost ; Pigray P. Épitome des principes de médecine et de chirurgie. Rouen : Louis Loudet ; Dionis M. Cours d opération et de chirurgie. Paris : D houry ; [p. 333 et 314]. 12. Boyer M. Traité des maladies chirurgicales et des opérations qui leurs conviennent. Tome VIII. Paris : Bechet Jeune. [p. 41]. 13. Paré A. Les œuvres d Ambroise Paré. 10 e ed. Lyon : Claude Prost ; [p ]. 14. Boursier A. Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales. Tome XIII. Paris : Asselin, Houzeau et Masson ; [p. 745]. 15. Cooper A. Paris: Masson; Lequin N. Traité des hernies ou descentes, contenant les causes, les signes, les accidents, les remèdes et un advis aux hernieux. Paris ; Boursier A. Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales. Tome XIII. Paris : Asselin, Houzeau et Masson ; [p. 760]. 18. Dionis M. Cours d opération et de chirurgie. 4 e ed. augmentée par G. de la Faye. Paris : D houry ; [p. 340]. 19. Idem, p Cloquet J. Manuel d anatomie descriptive du corps humain. Tome 2, Myologie. Paris : Louis Pariente ; [Planche II9]. 21. Nouveau dictionnaire universel et raisonné de médecine, de chirurgie et de l art vétérinaire. Tome 3. Paris : Herissant, Libraire ; [p. 412]. 22. Boursier A. Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales. Tome XIII. Paris : Asselin, Houzeau et Masson ; [p. 745]. 23. Velpeau A. Nouveaux éléments de médecine opératoire. Tome 2. Paris : J.-B. Baillière ; [p. 311]. 24. Bonnichon P. Les hernies inguinales et leurs traitements avant Eduardo Bassini. J Chir (Paris) 2008 ; 145 : Stoppa R, Wantz GE, Munegato G, Pluchinotta A. Hernia Healers. Vélizy-Villacoublay : Arnette ; [p. 65].

36 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Réhabilitation de la surdité profonde par l implant cochléaire uni- ou bilatéral chez l adulte sourd post-lingual Profound deafness rehabilitation by uni- or bilateral cochlear implantation in post-lingual deaf adults O Sterkers [1, 2, 3], B Meyer [1, 4], B Frachet [1, 5], A Bozorg Grayeli [1, 2, 3], I Mosnier [1], DS Lazard [1, 5]. 1. AP-HP, Hôpital Beaujon, Service d ORL et de chirurgie cervico-faciale, Centre référent d Île-de-France d implantation cochléaire et d implantation du tronc cérébral pour les adultes 2. Inserm UMR-S 867 «Chirurgie otologique mini-invasive robotisée» 3. Université Diderot - Paris VII 4. Université Pierre & Marie Curie - Paris VI 5. Université Paris Nord XIII 6. Ecole Normale Supérieure, Inserm U960 : Laboratoire de neurosciences cognitives Mots clés Tonotopie Codage électrique Tympanotomie postérieure Cochléostomie Explantation Binaural Cognitif Résumé Djourno et Eyries ont mis en évidence en 1957 que la stimulation électrique de la cochlée entraînait des réponses auditives chez un patient sourd total implanté. En 1976, CH Chouard a réalisé la première implantation multi-fréquentielle permettant de comprendre à nouveau la parole. Des avancées déterminantes ont permis de restaurer l audition avec une grande fiabilité du dispositif médical et un bénéfice du patient prouvé par une communication orale performante grâce à des traitements du signal de plus en plus adaptés. Plus de sourds profonds ont été implantés dans le monde jusqu à présent, et environ 800 patients par an bénéficient de cette technique en France. L implantation cochléaire est encadrée par les recommandations de la Haute Autorité de santé, et la chirurgie d implantation est bien réglée dans des groupes pratiquant de 50 à plus de 100 implantations cochléaires par an, comme dans notre centre. L implantation cochléaire unilatérale offre des performances auditives satisfaisantes dans les milieux peu bruyants. La compréhension dans le bruit est nettement améliorée par une implantation bilatérale qui permet une réinsertion professionnelle et une amélioration de la qualité de la vie. L implantation cochléaire bilatérale peut être réalisée dans le même temps chirurgical lorsqu il existe un risque d ossification cochléaire ultérieur, en particulier après méningite bactérienne. La réhabilitation de la surdité profonde et du handicap de communication qu elle occasionne peut être proposée dès que l intelligibilité s effondre d un côté et que la compréhension controlatérale est limitée avec une prothèse auditive, afin de rétablir la communication en milieu bruyant habituel. Keywords Tonotopy Electric processing strategy Posterior tympanotomy Cochleostomy Explantation Binaural Cognitive Abstract Djourno and Eyries showed in 1957 that electric stimulations, provided to the cochlea, created auditory responses to a profoundly deaf patient. In 1976, CH Chouard performed the first multi-channel implantation reestablishing speech comprehension. Since, major technical findings allowed auditory restoration with high device reliability and efficient oral communication thanks to improved signal processing strategies. More than profoundly deaf patients were implanted worldwide. In France where cochlear implantation is supervised by la Haute Autorité de santé, about 800 candidates are operated on each year. Surgical procedure is well codified in centers performing from 50 to more than 100 implantations per year, like in our center. After unilateral cochlear implantation, speech performance is satisfactory in silent environment. In noisy environment, outcome is clearly enhanced by bilateral cochlear implantation, yielding professional reinsertion and enhanced life quality. Bilateral cochlear implantation may be performed simultaneously when cochlear ossification is suspected, e.g. after bacterial meningitis. Profound deafness rehabilitation may be proposed to palliate the handicap it creates as soon as intelligibility collapses on one side and if comprehension is limited on the other side despite hearing head, thus restoring oral communication in noisy environment. L implant cochléaire (IC) est une des révolutions médicales de ces cinquante dernières années grâce à la restauration d une communication orale de bonne qualité dans le silence, à des sujets devenus sourds sévères à profonds ayant auparavant acquis le langage ou à des enfants sourds congénitaux. L IC existe depuis les années 1970 et n a pas cessé de s améliorer, permettant à un nombre croissant de sujets de bénéficier de cette technique (146 patients ont été implantés en 2009 à l Hôpital Beaujon). Les indications se sont élargies offrant, dans certaines situations, la possibilité d implanter les pa- Correspondance : O. Sterkers, AP-HP, Hôpital Beaujon, Service d ORL et de chirurgie cervico-faciale, Centre référent d Île-de-France d implantation cochléaire et d implantation du tronc cérébral pour les adultes Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

37 37 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : tients de façon bilatérale. La recherche a également permis de comprendre les avantages de promouvoir le maintien du port de la prothèse conventionnelle controlatérale et ceux de promouvoir la réhabilitation cognitive. Historique de l implant cochléaire L idée de reproduire une sensation auditive à partir d une stimulation électrique remonte à la fin du XVIIIe siècle mais le premier implant stimulant directement le nerf auditif apparaît en France en Il fut l œuvre de A. Djourno et C. Eyriès (1). Une discrimination des sons environnementaux avec restauration des fonctions d alerte fut possible mais sans discrimination de parole (2). Un principe similaire d implant mono-électrode fut développé par W. House en Californie quatre ans plus tard, avec les mêmes résultats. C est en 1964 que B. Simmons commence à développer un implant multiélectrodes (six électrodes). Sans obtenir de compréhension de parole, il démontre que l utilisation de sites de stimulation multiples à l intérieur de la cochlée permet la discrimination de hauteur. Le premier implant mono-électrode est commercialisé en 1972 par W. House. En 1976, P Pialoux, CH Chouard et P MacLeod publient le premier article sur une série de sept patients implantés avec un implant 8-canaux offrant une compréhension de 50 % de mots sans lecture labiale (3, 4). En 1988, une Conférence de consensus sous l égide du National Institute of Health entérine les implants multi-canaux au détriment du mono-canal (5). À cette époque, il était estimé que patients avaient déjà bénéficié d un IC. En 1995, ils étaient, dans le monde, , en , en Cette croissance démontre les progrès obtenus en termes de performances et l élargissem*nt des indications (6). Indications actuelles de l implant cochléaire en France chez l adulte Les indications d un implant cochléaire définies par la Haute Autorité de santé (HAS, concernent les surdités neurosensorielles sévères à profondes, bilatérales, sans bénéfice d un appareillage auditif conventionnel (acoustique) optimal dont l essai est nécessaire avant de proposer une chirurgie. La discrimination en audiométrie vocale doit être inférieure ou égale à 50 % lorsque le stimulus est présenté à 65 décibels, en champ libre, malgré le port de prothèses auditives adaptées. Le matériel vocal utilisé doit être adapté à la population testée (mots dissyllabiques des listes de Fournier pour des adultes de langue maternelle française). Les implants électro-acoustiques combinent une stimulation électrique et acoustique sur une même oreille. Ils s adressent à des patients ayant une audition résiduelle sur les fréquences graves mais qui remplissent les critères audiométriques suscités. Une attention particulière doit être portée à l évolution de la surdité au cours du temps et à la persistance d une audition résiduelle efficace. La chirurgie doit alors préserver les restes auditifs utiles. Chez l adulte, toute surdité acquise en période post-linguale et répondant aux critères audiométriques, est acceptée comme indication : il n y a pas de limite d âge, sous couvert et sous réserve d une évaluation psychocognitive. En France, l implantation bilatérale est pratiquée dans des cas particuliers. Les indications reconnues par la HAS pour une chirurgie bilatérale sont actuellement : les étiologies de surdité pouvant conduire à une ossification cochléaire dans de brefs délais : les labyrinthites, les fractures bilatérales du rocher. Il est alors proposé une implantation simultanée (en un temps) ; le syndrome de Usher (surdité neurosensorielle et rétinopathie). L implantation est simultanée chez l enfant, elle peut être séquentielle chez l adulte s il existe des restes auditifs asymétriques ; la perte du bénéfice audioprothétique controlatéral chez un adulte implanté de façon unilatérale, pouvant entraver la vie socioprofessionnelle ou engendrer une perte d autonomie chez le sujet âgé (implantation séquentielle). Les différents types d implant et leur choix Il existe quatre fabricants d IC : Advanced Bionics (Valencia, États-Unis), Cochlear (Sydney, Australie), MED-EL (Innsbruck, Autriche), Neurelec-MXM (Vallauris, France). Chacun possède des stratégies de codage propres mais, pour simplifier, il est possible de dire que, de façon commune, le signal auditif est filtré en bandes fréquentielles au cours du temps. L énergie mesurée dans chaque bande sert à moduler un train d impulsions. Ces bandes fréquentielles sont attribuées aux électrodes correspondantes en fonction de leur cartographie tonotopique. En effet, la cochlée présente une représentation fréquentielle spécialisée de sa base à son apex, allant des fréquences aiguës aux fréquences graves. Les trains d impulsions sont échelonnés dans le temps pour éviter des interactions entre des champs électriques d électrodes trop proches spatialement. L IC ne transmet que l enveloppe temporelle et spectrale du son, correspondant aux variations lentes de l énergie calculée dans chaque bande fréquentielle. Ainsi, l IC offre assez d information pour comprendre la parole dans le silence (7, 8), mais se révèle décevant pour les codages plus complexes, comme la parole dans le bruit (8, 9) ou la musique (10). De plus, on sait que la binauralité (le fait d avoir des informations acoustiques venant des deux oreilles) améliore la compréhension dans le bruit du fait de mécanismes de démasquage, d additivité centrale et de localisation sonore par interprétation des différences interaurales de temps et d intensité (11). L implantation unilatérale prive les patients de ces informations, une implantation bilatérale simultanée améliore considérablement les performances de discrimination dans le bruit ainsi que la localisation sonore spatiale (12). Le choix des appareils est laissé à l appréciation des équipes. La prise en charge d un patient est multidisciplinaire incluant des ORL, chirurgiens et audiologistes, des orthophonistes, des psychologues. Les indications sont posées en général après concertation entre les membres de l équipe. Le suivi postopératoire est primordial, nécessitant des réglages réguliers et une rééducation orthophonique spécialisée. La chirurgie L acte chirurgical d implantation est réglé et présente des complications rares. La chirurgie se fait sous anesthésie générale par une incision rétro-auriculaire de petite taille. Est réalisée une ouverture de l antre (cellule la plus large de la mastoïde) au moteur, permettant de réaliser une tympanotomie postérieure. Cette ouverture postérieure de la caisse de l oreille moyenne permet d aborder la cochlée au niveau de son tour basal, en regard de la fenêtre ronde. Le porteélectrodes peut être introduit soit par la fenêtre ronde, après incision de sa membrane, soit par réalisation au micromoteur d une cochléostomie (ouverture du canal cochléaire en regard de la rampe tympanique) (13, 14). Les techniques microinvasives d introduction de l électrode sont pratiquées de façon systématique dans le but de préserver les restes auditifs dans les fréquences graves à l apex cochléaire (15, 16). Le porte-électrodes est introduit si possible dans son intégralité, à l intérieur de la cochlée, le plus près possible du modiolus (17), à l intérieur de la rampe tympanique (par opposition à la rampe vestibulaire), ce positionnement offrant de meilleures

38 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : performances (18, 19). Dans une série rétrospective incluant des adultes et des enfants, le taux de complications a été évalué à 16 %, comprenant 5,6 % de complications considérées comme mineures, 3,2 % de complications considérées comme majeures, et 7,2 % de réimplantations, principalement chez l enfant (20). Les cas de méningites à distance du geste chirurgical sont devenus exceptionnels (118 cas sur , soit 0,2 %) (21). Tous les patients bénéficient d une vaccination préventive contre le pneumocoque (21). La chirurgie sous monitorage du nerf facial n entraîne que de rares parésies faciales (0,7 %) (22), régressives. Les explantations sont peu fréquentes (23) et sont secondaires, dans 78 % des cas, à des dysfonctionnements des appareils. Les troubles trophiques cutanés/ infections, engendrant un risque d exposition du dispositif, représentent moins de 2 % des complications (20). Les résultats chez l adulte sourd post-lingual Les performances obtenues avec un IC sont désormais très bonnes dans le silence, avec 30 % des patients obtenant plus de 95 % de réponses justes dans des tâches de discrimination de phrases (6). La reconnaissance de mots dissyllabiques est également performante avec une médiane à 70 % à 1 an, un premier quartile à 50 % et un dernier quartile à 95 % (24). L adjonction de la lecture labiale augmente considérablement les performances. La proportion de patients en échec de l implantation (scores de reconnaissance inférieurs à 10 %) est difficile à évaluer. Elle serait autour de 10 % (25). L implantation bilatérale offre un accès à la stéréophonie et donc à la localisation spatiale et améliore de façon significative la compréhension dans le bruit (12). Lorsque les performances sont insuffisantes avec un premier IC, le bénéfice d une implantation controlatérale séquentielle est majeur (12). Le maintien du port d une prothèse auditive controlatérale est préconisé tant qu elle apporte des bénéfices auditifs, même mineurs. La stimulation bimodale (électrique et acoustique en même temps) a montré un avantage sur le développement du langage chez l enfant, la perception de la parole dans le bruit et la qualité de la perception musicale (26-31). Ces bénéfices sont dus à la transmission par la prothèse auditive conventionnelle d indices temporels et spectraux contenus dans les fréquences graves, et en particulier ceux de la structure fine, qui font défaut dans le codage de l IC (32). L implant et la prothèse transmettent des indices acoustiques complémentaires, dont la synergie est à promouvoir. Les facteurs prédictifs, périphériques et centraux, des performances La durée de privation auditive est un élément prédictif majeur (33, 34) mais elle n explique que partiellement les résultats (35-39). D autres facteurs prédictifs ont été avancés comme la trophicité nerveuse périphérique (40), la position du porte-électrodes (18), sa longueur et son angle d insertion (41). Ces facteurs périphériques jouent un rôle important dans les performances mais il est désormais acquis que le système nerveux central tient un rôle primordial dans la compréhension du message délivré par l IC (42) : même si tous les pré-requis périphériques à une «bonne utilisation» sont remplis, une afférentation corticale auditive correcte (43, 44) et une bonne coopération audio-visuelle (45, 46) sont indispensables pour extraire du son dénaturé de l IC une information signifiante (42). Conclusion L IC améliore considérablement la qualité de vie des patients qui en bénéficient, en restaurant une communication orale et la possibilité d une vie sociale et professionnelle. Ses indications se sont élargies au cours du temps, prenant en compte l audition résiduelle et la possibilité d une implantation bilatérale. La nécessité d insérer le porte-éléctrodes dans la scala tympani de façon la plus atraumatique possible amène à développer la robotisation de cet acte chirurgical (47). De tels progrès techniques ainsi que la compréhension du rôle des facteurs cognitifs dans les performances de l IC sont encore à faire mais ouvrent des voies prometteuses (42, 48). Références 1. Djourno A, Eyries C. [Auditory prosthesis by means of a distant electrical stimulation of the sensory nerve with the use of an indwelt coiling.]. Presse Med 1957 ; 65 : Chouard CH, Mac Leod P. [Letter: Rehabilitation of total deafness. Trial of cochlear implantation with multiple electrodes]. Nouv Presse Med 1973 ; 2 : Chouard CH, MacLeod P. Implantation of multiple intracochlear electrodes for rehabilitation of total deafness: preliminary report. Laryngoscope 1976 ; 86 : Pialoux P, Chouard CH, MacLeod P. 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The role of head-induced interaural time and level differences in the speech reception threshold for multiple interfering sound sources. J Acoust Soc Am 2004 ; 116 : Mosnier I, Sterkers O, Bebear JP, Godey B, Robier A, Deguine O, et al. Speech performance and sound localization in a complex noisy environment in bilaterally implanted adult patients. Audiol Neurootol 2009 ; 14 : Roland PS, Wright CG. Surgical aspects of cochlear implantation: mechanisms of insertional trauma. Adv Otorhinolaryngol 2006 ; 64 : Friedland DR, Runge-Samuelson C. Soft cochlear implantation: rationale for the surgical approach. Trends Amplif 2009 ; 13 : James C, Albegger K, Battmer Ret al. Preservation of residual hearing with cochlear implantation: how and why. Acta Otolaryngol 2005 ; 125 : Fraysse B, Macías AR, Sterkers O, Burdo S, Ramsden R, Deguine O, et al. Residual hearing conservation and electroacoustic stimulation with the nucleus 24 contour advance cochlear implant. 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39 39 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : implantations. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2008 ; 134 : Wei BP, Robins-Browne RM, Shepherd RK, Clark GM, O'Leary SJ. Can we prevent cochlear implant recipients from developing pneumococcal meningitis? Clin Infect Dis 2008 ; 46 : e Mosnier I, Ambert-Dahan E, Smadja M, Ferrary E, Bouccara D, Bozorg-Grayeli A, et al. [Performances and complications of cochlear implant in 134 adult patients implanted since 1990]. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2006 ; 123 : Brown KD, Connell SS, Balkany TJ, Eshraghi AE, Telischi FF, Angeli SA. Incidence and indications for revision cochlear implant surgery in adults and children. Laryngoscope 2009 ; 119 : Lazard DS, Bordure P, Lina-Granade G, Magnan J, Meller R, Meyer B, et al. Speech perception performance for 100 post-lingually deaf adults fitted with Neurelec cochlear implants: Comparison between Digisonic Convex and Digisonic SP devices after a 1- year follow-up. Acta Otolaryngol 2010 ; 130 : Bodmer D, Shipp DB, Ostroff JM, Ng AH, Stewart S, Chen JM, Nedzelski JM. A comparison of postcochlear implantation speech scores in an adult population. Laryngoscope 2007 ; 117 : Nittrouer S, Chapman C. The effects of bilateral electric and bimodal electric--acoustic stimulation on language development. Trends Amplif 2009 ; 13 : Mok M, Galvin KL, Dowell RC, McKay CM. Speech perception benefit for children with a cochlear implant and a hearing aid in opposite ears and children with bilateral cochlear implants. Audiol Neurootol 2010 ; 15 : Olson AD, Shinn JB. A systematic review to determine the effectiveness of using amplification in conjunction with cochlear implantation. J Am Acad Audiol 2008 ; 19 : ; quiz El Fata F, James CJ, Laborde ML, Fraysse B. How much residual hearing is 'useful' for music perception with cochlear implants? Audiol Neurootol 2009 ; 14 (Suppl 1) : Sucher CM, McDermott HJ. Bimodal stimulation: benefits for music perception and sound quality. Cochlear Implants Int 2009 ; 10 (Suppl 1) : Schafer EC, Amlani AM, Seibold A, Shattuck PL. A meta-analytic comparison of binaural benefits between bilateral cochlear implants and bimodal stimulation. J Am Acad Audiol 2007 ; 18 : Gnansia D, Pressnitzer D, Péan V, Meyer B, Lorenzi C. Intelligibility of interrupted and interleaved speech for normalhearing listeners and cochlear implantees. Hear Res 2010 ; 265 : O'Donoghue GM, Nikolopoulos TP, Archbold SM. Determinants of speech perception in children after cochlear implantation. Lancet 2000 ; 356 : Sarant JZ, Blamey PJ, Dowell RC, Clark GM, Gibson WP. Variation in speech perception scores among children with cochlear implants. Ear Hear 2001 ; 22 : Giraud AL, Lee HJ. Predicting cochlear implant outcome from brain organisation in the deaf. Restor Neurol Neurosci 2007 ; 25 : Blamey P, Arndt P, Bergeron F, Bredberg G, Brimacombe J, Facer G, et al. Factors affecting auditory performance of postlinguistically deaf adults using cochlear implants. Audiol Neurootol 1996 ; 1 : Green KM, Bhatt YM, Mawman DJ, O'Driscoll MP, Saeed SR, Ramsden RT, Green MW. Predictors of audiological outcome following cochlear implantation in adults. Cochlear Implants Int 2007 ; 8 : Proops DW, Donaldson I, Cooper HR, Thomas J, Burrell SP, Stoddart RL, et al. Outcomes from adult implantation, the first 100 patients. J Laryngol Otol Suppl 1999 ; 24 : van Dijk JE, van Olphen AF, Langereis MC, Mens LH, Brokx JP, Smoorenburg GF. Predictors of cochlear implant performance. Audiology ; 38 : Nadol JB Jr, Eddington DK. Histopathology of the inner ear relevant to cochlear implantation. Adv Otorhinolaryngol 2006 ; 64 : Escudé B, James C, Deguine O, Cochard N, Eter E, Fraysse B. The size of the cochlea and predictions of insertion depth angles for cochlear implant electrodes. Audiol Neurootol 2006 ; 11 Suppl 1 : Moore DR, Shannon RV. Beyond cochlear implants: awakening the deafened brain. Nat Neurosci 2009 ; 12 : Coez A, Zilbovicius M, Ferrary E, Bouccara D, Mosnier I, Ambert- Dahan E, et al. Cochlear implant benefits in deafness rehabilitation: PET study of temporal voice activations. J Nucl Med 2008 ; 49 : Lee HJ, Giraud AL, Kang E, Oh SH, Kang H, Kim CS, Lee DS. Cortical activity at rest predicts cochlear implantation outcome. Cereb Cortex 2007 ; 17 : Rouger J, Lagleyre S, Fraysse B, Deneve S, Deguine O, Barone P. Evidence that cochlear-implanted deaf patients are better multisensory integrators. Proc Natl Acad Sci U S A 2007 ; 104 : Tremblay C, Champoux F, Lepore F, Théoret H. Audiovisual fusion and cochlear implant proficiency. Restor Neurol Neurosci 2010 ; 28 : Miroir M, Nguyen Y, Szewczyk Jet al. RobOtol : From Design to Evaluation of a Robot for Middle Ear Surgery. Proceedings of the IEEE/RSJ International Conference on Intelligent Robots and Systems 2010 ; in press. 48. Lazard DS, Lee HJ, Gaebler M, Kell CA, Truy E, Giraud AL. Phonological processing in post-lingual deafness and cochlear implant outcome. Neuroimage 2010 ; 49 :

40 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Implant auditif du tronc cérébral chez l adulte Auditory brainstem implant in adults D Bouccara*, A Bozorg Grayeli*, **, M Kalamarides***, O Sterkers*, ** * AP-HP, Hôpital Beaujon, Service d ORL, Clichy ** UMR-S 867 Inserm, Paris 7 Denis-Diderot Chirurgie otologique mini-invasive robotisée», Paris *** AP-HP, Hôpital Beaujon, Service de Neurochirurgie, Clichy Mots clés Réhabilitation auditive Implant auditif Neurofibromatose de type 2 Surdité Résumé L implant auditif du tronc cérébral est une modalité de réhabilitation de l audition, réservée à des indications rares pour lesquelles il n y a pas de bénéfice avec les aides auditives et une impossibilité ou un risque à réaliser une implantation cochléaire. Son indication principale est la Neurofibromatose de type 2 (NF2), affection caractérisée par la présence d un schwannome vestibulaire bilatéral. L évaluation, réalisée par des équipes otoneurochirurgicales ayant à la fois l expérience de la chirurgie de l angle pontocérébelleux et celle de l implantation cochléaire, comporte un bilan clinique, radiologique (cérébral et médullaire), de la communication et psychologique. Les résultats montrent que chez les patients NF2 le meilleur bénéfice fonctionnel auditif est obtenu dans les cas de schwannome vestibulaire de taille moyenne, avec une privation auditive du côté implantée brève ou nulle. Les facteurs de mauvais pronostic sont une privation auditive prolongée, un diamètre cisternal supérieur à 3 cm, une difficulté à la mise en place du porte-électrodes en peropératoire et l activation de moins de 10 électrodes avec des sensations auditives. Dans les cas de surdité totale postméningitique avec ossification cochléaire totale le résultat obtenu est tout à fait comparable à celui des implants cochléaires dans cette indication (surdité postméningitique sans ou avec ossification partielle). Il en est de même pour les autres indications non tumorales (hors NF2). Keywords Auditory rehabilitation Auditory device Neurofibromatose type 2 Deafness Abstract Auditory Brainstem Implant (ABI) is used to restore hearing during situations without ability to perform cochlear implant (CI), due to tumors in neurofibromatosis type 2 (NF2) or major cochlea modifications, as postmeningitis ossified cochlea. The pre-operative evaluation includes clinical, radiological, lipreading, and psychological status. A translabyrinthic or retrosigmoid approach is performed. In NF2 patients, best results are obtained in cases of smaller vestibular schwannoma and none, or short term, auditory deprivation. Negative prognostic factors are duration of total hearing loss (> 10 years), tumor size (> 3 cm), difficulties in electrode array placement, complications during postoperative course and number of active electrodes (< 10). In cases of postmeningitis total deafness with totally ossified cochlea, results with ABI demonstrated a good benefit reaching these obtained with CI in post-meningitis deafness. L implant auditif du tronc cérébral est une modalité de réhabilitation de l audition réservée à des indications rares pour lesquelles il n y a pas de bénéfice avec les aides auditives et une impossibilité ou un risque à réaliser une implantation cochléaire. Le développement de cette technique a débuté dans les années 1980 à Los Angeles par House et Hitselberger (1, 2). Elle requiert une intervention nécessitant une équipe otoneurochirurgicale ayant à la fois l expérience de la chirurgie de l angle pontocérébelleux et celle de l implantation cochléaire. Le principe des implants auditifs du tronc cérébral est identique à celui des implants cochléaires, comportant un récepteur sous-cutané et un processeur externe. Les informations auditives captées par un microphone au niveau du processeur externe sont traitées par un microprocesseur qui génère des stimulations électriques. Celles-ci sont transmises par voie trans-cutanée au récepteur sous-cutané qui est relié à un câble. Ce câble se termine par une palette sur laquelle sont placées les électrodes. Cette palette est placée chirurgicalement en regard des noyaux cochléaires du tronc cérébral (fig. 1). Cette modalité de réhabilitation de l audition est proposée essentiellement aux patients souffrant de Neurofibromatose de type 2 (NF2), chez lesquels la présence de schwannomes vestibulaires bilatéraux et l éventuelle nécessité de leur exérèse conduit à une surdité profonde bilatérale. L absence de conservation du nerf cochléaire rend en effet impossible une implantation cochléaire. Les indications se sont étendues, audelà de la NF2, à certaines situations où l implantation cochléaire est impossible, du fait de modifications anatomiques Correspondance : E mail : olivier.sterkers@bjn.aphp.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

41 41 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 1 Récepteur et porte-électrodes de l implant auditif du tronc cérébral (document fourni avec courtoisie par la société Cochlear). majeures et/ou de risques de complications (fuite de LCR), ou inefficace (ossification cochléaire bilatérale ). Anatomie chirurgicale des noyaux cochléaires Les données anatomiques concernant les noyaux cochléaires ont fait l objet de différents travaux ayant permis de préciser la répartition des populations cellulaires et leurs rôles respectifs dans ce premier relais des voies auditives, ainsi que les variations possibles et leurs conséquences chirurgicales. Ces noyaux sont localisés au niveau de la surface dorso-latérale du tronc cérébral, au-dessus de la jonction pontomédullaire. Ils sont au nombre de deux : ventral et dorsal. Le noyau ventral a une forme pyramidale à sommet inférieur et est subdivisé en deux parties : antéro-ventral et postéro-ventral. Le noyau dorsal est de forme ovoïde. Il est situé en arrière et en bas du noyau ventral. Les fibres du nerf auditif se divisent en deux branches : l une antérieure ou ascendante, l autre postérieure ou descendante. Au niveau du tronc cérébral la distribution des fibres va respecter la tonotopie. Le site préférentiel de l implantation du porte-électrodes sur le tronc cérébral est localisé au niveau des noyaux antéro-ventral et postéro-ventral, afin de stimuler un nombre important de cellules et de respecter un gradient fréquentiel. Sa localisation chirurgicale passe par l identification du récessus du IVème ventricule (fig. 2). Les repères anatomiques de l angle pontocérébelleux sont : à sa partie supérieure, le nerf trijumeau se dirigeant en avant, en haut et en dehors, vers le cavum de Meckel, accompagné de la veine pétreuse supérieure (veine de Dandy) ; à la partie moyenne, le paquet acousticofacial, sachant que lors de l ablation du schwannome vestibulaire le nerf cochléo-vestibulaire n est pas toujours conservé ; à la partie inférieure, les nerfs mixtes, plus ou moins masqués par le flocculus, avec de haut en bas : IX, X et XI ; l artère cérébelleuse antéro-inférieure qui comporte parfois une boucle au niveau de la racine du nerf cochléovestibulaire. Ces données anatomiques «normales» sont sujettes à des modifications importantes en cas de NF2 avec effet de masse des schwannomes sur le tronc cérébral. Évaluation préopératoire Figure 2 Représentation schématique de l emplacement du porteélectrodes en regard des noyaux auditifs du tronc cérébral (document fourni avec courtoisie par la société Cochlear). Cette évaluation s inscrit dans le cadre du suivi des patients souffrant de NF2 par l intermédiaire d une prise en charge pluridisciplinaire telle que réalisée dans un centre de Référence (Maladies rares). Elle comporte, outre le bilan de toute surdité profonde, un bilan oto-neurologique précisant les atteintes liées à la NF2 ou séquellaires des thérapeutiques antérieures : vestibulaires, sur la motricité faciale et la déglutition. Un bilan radiologique avec IRM cérébrale et médullaire et scanner osseux des rochers a pour objectif de préciser la taille et la topographie des différentes lésions, les modifications du tronc cérébral rattachées au développement tumoral ou aux interventions antérieures éventuelles, et la forme du récessus du IVème ventricule. Dans les indications autres que la NF2 l évaluation a aussi pour but de confirmer l absence de possibilité d implantation cochléaire, du fait d anomalies anatomiques confirmées à l imagerie, et de réponse aux tests de stimulations électriques (test au promontoire ou stimulation de la fenêtre ronde). Intervention chirurgicale Le monitorage peropératoire des nerfs crâniens Trois éléments font l objet d un suivi électrophysiologique au cours de l intervention : le nerf facial, les nerfs mixtes (nerf glosso-pharyngien, nerf vague et nerf accessoire) et le nerf auditif. La synchronisation du recueil des réponses avec les stimulations par l implant permet, d une part, de valider le positionnement du porte-électrodes en regard des noyaux auditifs par la présence d une réponse caractéristique (3) et, d autre part, de vérifier l absence de stimulation d autres structures nerveuses situées à proximité, essentiellement les noyaux des autres nerfs crâniens : VII, IX, X, et XI. Le choix de la voie d abord Le choix de la voie d abord dépend de la pathologie en cause, des modifications anatomiques identifiées sur l imagerie préopératoire et des habitudes des opérateurs. La voie translabyrinthique est indiquée en cas d exérèse de schwannome vestibulaire dans le même temps opératoire ou d implantation secondaire chez un patient déjà opéré par cette voie. Elle permet un abord relativement direct du récessus du IVème ventricule dans un axe parallèle au nerf cochléaire. La voie rétrosigmoïde, utilisée systématiquement par certaines équipes et en l absence de pathologie tumorale pour d autres, nécessite une rétraction plus importante du flocculus et du cervelet pour visualiser le récessus.

42 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : pu se déplacer. La procédure habituelle comporte la mise en place d une voie veineuse, une surveillance cardiaque au scope, une mesure régulière de la pression artérielle et une surveillance de la saturation en oxygène par capteur digital. Les électrodes sont alors stimulées une à une avec comme objectif de déterminer la présence de réponses auditives et leur seuil de détection. En l absence de réponse auditive, différents effets collatéraux peuvent être rencontrés : paresthésies, stimulation faciale, douleurs plus ou moins localisées, vertiges. Leur apparition conduit à ne pas activer les électrodes en cause. L étape suivante est de déterminer pour chaque électrode activée les seuils de détection et d intensité maximale, et de déterminer la tonotopie des électrodes. Figure 3 Tracé des potentiels évoqués électriques avec trois ondes lors de la stimulation de l implant en peropératoire, permettant de valider la position du porte-électrodes (document fourni avec courtoisie par la société Cochlear). La mise en place de l implant Dans les cas de NF2, la mise en place du porte-électrodes a lieu une fois l ablation tumorale terminée. En cas d intervention ou d irradiation antérieure, il peut exister une fibrose ou une arachnoïdite plus ou moins étendue. Le récessus du IVème ventricule, ou foramen de Luschka, est localisé entre les racines du nerf cochléaire au-dessus et du glosso-pharyngien en bas, centré sur le plexus choroïde. Une autre possibilité de localisation du récessus du IVème ventricule est de demander à l équipe anesthésique de réaliser une manœuvre de Valsalva par pression abdominale de façon à l identifier par une issue de liquide céphalorachidien. Le porte-électrodes est alors introduit dans le récessus, face portante des électrodes dirigée vers le toit de celui-ci. Il doit donc suivre une angulation vers le haut. Le placement du porte-électrodes étant jugé optimal par le neurochirurgien une série de mesures électrophysiologiques est réalisée. Leur but est double : d une part, déterminer si l application d une stimulation des électrodes s accompagne d une réponse de type auditive au recueil des potentiels évoqués, et si cela est le cas pour quel nombre d électrodes ; d autre part, vérifier que l application des stimulations électriques ne s accompagne pas d effet adverse sur d autres structures nerveuses de voisinage. Ces effets sont détectés par le monitoring des nerfs crâniens IX et XI ainsi que par le suivi cardiorespiratoire par l équipe anesthésique. Les stimulations sont réalisées sur les électrodes, 2 à 2 en inversant la polarité. Trois types de courbes sont potentiellement obtenus lors du recueil des potentiels évoqués électriques (PEE) avec l implant auditif du tronc cérébral : des courbes à 3 ondes (P1, P2 et P3), des courbes à 2 ondes (P1, P2), et des courbes à 1 onde (P1) (fig. 3). À ce stade de l intervention, la confrontation des données anatomiques et des réponses électrophysiologiques conduit soit à laisser le porte-électrodes en place, soit à le mobiliser pour essayer d optimiser son placement. Une fois le site optimal validé, le porte-électrodes est bloqué par des fragments de tissu adipeux prélevés au niveau abdominal et le récepteur sous cutané est fixé. En postopératoire, un scanner de contrôle permet de vérifier l absence de complication immédiate et de contrôler la position du porte-électrode dans le récessus du IVème ventricule. Il est réalisé dans les cinq jours qui suivent l intervention ou immédiatement en cas de suspicion de complication. Activation et réglages des électrodes L activation des électrodes est réalisée sous surveillance anesthésique. En effet, en postopératoire le porte-électrode a Indications Au cours de la Neurofibromatose de type 2 L indication princeps de l implant auditif du tronc cérébral est la NF2 (4-7). La complexité de cette affection en termes de multiplicité des lésions, d hétérogénéité de leur extension et de leur évolutivité ne permet pas de proposer une stratégie thérapeutique standardisée. La prise en charge par une structure multidisciplinaire impliquée dans cette maladie rare permet de fixer les indications au cas par cas. Si une implantation cochléaire est anatomiquement et fonctionnellement possible (test au promontoire positif), cette solution doit être privilégiée pour des tumeurs de petite taille non évolutives. Dans le cas contraire, l indication dépend essentiellement de la taille tumorale et de la croissance lésionnelle. La tumeur la plus volumineuse devant être opérée en premier, la mise en place d un implant est proposée dans le même temps. S il persiste une audition controlatérale utile, il n est pas certain que cet implant soit immédiatement utile. Cependant, son activation et son utilisation contribuent à préparer ce mode de communication dans le cas où l évolution se ferait vers une altération auditive controlatérale, spontanée ou en conséquence d une intervention d exérèse. La radiothérapie préalable, bien qu inadaptée au traitement de la NF2 par le risque de transformation maligne ultérieure, ne constitue pas une contre-indication (8). Autres indications Les résultats obtenus avec l implant auditif du tronc cérébral ont conduit à proposer cette modalité de réhabilitation auditive dans les cas de surdité totale bilatérale, sans possibilité d implantation cochléaire : ossification cochléaire postméningitique (9), agénésie des nerfs cochléaires (10). Actuellement, chez l adulte, ces indications sont : ossification cochléaire bilatérale, post méningitique le plus souvent, avec échec ou impossibilité d implantation cochléaire ; séquelles de fractures des deux rochers ; modifications anatomiques majeures de la cochlée plus ou moins étendues au rocher, rendant l implantation cochléaire impossible ou dangereuse par risque de fuite de LCR : otospongiose évoluée, malformations congénitales, tumeurs du rocher ; association d un schwannome vestibulaire à une surdité congénitale ou acquise controlatérale très ancienne. Résultats Les modalités d évaluation du bénéfice obtenu avec l implant auditif du tronc cérébral sont les mêmes que celles utilisées pour l implant cochléaire : reconnaissance de mots et de

43 43 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : phrases, en liste ouverte, avec et sans le support de la lecture labiale, tests de reconnaissance de bruits de la vie quotidienne. D une manière générale ils ne sont pas toujours comparables à ceux de l implant cochléaire. Les données publiées dans la littérature (11-14) permettent globalement de distinguer trois catégories de résultats : le bénéfice est comparable à celui obtenu chez les implantés cochléaires : communication possible sans le support de la lecture labiale ; amélioration de la compréhension avec le support impératif de la lecture labiale ; absence de bénéfice : perceptions auditives faibles ou nulles. Dans le cadre de la NF2, les facteurs pronostiques identifiés sont : la durée de la privation auditive du côté implanté, la taille tumorale et les suites opératoires. Cette chirurgie est parfois à l origine de complications potentiellement graves, voire mortelles (méningite, hématome de l angle pontocérébelleux, embolie pulmonaire) du fait de la durée des interventions et des pathologies associées. Chez les patients souffrant de NF2 avec des troubles sensoriels associés, en particulier visuels mais aussi neurologiques, l implantation auditive du tronc cérébral permet de restaurer un moyen unique de communication, qui même s il est réduit au seul sens d alerte est essentiel. L existence d une intervention antérieure d exérèse de schwannome vestibulaire ou d une irradiation préalable de celui-ci, ne sont pas des facteurs pronostiques péjoratifs (8, 12). Dans les indications autres que celles d une NF2 les résultats globaux sont globalement meilleurs (9,10, 15, 16). Les études réalisées en imagerie fonctionnelle ont montré une activation des aires corticales dédiées à la reconnaissance de la parole chez des patients porteurs d implant auditif du tronc cérébral, comparable à celles observées après implantation cochléaire (17, 18). Chez un patient ayant un schwannome vestibulaire associé à une surdité controlatérale ancienne ou congénitale, le choix de l implantation cochléaire ou du tronc cérébral est à discuter au cas par cas. Étude clinique Dans une série de 52 patients pris en charge à l hôpital Beaujon entre 1996 et 2010, âgés de 14 à 72 ans, les indications étaient : NF2 (42 cas), ossification cochléaire postméningitique (4 cas), schwannome vestibulaire avec surdité controlatérale (3 cas) ou tumeur ou malformation de l oreille interne (3 cas). Au cours de la NF2, l analyse des résultats de 23 patients montre que : les résultats les meilleurs, caractérisés en situation de test par une compréhension de plus de la moitié des mots et des phrases sans contexte, avec l implant seul et sans le support de la lecture labiale, ont été obtenus chez neuf patients qui avaient des durées de privation auditive brèves, des tumeurs de taille inférieure à 3 cm et au moins 10 électrodes actives avec des sensations auditives ; dans sept cas, ce niveau de compréhension est obtenu en associant la lecture labiale aux informations fournies par l implant du tronc. Il s agit de patients avec des durées de surdités profondes plus longues, des tumeurs mesurant plus de 3 cm et moins de 10 électrodes actives avec des sensations auditives ainsi que des handicaps associés, en particulier visuels ; dans sept autres cas, les patients ont un bénéfice limité avec des perceptions sonores sans amélioration de l intelligibilité, permettant le sens d alerte. Ils avaient des éléments de mauvais pronostic : tumeur mesurant plus de 3 cm et/ou intervention sur le premier côté avec tumeur controlatérale volumineuse ; suites opératoires compliquées (chute, méningite, embolie pulmonaire) ; forme évolutive de la NF2 (méningiomes, lésions médullaires...). Dans les autres cas, l utilisation de l implant est limitée soit du fait de la conservation d une audition controlatérale permettant un niveau de compréhension élevé, soit du fait de l absence de réponse auditive lors de l activation des électrodes. Enfin deux patients souffrant de NF2 utilisent un implant du tronc bilatéral, ce qui permet une restauration des capacités de localisation spatiale. Dans les cas d ossification cochléaire postméningitique, les résultats obtenus avec l implant du tronc cérébral sont comparables à ceux obtenus avec l implant cochléaire au cours des surdités postméningitiques, sans ossification cochléaire (18). Conclusions L implantation auditive du tronc cérébral permet de réhabiliter les surdités non accessibles à une implantation cochléaire. Lors de la NF2, en cas d impossibilité à réaliser une implantation cochléaire, l implantation du tronc cérébral peut être proposée afin de restaurer l accès aux signaux sonores. Dans le cas de la NF2 avec tumeurs volumineuses, les données anatomiques peropératoires font décider ou non de l implantation dans le même temps. En cas de conservation d une audition controlatèrale «utile», pertinente en termes de communication, l indication est à discuter au cas par cas. Les résultats obtenus ont permis d élargir les indications audelà de la NF2. Cette technique impose une équipe chirurgicale et une équipe d implantation spécialisées, ce qui limite le nombre de centres la réalisant. Les perspectives sont, d une part, l optimisation de la stimulation par les électrodes, en modifiant leur configuration ou leurs paramètres de réglages, et, d autre part, la discussion de l élargissem*nt à d autres indications dans le domaine pédiatrique (aplasie du nerf cochléaire, par exemple). Références 1. Edgerton BJ, House WF, Hitselberger W. Hearing by cochlear nucleus stimulation in humans. Ann Otol Rhinol Otolaryngol 1982 ; 91 (Suppl) : Hitselberger W, House WF, Edgerton BJ, Whitaker S. Cochlear Nucleus implant. Otolaryngol Head Neck Surg 1984 ; 92 : Frohne C, Matthies C, Lesinski-Schiedat A, Battmer RD, Samii M, Lenarz T. Extensive monitoring during auditory brainstem implant surgery. J Laryngol Otol Suppl 2000 ; (27) : Lenarz T, Moshrefi M, Matthies C, Frohne C, Lesinski-Schiedat A, Illg A, et al. Auditory brainstem implant: part I. Auditory performance and its evolution over time. 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44 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : children with cochlear nerve aplasia. Otol Neurotol 2002 ; 23 : Lesinski-Schiedat A, Frohne C, Illg A, Rost U, Matthies C, Battmer RD, et al. Auditory brainstem implant in auditory rehabilitation of patients with neurofibromatosis type 2: Hannover programme. J Laryngol Otol Suppl 2000 ; 27 : Wu H, Kalamarides M, Bouccara D, Dahan EA, Sollmann WP, Viala P, et al. Nucleus 21-channel auditory brainstem implant in patients with previous tumour removal. Audiology 2000 ; 39 : Nevison B, Laszig R, Sollmann WP, Lenarz T, Sterkers O, Ramsden R, et al. Results from a European clinical investigation of the Nucleus multichannel auditory brainstem implant. Ear Hear 2002 ; 23 : Bouccara D, Kalamarides M, Bozorg Grayeli A, Ambert-Dahan E Rey A, Sterkers O. Implant auditif du tronc cérébral: indications et résultats. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2007 ; 124 : Bozorg Grayeli A, Kalamarides M, Bouccara D, Ambert-Dahan E, Sterkers O. Auditory brainstem implant in neurofibromatosis type 2 and non-neurofibromatosis type 2 patients. Otol Neurotol 2008 ; 29 : Bozorg Grayeli A, Kalamarides M, Bouccara D, Ben Gamra L, Ambert-Dahan E, Sterkers O. Auditory brainstem implantation to rehabilitate profound hearing loss with totally ossified cochleae induced by pneumococcal meningitis. Audiol Neurootol 2007 ; 12 : Coez A, Zilbovicius M, Ferrary E, Bouccara D, Mosnier I, Ambert- Dahan E, et al. Cochlear implant benefits in deafness rehabilitation: PET study of temporal voice activations. J Nucl Med 2008 ; 49 : Coez A, Zilbovicius M, Ferrary E, Bouccara D, Mosnier I, Ambert- Dahan E, et al. Processing of voices in deafness rehabilitation by auditory brainstem implant. Neuroimage 2009 ; 47 :

45 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Chirurgie mini-invasive viscérale et oncologie pédiatrique : mise au point Minimally invasive surgery and childhood cancer J-S Valla, J Lauron, JF Lecompte, A Poupalou, H Steyaert, A Deville, C Soler Hopital Lenval, Nice. Mots clés Chirurgie mini-invasive Tumeurs de l enfant Oncologie pédiatrique Résumé Les tumeurs thoraco-abdominales de l enfant sont rares et particulières. Le rôle de la chirurgie mini-invasive dans la prise en charge de telles tumeurs demeure discuté. Certains gestes (biopsie, geste complémentaire, second-look, etc.) sont actuellement acceptés. Par contre, l exérèse à titre curatif est toujours en discussion. Notre expérience. Sur une période de 16 ans, notre expérience est limitée à 85 cas d exérèse à visée curative pour tumeurs potentiellement malignes : 19 localisations thoraciques (12 tumeurs neurogéniques, 3 lésions métastatiques, 2 tératomes, 1 thymome, 1 lipome) ; 66 localisations abdominales (36 tumeurs ovariennes, 14 tumeurs neurogéniques, 6 tumeurs pancréatiques, 4 tumeurs hépatiques, 3 tératomes sacrococcygiens, 1 tumeur rénale, 2 tumeurs diverses). L histologie définitive n a confirmé la malignité que dans 16 cas sur 85. Avec un recul moyen de 4 ans, nous n avons pas enregistré, dans cette série, de complications «oncologiques» pouvant être attribuées à la technique mini-invasive. Discussion. Certaines lésions se prêtent bien à l utilisation de la chirurgie mini-invasive : les tumeurs ovariennes, les tumeurs neurogènes thoraciques, les tumeurs surrénaliennes de volume modéré. La chirurgie du néphroblastome n en est qu à ses débuts. Les bénéfices réels de ce type de voie d abord ne sont pas encore clairement démontrés. Des études comparatives, rétrospectives et/ou prospectives, entre chirurgie traditionnelle et chirurgie mini-invasive sont en cours au niveau national et international ; ces études sont difficiles à mener à terme, non seulement du fait de la rareté de ces lésions mais aussi du fait de la sélection opérée pour la chirurgie miniinvasive (sélection sur les caractéristiques anatomiques et biologiques de la tumeur, sur l âge du patient, sur l expérience du chirurgien ). Conclusion en matière d exérèse tumorale. Réduire certains effets secondaires néfastes d un acte chirurgical est un but louable, surtout sur un enfant fragile, immunodéprimé ; mais ceci ne doit pas se faire au prix de l introduction d autres risques, immédiats et aux dépens du taux de survie à 5 ans sans récidive qui reste le critère d appréciation majeur en matière de tumeur maligne chez l enfant. La balance bénéfice-risque doit être évaluée pour chaque cas par une équipe pluridisciplinaire. Keywords Minimally invasive surgery Childhood cancer Tumor diagnosis Tumor removal Abstract Pediatric thoraco-abdominal tumors are rare and specific. The role of minimally invasive surgery (MAS) in the management of such tumor still remains poorly defined. If simple procedures like biopsy, supportive care procedures, second-look are today accepted by pediatric oncologists and surgeons, using MAS for curative removal remains debatable. Our experience. Over a 16 years period, 85 potentially malignant tumors have been resected: 19 thoracic tumors (12 neurogenic tumors, 3 metastatic lesions, 2 teratomas, 1 thymona, 1 lipoma); 66 abdominal tumors (36 ovarian tumors, 14 neurogenic tumors, 6 pancreatic, 4 hepatic, 3 sacroccygeal teratomas, 1 renal tumor, 2 various). Out of 85 cases only 16 cases have been confirmed as malignant tumors. After a 4 years mean follow up, no oncologic complications occurred, in particular no port site recurrence. DISCUSSION: Some tumors are well suited for MAS removal : ovarian tumor, thoracic ganglioneuroblastoma, small adrenal tumor. MAS for nephroblastoma is at its very beginning. Potential benefits of MAS have not been definitively proved. Comparative multicenter trials under the control of national and international pediatric oncologic societies are initiated today, although various obstacles exist to conduct such trials. Conclusion. The advantages of MAS versus open surgery remain laudable goals but disease free overall survival is more important outcome for children undergoing treatment for cancer. Application of MAS to children with cancer must be critically evaluated with a long follow up. Correspondance : Professeur JS VALLA, Hopital Lenval, 57, Av. de la Californie, Nice. Tel : Fax : E.mail : jean-stephane.valla@lenval.com Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

46 46 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Au cours des deux dernières décades, la chirurgie miniinvasive a fait la preuve de son efficacité dans le traitement de nombreuses affections chirurgicales de l enfant. En 1976, une des premières applications de la thoracoscopie chez l enfant incluait plusieurs cas de biopsies de tumeurs pulmonaires et médiastinales (1). Aujourd hui, en cancérologie adulte, la chirurgie mini-invasive est utilisée fréquemment pour des gestes à visée diagnostique mais aussi des résections à visée curative. Les tumeurs malignes de l enfant sont plus rares que celles de l adulte et surtout très différentes dans leur nature, de sorte que la transposition de l expérience adulte à l enfant ne peut être envisagée ; ceci explique que le rôle de la chirurgie mini-invasive dans la prise en charge des tumeurs pédiatriques n a été envisagé qu avec retard et prudence par quelques équipes (2-10). D autant que le chirurgien pédiatre est confronté en pratique à deux situations différentes : parfois le diagnostic de malignité est certain sur des critères cliniques, radiologiques et biologiques ; l approche chirurgicale est alors décidée en toute connaissance ; mais souvent le diagnostic n est pas certain : la tumeur est «potentiellement» maligne. La majorité des tumeurs de l enfant sont d origine embryonnaire tumeur germinale, néphroblastome, tumeur sympathique. Le caractère immature d une partie de leur contingent cellulaire n est pas forcément synonyme de malignité ; le potentiel agressif de la tumeur n est parfois connu qu après l étude anatomopathologique et génétique de toute la pièce opératoire, voire plus tard du fait d une évolution imprévisible. Chirurgie mini-invasive et philosophie de l oncologue pédiatre Deux obsessions apparemment contradictoires occupent en permanence l esprit de l oncologue pédiatre : augmenter le pourcentage de survie et améliorer la qualité de vie de cet enfant futur adulte - en réduisant les effets secondaires néfastes de la trilogie thérapeutique chimiothérapiechirurgie-radiothérapie. Ceci amène à se poser la question des avantages, des inconvénients et des limites de cette nouvelle approche chirurgicale. Avantages L ambition de la chirurgie mini-invasive est de minorer les nuisances propres à la chirurgie ouverte. Par rapport à la chirurgie «ouverte» classique, la chirurgie mini-invasive offre plusieurs avantages. Certains sont bien connus : moins de cicatrices, moins de douleur, moins d adhérences. D autres méritent d être soulignés dans ce contexte oncologique : l agrandissem*nt offert par l optique permet une meilleure exploration visuelle d où probablement un meilleur «staging visuel» lors de la biopsie ou de l exérèse ; de même, l exploration complète de toute la cavité thoracique ou abdominale par un orifice réduit peut présenter un avantage dans certaines situations ; la réduction du stress opératoire et postopératoire a été établie en particulier sur des critères biologiques (11) ainsi les fonctions immunitaires, dont on connait le rôle pour combattre les cellules malignes, sont rétablies plus rapidement ; la cicatrisation, elle aussi plus rapide, associée à un risque infectieux pariétal très réduit permet une reprise postopératoire plus rapide du traitement chimio et/ou radiothérapique, contribuant peut-être à un meilleur pronostic final. Cependant, ces avantages «spécifiques», s ils sont très probables, n ont pas été démontrés formellement à ce jour. Inconvénients De même, les limitations et les risques de cette nouvelle approche chirurgicale n ont pas encore été évalués avec certitude. Si l endoscope permet au chirurgien de mieux voir, il le prive, par contre, de la palpation manuelle des tissus, souvent décisive, en particulier dans l exérèse des métastases pulmonaires ; le risque hémorragique peropératoire est maintenant bien contrôlé par la mise au point d une instrumentation spécifique (bistouri à ultrasons, etc.) et il ne semble pas supérieur à celui de la chirurgie ouverte. L extraction de la lésion doit se faire sauf cas particulier en monobloc et nécessite un agrandissem*nt de l incision : plus la lésion est volumineuse, plus l incision sera grande, et on ne peut plus parler alors de chirurgie «mini-invasive» mais de chirurgie «vidéo-assistée». Enfin, deux éléments très spécifiques de la chirurgie miniinvasive, la manipulation de la tumeur et l insufflation gazeuse, violent-ils les principes classiques de la chirurgie oncologique? Le risque de rupture tumorale est-il augmenté lors de la manipulation d une masse par des instruments rigides de faible calibre? Si oui, dans quelle proportion cette rupture risque-t-elle d aggraver le pronostic, en particulier en cas de tumeur de Wilms et certaines tumeurs ovariennes? Le même problème se pose en chirurgie ouverte, mais il est plus difficile à résoudre en laparoscopie. Il faut s attacher aux détails techniques suivants : résister à la tentation d agripper la capsule tumorale avec une pince à griffe, utiliser un écarteur souple ou un tampon monté, changer l angle de l optique pour obtenir une vision plus «circonférentielle», rester doux et patient, ne pas hésiter à convertir même si l on est un laparoscopiste chevronné. Bien sûr tous les fragments tissulaires, biopsie, pièce monobloc, doivent être placés dans un sac solide avant extraction pour éviter une éventuelle contamination pariétale. La contre-incision pour l extraction de la pièce doit être suffisamment large pour éviter une rupture capsulaire à l intérieur du sac, rupture qui pourrait conduire à sur-traiter le patient en postopératoire. Quel est le risque de l insufflation gazeuse en pression positive sur la diffusion des cellules malignes dans l espace périopératoire, à distance par voie vasculaire, et au niveau des orifices de trocarts? Car, même si elles sont mimines en tailles, les voies d abord cœlioscopiques ou thoracoscopiques sont multipliées par rapport à une incision traditionnelle. Les études expérimentales sur ce sujet ne sont pas concordantes : chez l adulte (12), plusieurs études analysant le rôle de l insufflation avec différents gaz (Co2, Hélium, Xénon), le rôle de la manipulation mécanique, le rôle de l humidité, de la température de la cavité péritonéale n ont pas permis d expliquer clairement le mécanisme de récidive tumorale sur les orifices de trocarts ou ailleurs. Aussi, l efficacité des différentes méthodes préconisées pour prévenir la dissémination métastatique n a pas été formellement établie : fixation des trocarts, prévention des fuites gazeuses, rinçage des instruments et des orifices avec povidone-iodine, extraction de la pièce dans un sac étanche à travers une laparotomie de dimension adaptée, instillation intrapéritonéale d agents réputés tumoricides (13) ; chez l enfant, les études expérimentales sont peu nombreuses (14-18). Les séries cliniques d exérèse de tumeurs neurogéniques thoraciques (19-23) et abdominales (24-27) ne font pas cas de greffes métastatiques en relation avec la technique mini-invasive, ce qui est aussi l avis de Iwanaka (28). À notre connaissance, seuls deux cas de métastases sur un orifice de trocart ont été rapportés : un après résection de métastases pulmonaires de sarcome ostéogénique (29), un après traitement d un lymphone de Burkitt (30). Domaines d application de la chirurgie

47 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : mini-invasive La chirurgie mini-invasive peut être utilisée dans trois buts différents, du plus simple au plus complexe cet ordre correspond d ailleurs à l amélioration chronologique du matériel et des hommes Les interventions à visée diagnostique ont été les premières utilisées Diagnostic de malignité quand celle-ci ne peut être affirmée par l iconographie ou la biologie. La chirurgie mini-invasive trouve sa place entre : la biopsie à l aiguille, geste «aveugle» même sous contrôle écho ou scanographique, sans possibilité réelle d hémostase, ne prélevant que des fragments de petit volume, et la biopsie par chirurgie ouverte, efficace mais agressive. Par une incision réduite, l exploration visuelle étendue de bonne qualité permet un prélèvement «orienté» de bon volume suivi du geste hémostatique. L utilité pour un diagnostic de résécabilité est plus discutable. Dans les très rares cas où un doute persiste après les explorations radiologiques, l inspection endoscopique permettra d éviter une laparotomie inutile si la tumeur est jugée inextirpable. De même, il est rare qu un diagnostic d extension par exemple, de part et d autre du diaphragme en cas de lymphome (31) ou extension rétropéritonéale pour certaines tumeurs gonadiques nécessite le recours à une exploration par approche mini-invasive. Par contre, l évaluation anatomopathologique d une image évoquant un résidu tumoral, une récidive locale ou une métastase après chimioradiothérapie est une indication assez fréquente et tout à fait justifiée de ce type de chirurgie. Ainsi, le prélèvement de nodules pulmonaires par thoracoscopie permet de savoir s il s agit de métastases encore florides ou de nodules de fibrose cicatricielle, ceci au prix d une intervention peu douloureuse avec hospitalisation brève. Les interventions «d appoint» Elles représentent aussi une excellente indication de la chirurgie mini-invasive dans la prise en charge du patient pédiatrique oncologique : réalisation d une gastrostomie d alimentation, transposition ovarienne prophylactique avant radiothérapie pelvienne ou prélèvement de fragment ovarien pour cryoconservation, mise en place d un cathéter intrapéritonéal, exérèse de lésion fungiques pulmonaires ou infectieuses avant greffe de moelle (32), etc. Les interventions à visée curative Elles représentent l essentiel de la discussion actuelle. Notre expérience repose sur une série de 85 cas d exérèse à visée curative pour des tumeurs potentiellement malignes qui sont résumées dans le tableau 1. L âge des patients est de 1 jour à 17 ans. L examen anatomopathologique a noté un caractère malin certain dans 16 cas (19 %) seulement ; les autres tumeurs étaient bénignes (40 cas, soit 47 %) ou immatures ou «intermédiaires» (20 cas, soit 34 %), par exemple cystadénome papillaire du pancréas ou tumeur de Frantz, ganglioneuroblastome, tératome immature. Le taux de conversion est similaire que la lésion soit classée bénigne (4/40) ou maligne (2/16). Ce taux dépend surtout du volume de la tumeur par rapport à la taille de l enfant et de l expérience du chirurgien. LOCALISATION MALIGNE INTERMEDIAIRE BENIGNE 19 THORACIQUES Neurogénique (12) Métastase (3) 3 Tératome (2) 2 Thymome (1) 1 Lipome (1) 1 66 ABDOMINO PELVIENNES Ovariennes (36) Neurogénique (14) Pancréatique (6) 4 2 Hépatique (4) 4 Tératome SC (3) 2 1 Rénale (1) 1 Diverse (2) 2 TOTAL (19 %) 29 (34 %) 40 (47 %) Tableau 1 Chirurgie mini-invasive et exérèse de tumeurs potentiellement malignes de l enfant. Expérience de l hôpital Lenval 85 cas de 1994 à Avec un recul moyen de 4 ans (de 1 à 16 ans), nous n avons pas enregistré de complications «oncologiques» pouvant être attribuées à la technique mini-invasive, en particulier pas de récidive locale ou sur orifice de trocart. Étant donné la grande diversité de ces exérèses curatives, il n est pas possible de les analyser ici en détails. Cependant, on peut déduire quelques considérations générales en fonction de la localisation et du type de tumeur. Les lésions ovariennes Elles représentent une des indications fréquentes dans notre pratique et dans la littérature (33-35). Devant une lésion ovarienne solide ou hétérogène de l enfant, le risque de tumeur maligne est d environ 10 %. Si un taux sanguin élevé de marqueurs biologiques présente une haute valeur prédictive, un taux normal ne permet pas d exclure une lésion maligne. Quels sont alors les critères permettant d apprécier ce risque en préopératoire dans le but de prévoir une chirurgie plus conservatrice visant à préserver au mieux la fertilité ultérieure? Les meilleurs facteurs prédictifs semblent être la présence de douleurs, d une puberté précoce et, en échographie, d une masse hétérogène mesurant plus de 8 cm de diamètre (36). Dans le doute, l intervention peut débuter par une laparoscopie sous réserve de respecter les consignes éditées par le Children s Oncologic Group (37) : les caractéristiques macroscopiques d une lésion bénigne sont les suivantes : lésion d allure kystique, bien encapsulée, de moins de 8 cm de diamètre, présentant une surface lisse, régulière sans adhérences avec les organes voisins. Une telle lésion autorise une énucléation en essayant de préserver le parenchyme ovarien sain ; les caractéristiques macroscopiques d une lésion maligne sont les suivantes : lésion solide présentant une surface irrégulière, parfois d allure kystique mais avec des parois épaisses, adhérente aux organes voisins, accompagnée d une ascite, voire de nodules péritonéaux. La réalisation d une biopsie pour examen extemporané, outre le fait qu elle peut accroître le risque de dissémination, n est pas fiable surtout en cas de lésion volumineuse (38). Elle n est justifiée que si la tumeur est jugée inextirpable de façon à orienter au mieux la chimiothérapie. Si la tumeur est jugée extirpable, la salpingo-ovariectomie est classiquement réalisée par chirurgie ouverte. Cependant, ce geste est réalisable aussi par laparoscopie : le risque de rupture peropératoire existe. L étude multicentrique de Cushing (39) montre que la rupture capsulaire n a pas d impact négatif sur la survie des patients présentant un tératome immature, avec

48 48 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : ou sans foyer microscopique de tumeur vitelline, et traité par chirurgie seule. L adage classique, postulant qu une rupture capsulaire peropératoire entraine une aggravation du stade tumoral, semble discutable en cas de tumeur germinale maligne de l ovaire, d autant que les agents chimiothérapiques sont de plus en plus efficaces. Les ganglioneuroblastomes Les ganglioneuroblastomes à localisation thoracique (19-23) représentent une excellente indication d exérèse thoracoscopique. Ces lésions sont en général localisées, assez bien différenciées sur le plan histologique, bien délimitées, faciles à séparer des gros vaisseaux, fermes, bien manipulables. Une rupture capsulaire n a a priori pas de conséquences délétères. Pour les localisations apicales ou diaphragmatiques, la thoracoscopie offre un avantage certain d exposition par rapport aux thoracotomies classiques. Les ganglioneuroblastomes à localisation rétropéritonéale peuvent bénéficier d une exérèse par laparoscopie ou rétropéritonéoscopie en fonction d une sélection reposant sur des critères propres à la tumeur (volume, extension, etc.), mais aussi sur des critères propres à l équipe chirurgicale (27). Il s agit d une chirurgie «profonde» avec dissection des axes vasculaires nécessitant une équipe de laparoscopistes entrainés. Les premières séries publiées faisaient état de lésions surrénaliennes de taille réduite, souvent diagnostiquées en anténatal ou de façon fortuite (40-42) ; les séries plus récentes (24-27, 43) rapportent des cas de tumeurs volumineuses, mais d aspect bien limité lors de l exploration radiologique préopératoire. La morcellation tumorale est permise avant extraction ; les résultats avec un recul appréciable sont favorables. Les tumeurs rénales Dans le cadre de la tumeur de Wilm s ou néphroblastome, l exérèse par laparoscopie est à ses débuts. Le nombre de cas rapporté dans la littérature ne dépasse pas la trentaine (44-46), les enfants ayant été opérés le plus souvent après chimiothérapie mais parfois d emblée sans couverture chimiothérapique (46). Ici plus qu ailleurs, la sélection des cas susceptibles de bénéficier de la chirurgie mini-invasive est importante : tumeur unique, unilatérale, ne dépassant pas la ligne médiane. Le risque de rupture capsulaire peropératoire est considéré comme un point crucial de l exérèse chirurgicale, et l extraction nécessite une incision appropriée. La morcellation est exclue. Le recul manque aujourd- hui pour tirer même une conclusion préliminaire, en dehors du fait que cette chirurgie est réalisable dans des mains expérimentées sans majoration du risque opératoire (47). Dans le cadre des autres tumeurs rénales non Wilms, certains types à malignité réduite, telle la tumeur de Bolande, le cystadénome rénal, pourraient bénéficier d une approche mini-invasive avec même préservation du parenchyme rénal sain (1 cas dans notre série). Les tératomes sacrococcygiens Ils peuvent bénéficier d une approche laparoscopique par voie haute dans plusieurs situations : soit pour lier l artère sacrée moyenne (48) comme premier temps opératoire, dans le but de limiter les pertes sanguines lors de l exérèse d une volumineuse tumeur exteriorisée, hypervascularisée ; soit pour réaliser, sous contrôle visuel, la dissection du pôle supérieur d une tumeur à prolongement abdominal (49-50) ; soit, dans les cas rares de tumeurs à développement uniquement abdominal, de réaliser la résection complète (51). Quoiqu il en soit, l excellente vision offerte par l optique dans cet espace anatomique pelvien étroit permet de préserver au mieux les structures sphinctériennes et nerveuses, gage d un bon résultat fonctionnel ultérieur. Les métastases pulmonaires La résection des métastases pulmonaires à visée curative par thoracoscopie demeure une question non résolue (52), essentiellement pour les lésions profondes difficilement repérables en l absence de palpation manuelle. Les techniques de marquage sous contrôle scannographique par bleu de Méthylène, agrafes ou autre moyen ne sont pas parfaitement fiables, de même que l utilisation de sondes échographiques en peropératoire (53). La possibilité de résection dépend de la nature primitive de la tumeur, du nombre et de la localisation des métastases. En présence de métastase unique ou peu nombreuses de néphroblastome ou d hépatoblastome, la thoracoscopie semble justifiée en première intension, quitte à convertir en cas de difficulté. En présence de métastases petites, multiples d ostéosarcome, la thoracoscopie est contreindiquée, car les études de survie ont démontré que la résection de toutes les lésions palpables améliorait le pronostic. L aide de la palpation manuelle est impérative. Les autres tumeurs rares La polypose rectocolique familiale représente un état précancereux pouvant justifier une coloprotectomie en période pubertaire. La laparoscopie trouve ici une de ses meilleures indications (54-56). Les tumeurs hépatiques malignes de l enfant sont représentées avant tout par l hépatoblastome. À notre connaissance, aucune tentative d exérèse laparoscopique n a été réalisée. Par contre, en cas de tumeur réputée a priori bénigne hyperplasie nodulaire focale, hamartome, etc. - l exérèse par chirurgie mini-invasive est réalisable, qu il s agisse d une hépatectomie réglée ou d une résection atypique (57). Cette chirurgie a grandement bénéficié de la mise au point d appareils de coagulation et section ; reste le problème de l embolie gazeuse redoutée lors de la ligature des veines sus-hépatiques. Cet accident, qui peut être prévenu en utilisant une pression d insufflation basse, n a jamais été rapporté chez l enfant. Les tumeurs malignes du pancréas pancréatoblastomes, carcinomes sont exceptionnelles et n ont pas fait l objet d approche laparoscopique. Par contre, plusieurs cas d insulinome et de cystadénome pseudopapillaire (tumeur de Frantz) ont été réséqués par laparoscopie (58-59). L expérience parisienne avec trois cas de récidives (60) sur trois cas opérés est en opposition avec notre expérience personnelle de quatre cas opérés sans récidive, avec un recul moyen de 10 ans. Cette tumeur à «malignité locale» survient préférentiellement chez des jeunes adolescentes dont l image corporelle est une préoccupation majeure. Les revues de séries importantes ont démontré un pronostic de survie supérieure à 95 %, même en cas de récidive ou métastase (61-62), sous réserve que la résection initiale ait été complète (63). Cette résection a pu être facilitée par une chimiothérapie préopératoire de réduction (64). Bien sûr, l exérèse des lésions corporéocaudales devra respecter la rate ; pour les lésions de la tête, la préservation du duodénum est possible (65) comme dans un cas personnel. Enfin, quelques cas de tumeurs cervicales (thyroïdeparathyroïde) ou cervicomédiastinales (thymus) ont pu bénéficier d une approche par cervicoscopie et/ou thoracoscopie (66). Conclusion La chirurgie reste une étape indispensable dans le traitement de la majorité des tumeurs solides de l enfant. Les complications propres à la chirurgie tumorale (67) resteront les mêmes, quelle que soit la voie d abord ; par contre, l approche mini-invasive réduit les complications liées à l ouverture large

49 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : de la cavité abdominale ou thoracique, ce qui représente un progrès notable pour ces enfants parfois immunodéprimés, fragiles. Reste à prouver de façon formelle que les résultats notamment à long terme seront identiques, sinon meilleurs, que ceux obtenus par la chirurgie classique. L établissem*nt de cette preuve sera long et difficile, car les cas sont rares, les biais nombreux en particuliers la sélection des «bons» cas pour la chirurgie mini-invasive alors que la chirurgie classique doit prendre en charge tous les cas, même les plus graves. Cette nouvelle chirurgie ne peut donc s envisager que dans des centres de références incluant leurs patients dans des études multicentriques coordonnées par les grandes sociétés internationales d oncologie pédiatrique ; ce n est qu à ce prix que l on pourra acquérir des certitudes. Sur un plan éthique (68), il faut garder en mémoire que la préoccupation première des patients et de leurs parents est de prolonger la vie, sans pour autant négliger la qualité de vie après l intervention. Dans ces conditions, peut-on sans inquiétude proposer une nouvelle technique dont les résultats ne sont pas encore parfaitement connus? Ceci est le propre de tous les essais thérapeutiques qui sont particulièrement nombreux en oncologie pédiatrique mais qui seuls permettent une amélioration thérapeutique : c est le devoir du chirurgien de donner une information la plus complète possible et d obtenir comme pour les essais de chimiothérapie un consentement éclairé de l enfant (si possible) et de ses parents. Références 1. Rodgers BM, Talbert JL. Thoracoscopy for diagnosis of intrathoracic lesions in children. J Ped Surg 1976 ; 11 ; Holcomb GW 3rd, Tomita SS, Haase GM, Dillon PW, Newman KD, Applebaum H, Wiener ES. Minimally invasive surgery in children with cancer. 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50 50 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : adrenalectomy in children. J Pediatr Surg 2004 ; 39 : Shah SR, Purcell PG, Malek MM, et al. Laparoscopic right adrenalectomy for large ganglioneuroma in a 12 years old. J Laparoendosc Adv Surg Tech 2010 ; 20 : Varlet F, Stephan JL, Guye E, et al. Laparoscopic radical nephrectomy for unilateral renal cancer in children. Surg Laparo Endosc Percutan Tech 2009 ; 19 : Duarte RJ, Denes FT, Cristofani LM, Srougi M. Laparoscopic nephrectomy for Wilm s tumor. Expert Rev Anticancer Ther 2009 ; 9 : Barbier TD, Wickiser JE, Wilcox DT, Baker LA. Prechemotherapy laparoscopic nephrectomy for Wilm s tumor J Pediatr Urol 2009 ; 5 : Roses J. Commentary to prechemotherapy laparocopic nephrectomy for Wilm s tumor. J Pediatr Urol 2009 ; 5 : Bax NM, Van Der Zee DC. Laparoscopic clipping of the median sacral artery in huge sacrococcygeal teratomas. Surg Endosc 1998 ; 12 : Bax NM, Van Der Zee DC. The laparoscopic approach to sacrococcygeal teratomas. Surg Endos 2004 ; 18 : Lee KH, Tam YH, Chan KW, et al. Laparoscopic assisted excision of sacrococcygeal teratoma in children. J Laparo-endosc Adv Surg Tech A ; 18 : Chen Y, Yu H, Li Y, et al. Laparoscopic resection of presacral teratomas. J Minim Invasive Gynecol 2008 ; 15 : Lobe TE. The role of thoracoscopy for the resection of pulmonary metastasis. In : endoscopic surgery in infants and children. Ed : Bax, Gerogeson, Rothenberg, Valla, Yeung. Springer 2008 ; Gow KW, Saad DF, Kountz C, et al. Minimally invasive thoracoscopic ultrasound for localization of pulmonary nodules in children. J Ped Surg 2008 : 43 ; Proctor ML, Langer JC, Gersile JT, et al. Is laparoscopic subtotal colectomy better tja, open subtotal colectomy in children? J Pediatr Surg 2002 ; 37 : Tan YW, Jaffray B. A comparison of open and laparoscopic restorative proctocolectomy in children. Ped Surg Int 2009 ; 25 : Da Luz Moreira A, Churc JM, Burke CA. The evolution of prophylactic colorectal surgery for familial adenomatous polypsis. Dis Colon Rectum 2009 ; 52 : Podevin G, Leclair MD, Grapin C, et al. Laparoscopic liver surgery. In : Endoscopic surgery in infants and children. Ed : Bax, Gerogeson, Rothenberg, Valla, Yeung. Springer 2008 : Rothenberg SS. Laparoscopic approaches to the pancreas. In Endoscopic surgery in infants and children. Ed : Bax, Gerogeson, Rothenberg, Valla, Yeung. Springer 2008 : Carricaburn E, Enezian G, Bonnard A, et al. Laparoscopic distal pancreatectomy for FRANTZ s tumor in a child. Surg Endosc 2003 ; 17 : Fais PO, Carribabudu E, Sarnacki S, et al. Is laparoscopic management suitable for solid pseudopapillary tumors of the pancreas? Ped Surg Int 2009 ; 25 : Dall Inga P, Cecchetto G, Bisogno G, et al. Pancreatic tumors in children and adolescents : the italian TREP project experience. Pediat Blood Cancer 2010 ; 54 : Yu PF, Hu SH, Wang ZB, et al. Solid pseudo papillary tumor of the pancreas : a review of 553 cases in chinese litterature. World J. Gastroenterol 2010 ; 14 : Campanile M, Nicolas A, Lebel S, et al. Frantz s tumor : is mutilating surgery always justified in young patients? Surg Oncol 2010 ; janv-25. Epub 64. Kanter J, Wilson DB, Strasberg S. Downsizing to respectability of a large solid and cystic papillary tumor of the pancreas by single agent chemotherapy. J Pediatr Surg 2009 ; 44 : Snajdauf J, Rygl M, Petru O, et al. Duodenum sparing technique of head resection in solid pseudopapillary tumor of the pancreas in children. Eur J pediatr Surg 2009 ; 19 : Reinberg O. Cervicoscopy, a minimally invasive approach fort he thyroid, parathyroid and thymus in children. In : endoscopic surgery in infants and children. Ed : Bax, Gerogeson, Rothenberg, Valla, Yeung. Springer 2008 : Gunther P, Troger J, Holland-Cuns S, et al. Surgical complications in abdominal tumor surgery in children. Experiences at a single oncological center. Eur J Pediatr Surg 2004 ; 39 : Hubinois P. Ethical and epistemologic aspects of laparoscopy in surgery and carcinologic surgery. Bulletin du cancer 2007 ; 94 :

51 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Imagerie de reconstruction et d analyse au bloc opératoire : quelles perspectives? La chirurgie assistée par ordinateur, du virtuel au réel Computer assisted surgery, from virtual to reality A Lucas [1, 2, 3], P Haigron [2, 3], A Kaladji [1], C Göksu [4], O Acosta [2, 3], L Senahdji [2, 3], JP Verhoye [1] 1. Département de Chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Rennes Pontchaillou, F-35033, France 2. LTSI, Université de Rennes 1, F-35042, France 3. INSERM U642, Rennes F-35000, France 4. Therenva, CIC-IT CHU Rennes Pontchaillou, F-35033, France Mots clés Chirurgie assistée par ordinateur Imagerie de navigation Navigation endovasculaire Résumé La chirurgie assistée par ordinateur s appuie sur différentes technologies et sources d informations. Le challenge de ces dix dernières années est l utilisation de ces moyens sur des tissus déformables comme le sont les vaisseaux lorsqu ils sont soumis à l introduction d outils flexibles et relativement rigides (guide rigide Lunderquist, endoprothèse aortique ). La pratique de la chirurgie endovasculaire assistée par ordinateur est envisagée au travers de trois étapes : le sizing, le planning, l assistance peropératoire. Nos travaux montrent qu une approche basée sur une exploitation optimisée des données d imagerie disponibles aux différentes phases d observation (pré-, peropératoire), qui n implique que des moyens matériels (informatiques) légers, relativement transparents pour l utilisateur, permet de restituer au moment voulu l information utile, i.e. nécessaire et suffisante, dans un objectif d aide à la décision et de sécurisation des procédures endovasculaires. Keywords Surgery, computerassisted Image-guided therapy Endovascular navigation Abstract Computer-assisted surgery relies on various technologies and information sources. Last 10 years challenge is the use of these on deformable tissue as vessels when flexible tools and relatively stiff are introduced in. Computer assisted endovascular surgery is considered through three steps: sizing, planning, per-operating assistance. Our works demonstrates that an approach based on an optimized exploitation of imaging data available on observation various phases (pre-, per-operating), which involves only light material means, relatively transparent for the user, allows to restore at the moment wanted the useful information, i.e. necessary and sufficient, to decision-making support and endovascular procedures security. La chirurgie assistée par ordinateur (fig. 1) constitue une discipline qui s appuie sur différentes technologies et sources d informations (1, 2) : l imagerie médicale qu elle soit pré- ou peropératoire (scanner, IRM, échographie, images de cœlioscopie) (3) ; les micro-technologies qui concernent à la fois les dispositifs d action (micro-instruments) et d observation (microcapteurs) (4) ; la réalité virtuelle (5) et la réalité augmentée (6) qui se réfèrent notamment à la simulation interactive et à la possibilité d enrichir la réalité, perçue par l utilisateur, par des données ou modèles pré-calculés ; la robotique médicale (7) utilisée en mode maître-esclave et qui s ouvre à de nouveaux champs d applications, avec notamment les systèmes de cathétérisme robotisé (8). Les premières utilisations des outils de chirurgie assistée par ordinateur se sont développées en orthopédie, en neurochirurgie. Il s agit d applications utilisant des outils rigides en présence de tissus rigides ou supposés comme tel dans un Figure 1 Computer Aided Surgery (CAS). Correspondance : Antoine Lucas, département de Chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Rennes Pontchaillou, F-35033, France. antoine.lucas@chu-rennes.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

52 52 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 2 Outil intuitif de sizing EndoSize. premier temps (organe encapsulé dans des structures osseuses). Le challenge de ces dix dernières années est l utilisation de ces moyens sur des tissus déformables comme le sont les vaisseaux lorsqu ils sont soumis à l introduction d outils flexibles et relativement rigides (guide rigide Lunderquist, endoprothèse aortique ). On associe volontiers les progrès en imagerie médicale à des investissem*nts lourds, fruits de la recherche technologique. Nous présentons ici trois applications utilisées en routine clinique qui sont essentiellement le fait de la recherche en traitement du signal et de l image et d un savoir-faire algorithmique, relativement indépendant d investissem*nt matériel lourd (scanner, IRM interventionnelle, robotique sophistiquée). La pratique de la chirurgie endovasculaire assistée par ordinateur est envisagée au travers de trois étapes : le sizing, le planning, l assistance peropératoire. Sizing Le sizing pré-opératoire, qu il s agisse d endoprothèse aortique ou de lésion sténosante, en particulier sur des situations délicates (troncs supra-aortiques) nécessite une description lésionnelle parfaite et des mesures qui conduiront au choix du dispositif le plus adapté. En pratique, le chirurgien est confronté à l utilisation de viewers qui ne sont généralement pas adaptés à ce type de travail. Il fait appel soit à un radiologue, soit à une console de radiologie light nécessitant un investissem*nt financier conséquent. Il peut aussi faire appel à des dispositifs gratuits et non spécifiques qui ont tous pour caractéristiques d être l équivalent de console de radiologie polyvalente et allégée. Parfois le chirurgien vasculaire délèguera le sizing à des spécialistes produit, du laboratoire fournisseur du dispositif. L équipe INSERM U642 (et le CHU de Rennes) avait pour objectif de développer un outil adapté au chirurgien pour qu il réalise lui-même son sizing, utilisable sur un PC portable de base, en automatisant les outils de seuillage, de détection des lignes centrales et de sizing. Ce logiciel devait être peu chronophage et permettre de faire un sizing en sept clicks (9). Il s agit d un outil de décision orienté vers une action (poser une endoprothèse thoracique ou abdominale, une endovalve ou un stenting sur une artère sténosée). Le logiciel développé par la Société THERENVA (fig. 2) édite des alarmes en termes de faisabilité (diamètre des artères iliaques, sinuosité, obliquité du collet). Le tout permet une commande optimisée du matériel disponible si on le raccorde au catalogue des constructeurs, le tout à un prix raisonnable compatible avec les budgets de fonctionnement de la plupart des blocs opératoires. Cet outil fut validé dans une analyse de 32 patients, comparée aux mesures réalisées par un radiologue endovasculaire sur les stations de General Electric Advanced Vessel Analysis Figure 3 Planification : choix des incidences et préparation du cathétérisme.

53 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 4 Dispositif de réalité augmentée EndoNaut. pour lequel cette étude n objectivait aucune différence significative entre le sizing fait par le radiologue et le sizing fait par un chirurgien sur EndoSize avec un temps moyen d utilisation de quinze minutes (10 min. à 40 min.). Planning Le planning est lui aussi entièrement informatisé (fig. 3) et s oriente vers trois fonctions essentielles. Le choix en pré-opératoire des futures incidences de travail, de façon à limiter les injections de contraste et l irradiation en fluoroscopie peropératoire (10). Cette fonction peut éventuellement être complétée du pilotage d un arceau motorisé en fonction des partenariats ouverts avec les fournisseurs d imagerie de bloc opératoire. La préparation de la navigation endovasculaire au sein de lésions à accès complexe, en particulier au niveau de la carotide et des troncs supra-aortiques. Cette planification peut être réalisée visuellement par angioscopie virtuelle (11), i.e. navigation exploratoire virtuelle au sein de l imagerie préopératoire, ou/et s appuyer sur la considération explicite du matériel endovasculaire en interaction avec les tissus (12, 13). Cela suppose alors une modélisation du comportement mécanique du matériel utilisé et l acquisition pré-opératoire d un angioscanner complet de la crosse aortique et des troncs supra-aortiques, et de tester sur ordinateur le matériel et anticiper sur ces comportements (longueur, torque, fouet). Le développement industriel de cette application est limité premièrement par l obtention des paramètres mécaniques des guides et cathéters existants sur le marché (secret industriel légitimement conservé par les fournisseurs) et par le travail considérable que représente l établissem*nt de ces bases de données matérielles pour un nombre d utilisateurs assez restreint. L apprentissage pour lequel l application décrite précédemment s avérerait être un excellent outil. En effet, si les chirurgiens connaissent bien les simulateurs de cathétérisme, ceux-ci ne permettent pas, en général, de tester simplement et rapidement les outils endovasculaires sur des données de patients qu ils ont à traiter. L intégration de simulation de cathétérisme chez un patient prévu, ayant bénéficié d un scanner pré-opératoire, permettrait non seulement de choisir son matériel de façon optimale mais aussi de tester et de s entraîner rapidement au maniement de nouveaux outils, disponibles de plus en plus fréquemment sur le marché. Assistance peropératoire Il est paradoxal de constater qu en pré-opératoire on dispose d informations très précises issues du scanner avec la visualisation de la totalité des lésions, anévrysme ou sténose, la présence de thrombus, de calcification, la possibilité de faire des mesures et qu en per-opératoire, quelque soit la sophistication de l ampli de brillance, on dispose d une image soustraite avec une perte singulière de l information pariétale. Cette image 2D peropératoire, en l absence de rotationnel, expose le chirurgien à des erreurs (dont la plus fréquente est l erreur de parallaxe), à une mauvaise interprétation des sinuosités, à une recherche de la meilleure incidence au prix d injections itératives de contraste et d une irradiation supplémentaire. L imagerie peropératoire se révèle donc assez peu informative par rapport à l imagerie pré ou postopératoire. Un certain nombre de complications, fuites, malpositions, couvertures d artères rénales ou iliaques internes, sont la résultante soit d une erreur de sizing, soit d une non-anticipation des déformations, soit de malpositions peropératoires. Le système d assistance (14, 15), développé par l équipe d IN- SERM et la société THERENVA, a fait l objet d une expérimentation au CHU de Rennes et a obtenu le premier prix de l AGBM 2008 du concours des Technologies Médicales Innovantes. Il s agit d une console d assistance (fig. 4) qui permet aux chirurgiens vasculaires, moyennant une procédure de recalage automatisé, de poursuivre son intervention, non seulement comme il en a l habitude sur des écrans de fluoroscopie, mais aussi de voir la progression de son dispositif dans le volume 3D, issu du scanner pré-opératoire. Ce recalage et cette implantation d images répond bien à la définition de réalité augmentée. Elle se déroule en temps réel et permet aux chirurgiens de disposer d un véritable tableau de bord sur lequel il peut voir : la progression fluoroscopique, la progression sur une grande reconstruction 3D de l anévrysme ou du tronc supra-aortique et les coupes de scanner correspondant au positionnement de son device. Les informations relatives à la paroi sont alors visibles : thrombus, calcification. Cet outil permet donc la localisation à partir d une seule incidence d acquisition, il est complété par un système d alarme s appuyant sur le sizing pré-opératoire et alertant l opérateur en cas de non respect du planning pré-opératoire. L évaluation clinique actuellement conduite sur dix endoprothèses aortiques et quatre angioplasties carotidiennes a permis de constater une optimisation et une sécurisation du positionnement des devices, endoprothèse ou stent, une diminution de l utili-

54 54 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : sation de la scopie à la recherche des différentes incidences et une diminution de la quantité de produit de contraste injecté. Le problème technique restant correspond aux déformations. L introduction d un guide de Lunderquist ou d une endoprothèse aortique conduit naturellement à une rigidification de l artère, en particulier au niveau des artères iliaques. Les modifications de flexion-extension du cou, au cours de l angioplastie carotidienne, peuvent aussi conduire à des différences de tortuosités au niveau de la carotide commune ou interne. Le planning pré-opératoire, établi à partir du scanner pré-opératoire, se trouve donc pris en défaut. Pour ce faire, le système recalcule donc, à partir des informations données sur la fluoroscopie, une nouvelle base de données scanner intégrant ces modifications. Conclusion La chirurgie vasculaire assistée par ordinateur constitue une pratique en émergence. Nos travaux montrent qu une approche basée sur une exploitation optimisée des données d imagerie disponibles aux différentes phases d observation (pré-, per-opératoire), qui n implique que des moyens matériels (informatiques) légers, relativement transparents pour l utilisateur, permet de restituer au moment voulu l information utile, i.e. nécessaire et suffisante, dans un objectif d aide à la décision. Ces solutions logicielles intégrables dans un bloc opératoire standard, le sont tout autant dans une salle hybrides de haute technologie, telle que la plateforme TherA-Image (Plateau technique de thérapie et chirurgie mini-invasive guidée par l image) en cours de déploiement au CHU de Rennes. Les perspectives de nos travaux concernent la poursuite de l étude anticipée des déformations sous l action d un outil relativement rigide, tel qu une endoprothèse aortique ou un cathéter porteur. Cette étude fait l objet d un projet ANR TECSAN09 dénommé ANGIOVISION (partenaires : LTSI-INSERM U642, CIC-IT RENNES, HENRI MONDOR Pr BECQUEMIN, LAM- COS-CNRS U5259, ANSYS, THERENVA). À terme, l adjonction d informations provenant d échographies 2D ou 3D peropératoires, de localisateur magnétique intracorporel ou encore d IRM interventionnelle, mises en correspondance avec un sizing et un planning pré-opératoire bien construit, intégrant les futures déformations, devrait nous permettre d atteindre le but que nous poursuivons, à savoir une chirurgie endovasculaire réduisant le recours aux rayons X, avec pour dispositif au centre de cette fusion de données, une station d angionavigation déjà disponible. Références 1. Lavallée S, Cinquin P, Troccaz J. Computer integrated surgery and therapy: state of the art. In: Contemporary perspectives in threedimensional biomedical imaging. Editor: Roux C, Coatrieux JL. Amsterdam : IOS Press ; Chapter 10 : Galloway R.L. 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55 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : De la chirurgie en impesanteur vers la chirurgie spatiale From weightlessness surgery to spatial surgery V Pinsolle, D Martin, L de Conninck, G Delia Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, chirurgie de la main, CHU de Bordeaux Mots clés Chirurgie Apesanteur Microchirurgie Téléchirurgie Impesanteur Résumé En septembre 2003, nous réussissions la suture d une artère de 0,5 mm par sept points de fil 10x0. Le but de cette première étude était d évaluer la faisabilité d une intervention microchirurgicale, donc très minutieuse, en impesanteur au cours de vols paraboliques. Entre 2003 et 2006, nous avons construit une unité chirurgicale adaptée à l apesanteur avec dispositif de filtration d air spécifique et défini tous les protocoles chirurgicaux et d anesthésie-réanimation pour pouvoir opérer un être humain. Le 27 septembre 2006, nous pratiquions l ablation d un lipome sur l avant-bras d un homme de 47 ans. A partir de ces travaux l objectif était de développer un projet beaucoup plus vaste de développement de la télé chirurgie satellitaire. Keywords Surgery Microgravity Microsurgery Weightlessness Abstract Animal surgery in weightlessness conditions was already tested by Russians and Americans. To complete these researches we wanted to reach the limit of human skill in these extreme conditions and to operate a human under total safety. We used a 0G plane for our experiment between 2003 and 2006 with two goals: the conception of a microsurgical module to test complex microsurgical procedures in rats and secondly, the construction of a surgical workstation with specific air filtration device and define surgical and anaesthetic protocols to carry on surgery in man. In September 2003, we performed the microscopic report of a 0,5 mm artery (which is the smallest we can suture in normal conditions) by using seven stitches of 10 0 monofilament suture. The 27th of September 2006, we removed a lipoma from the forearm of a 47-year-old man. These experiments take place in a wide program of development of telesurgery controlled through satellite transmission. Ces travaux débutés en 2003 ont été conduits par le Pr Dominique Martin pour aboutir, le 27 septembre 2006, à la première intervention chirurgicale chez l homme dans des conditions spatiales. Même si la crise économique mondiale récente a mis un frein provisoire à la conquête spatiale, le développement de la station spatiale internationale, les projets de retour sur la Lune et surtout la conquête de Mars se réaliseront à terme. Aucune urgence chirurgicale n est actuellement survenue dans un contexte spatial. Cependant, il est évident que ce risque existe, que ce soit une urgence absolue comme un hématome extradural ou une urgence relative comme une péritonite, y compris appendiculaire puisque les astronautes ne font pas l objet d une appendicectomie avant de partir en orbite (le risque d occlusion sur bride après appendicectomie est aussi important que celui de l appendicite elle-même). Dans les années 1960, les Russes ont effectué les premiers travaux en impesanteur (1), mais il faut attendre les années 1980 pour que se développent des expérimentations plus poussées (2-8). Par ailleurs, la proprioception étant perturbée en apesanteur (9-20), il a été nécessaire de redéfinir tous les éléments encadrant la gestion des actes chirurgicaux. Le Dr François Gourinat avait expérimenté des gestes simples, notamment de microchirurgie ophtalmologique sur des yeux de lapin décongelés fixés dans un coquetier lors de chutes libres dans un avion biplace (21). Notre étude menée depuis 2003 s est focalisée sur trois points non ou mal définis par les précédentes : l analyse des limites de la gestuelle chirurgicale induites par les modifications de la proprioception ; l analyse par comptage de particules d un dispositif de filtration d air adapté participant à l asepsie d une unité opératoire spatiale ; la mise au point d un matériel spécifique à la réalisation de la première intervention chirurgicale chez l homme dans les conditions d apesanteur. Matériel et méthode Pour reproduire les conditions d apesanteur, nous avons utilisé l Airbus A300 de la société Novespace ( réalisant des vols paraboliques dans le cadre de campagnes du Centre national d étude spatiale français et de l Agence spa- Correspondance : Vincent Pinsolle, service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, chirurgie de la main, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, Bordeaux cedex, France vincent.pinsolle@chu-bordeaux.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

56 56 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : tiale européenne. Les vols paraboliques permettent, pendant des périodes de 22 secondes, de reproduire une microgravité comparable à celle existant dans la station spatiale internationale. La succession d une moyenne de 32 paraboles au cours d un vol permet de disposer d un cumul de temps d environ 11 minutes d apesanteur ; chaque acte opératoire testé devra donc se faire de façon fragmentée. Pour analyser les limites techniques de la gestuelle chirurgicale, Dominique Martin a réalisé sous microscope des gestes chirurgicaux jugés extrêmement délicats, voire complexes, dans les conditions terrestres. Ces expériences microchirurgicales ainsi que la présentation de l unité opératoire que nous avons construite en vue de l expérimentation chez l homme sont décrites dans la vidéo 1. Résultats La gestuelle chirurgicale ne nous est pas apparue beaucoup plus difficile que dans les conditions terrestres. La suture réussie de l artère de queue de rat, considérée comme l acte le plus délicat à réaliser sur le plan chirurgical, nous a permis de montrer qu il n y avait en fait pas de limite physique à réaliser un protocole technique complexe. Même si la proprioception est légèrement perturbée, la stabilisation de l opérateur sur un point fixe permet de pallier tous les effets de la gravité. La réalisation de nos gestes dans des délais 20 % supérieurs à la normale est en fait due non pas à des perturbations neuromusculaires, mais à la nécessaire fragmentation de l intervention à cause des paraboles qui empêche un enchainement des gestes. Les tests de comptage particulaire et d aéro-biocontamination ont permis de classer notre structure en Iso 6 Iso 7, ce qui correspond à un bloc conventionnel à flux turbulent nous permettant d obtenir un agrément de l Afssaps. L intervention réalisée chez l homme consistait à enlever un lipome de la face antérieure de l avant-bras droit. Cette intervention est illustrée par la vidéo 2. Le patient de 47 ans a été transporté par Samu à l aéroport après anesthésie locorégionale par bloc plexique réalisée au CHU de Bordeaux. Le patient était installé sur la table dans le module opératoire et conditionné selon le protocole préétabli, monitoré par cardioscope et perfusé dans la première partie du vol avant d entamer le cycle de paraboles. C est également pendant cette phase que les chirurgiens, dont les bras avaient été stérilisés au sol (fig. 1), s habillaient de manière stérile et réalisaient le drapage opératoire au moyen de champs stériles. Les chirurgiens étaient maintenus à la structure opératoire par harnais avant que ne débutent les cycles d apesanteur. Les deux premières paraboles permettaient de vérifier la bonne fixité de l ensemble de la structure et du matériel opératoire. L intervention se déroulait sur 21 paraboles (soit sept minutes 40 secondes) sans difficulté particulière (fig. 2). La gestion du saignement était simple par tamponnements à la compresse. Les tests préliminaires de saignement sur le rat (22) nous avaient montré que les saignements à faible débit d origine artérielle ou veineuse adhéraient dans la zone opératoire et nous n avons pas eu de débit suffisamment important qui aurait pu provoquer une masse en suspension désolidarisée du site opératoire (23). La fermeture chirurgicale était effectuée en deux plans sans particularité. Discussion Notre intervention microchirurgicale sur animal vivant destinée à étudier les limites de la gestuelle humaine dans les conditions spatiales n avait encore jamais été réalisée. Les perturbations de la proprioception peuvent être facilement compensées en assurant une parfaite fixation du chirurgien qui doit être en rapport fixe avec le patient et la structure opératoire. Ces perturbations proprioceptives semblent varier selon les opérateurs, parmi les chirurgiens testés, une adaptation gestuelle très variable de l un à l autre, se traduisant par des variations des durées interventionnelles ; les objectifs des différentes manipulations ayant été, cependant, réalisés par chacun. L opération chez l homme nous a obligés à créer un véritable bloc opératoire qui s est montré tout à fait adapté. De telles structures avaient déjà été imaginées, mais n avaient jamais pu se mettre en situation réelle d intervention humaine (2, 5, 7, 8). Sur le plan de l anesthésie et de la réanimation, nos tests de faisabilité n ont fait que confirmer ceux déjà réalisés auparavant par la NASA, même si nos choix techniques étaient plus simples. Conclusion La chirurgie spatiale n est pas une éventualité théorique, elle doit obligatoirement être intégrée dans les futurs programmes spatiaux de longue durée de vol. Nos travaux avaient pour but de réaliser des tests de faisabilité en apesanteur, l un dans le domaine très complexe de la microchirurgie, l autre chez l homme. Notre objectif final est maintenant de programmer des robots pour le faire partiellement pilotés du sol par liaison télé-satellitaire. Références 1. Iaroshenko GL, Terent'ev VG, Mokrov MN. [Peculiarities of surgical intervention under conditions of weightlessness]. Voen Med Zh 1967 ; 10 : Russian. 2. M. Barrant. Medical support for the international space station. Aviat Space Environ Med 1978 ; 70 : Campbell MR, Billica RD. A review of microgravity surgical investigations. Aviat Space Environ Med 1992 ; 63 : Campbell MR, Billica RD, Johnston SL 3rd. Animal surgery in microgravity. Aviat Space Environ Med 1993 ; 64 : Campbell MR. Surgical care in space. Aviat Space Environ Med 1999 ; 70 : Jones J, Johnston S, Campbell MR, Miles B, Billica R. 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57 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : J Gravit Physiol 1999 ; 6 : Papaxanthis C, Pozzo T, Mc Intyre J. Arm end-point trajectories under normal and micro-gravity environments. Acta Astraunot 1998 ; 43 : Richards C, Rosen J, Hannaford B, Pellegrini C, Sinanan M. Skills evaluation in minimally invasive surgery using force/torque signatures. Surg Endosc 2000 ; 14 : Rosen J, Brown JD, Chang L, et al. A system for measuring the kinermatics and the dynamics of minimatly invasive surgical tools in vivo. Proceedings of the JEEE International. Conference on Robotics & Automation 2002 ; Gourinat F, Gourinat Y. Expériences d ophtalmologie en impesenteur. Médecine Aéronautique et spatiale 1997 ; 142 : Pinsolle V, Martin D, de Coninck L, Techoueyres P, Vaida P. Microsurgery in microgravity is possible, Microsurgery 2005 ; 25 : Campbell MR, Billica RD, Johnston SL 3rd. Surgical bleeding in microgravity. Surg Gynecol Obstet 1993 ; 177 : Figure 1 L équipe chirurgicale : un chirurgien, un aide et un remplaçant. Le lavage chirurgical a été réalisé au sol : les bras et les mains sont protégés de manière stérile jusqu à l habillage dans le bloc. Les harnais permettent une fixation au module chirurgical. Figure 2 L équipe chirurgicale patiente : pour que toute l intervention soit réalisée en impesanteur les temps opératoires sont fragmentés et aucun geste chirurgical n est réalisé entre deux paraboles.

58 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Nouvelle thérapie anticancéreuse bloquant l énergie des cellules cancéreuses par du 3-Bromopyruvate ou du citrate : résultats expérimentaux dans le mésothéliome New antineoplastic treatment with cancer cells antienergy molecules: 3-Bromopyruvate or citrate Experimental results in mesothelioma X-D Zhang [2, 3], E Varin (b), H Lincet [2], S Allouche [4], M Paciencia [5], A Coquerel [6], L Poulain [2], P Gauduchon, P Icard [1, 2]. 1. Service de chirurgie thoracique, CHU de Caen. 2. Groupe régional d études contre le cancer, GRECAN, Caen. 3. Department of Gastrointestinal and Glands Surgery, The First Affiliated Hospital of Guangxi Medical University, Guangxi, Chine. 4. Service de biochimie, CHU de Caen. 5. Service d anatomopathologie, CHU de Caen. 6. Service de pharmacologie clinique, CHU de Caen. Mots clés Glycolyse Effet Warburg Énergie Apoptose Nécrose Cancer Chimiothérapie Résumé Depuis plusieurs années, nous tentons de mettre à profit le métabolisme particulier de la cellule cancéreuse, à savoir sa consommation accrue de glucose avec production d acide lactique même en présence d oxygène, phénomène connue sous le nom d «effet Warburg» (1, 2), pour inhiber la croissance de cellules tumorales, en particulier de mésothéliome pleural malin (MPM) humain. Nous avons ainsi montré : 1/ que la croissance de 12 lignées de divers cancers humains était arrêtée ou ralentie par du 2-deoxyglucose (2-DG), un inhibiteur des premières étapes de la glycolyse, avec une apoptose importante observée dans certaines lignées (3) ; 2/ que la survie de souris nude porteuses de mésothéliome humain dans leur péritoine était très significativement allongée (p < 0,0001) avec près de 20 % de réponses complètes, lorsqu elles étaient traitées par deux séries de quatre injections intra-péritonéales de 3-Bromopyruvate (3-BrpA) (4), un inhibiteur de l hexokinase et des réactions où intervient le pyruvate, ou par deux séries de deux injections de citrate, un inhibiteur du cycle de Krebs et de la phosphofructokinase (PFK), enzyme clé régulateur de la glycolyse, véritable jauge d énergie dans la cellule ; 3/ que l association de l un de ces anti-énergétiques avec du cisplatine, inactif en lui-même sur nos cellules testées, les rendait sensibles au cisplatine, à la fois in vivo (4) et in vitro (5), probablement en privant la cellule de l ATP et du NAD+ nécessaires à la réparation des lésions ADN induites par la chimiothérapie. Le 3-BrpA et le citrate ont également pu détruire, par un mécanisme de nécrose, les cellules les plus chimio-résistantes. Le citrate a également entraîné dans diverses lignées types une diminution de l expression de la protéine Mcl-1, un des principaux verrous de l apoptose, impliqué dans la chimiorésistance des cancers, en particulier du mésothéliome comme nous l avons montré (6). Aucune toxicité chronique n a été observée chez des souris pendant plusieurs semaines des injections intra-abdominales de citrate (dose of 500 mg/kg). La dose létale 50 % (DL50) était de 4 g/kg chez la souris, la survie étant cependant obtenue si les animaux recevaient une injection concomitante de gluconate de calcium. Le citrate devrait être testé chez l homme en association avec le cisplatine, particulièrement chez les patients souffrant d une carcinose. Keywords Glycolysis Warburg effect Apoptosis Necrosis Cancer Chemotherapy Abstract Since many years we tried to use the special metabolism of most cancer cells, namely an increased consumption of glucose with lactic acid production even in the presence of oxygen (a phenomenon known as "Warburg effect"(1-2)) to inhibit growth of tumor cells, especially of human malignant pleural mesothelioma. We have shown: 1/ that the growth of 12 various human cancer lines was stopped or slowed down by the 2-deoxyglucose (2-DG), an inhibitor of the first steps of glycolysis, with significant apoptosis observed in some strains (3); 2/ that the survival of nude mice bearing human mesothelioma cells in their peritoneum was very significantly lengthened (p < ) with almost 20% of complete response, when animals were treated by two series of four peritoneal injections of 3-bromopyruvate (3-BrpA) (4), an inhibitor of hexokinase and of reactions that involve Correspondance : Pr Philippe Icard, Service de chirurgie thoracique, CHU Hôpital Côte de Nacre, Av. de la Côte de Nacre, Caen Cedex 9. icard-p@chu-caen.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

59 59 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : pyruvate; similar results were observed with two sets of two injections of citrate, an inhibitor of the Krebs cycle and of phosphofructokinase (PFK), the key enzyme regulating glycolysis; 3/ that the association of one of these anti-energy molecules with cisplatin, which was inactive by itself in our cells tested, rendered sensitive these cells to cisplatin, both in vivo (4) and in vitro (5), presumably by depriving the cells in ATP and NAD+, which are needed for the repair of DNA damage induced by chemotherapy. 3-BrpA and citrate were also able to destroy by a mechanism of cell necrosis, our most chemo-resistant cells. Furthermore, we observed on different cell lines that citrate decreased the expression of Mcl-1, one of the main anti-apoptotic protein, involved in chemoresistance of cancer, particularly of mesothelioma, as we have shown (6). None toxicity was observed in mice when citrate was chronically administered in the peritoneum of mice at a dose of 500 mg/kg. The 50% lethal dose (LD50) of citrate are 4 g/kg in mice. However animals survived when calcium gluconate was given with citrate. The association citrate and cisplatin should be tested in human, particularly in patients suffering carcinomatosis with poor survival. Introduction L effet Warburg et la reprogrammation du métabolisme de la cellule cancéreuse (fig. 1 et 2). La cellule cancéreuse est avide de glucose. Elle consomme 10 à 15 fois plus de glucose qu une cellule normale, glucose dont la transformation aboutit à la formation d acide lactique dans le cytoplasme, et non pas à la production de CO2 et H2O par la mitochondrie. Ce phénomène qui se produit même en présence d oxygène a été observé par Otto Warburg dans les années 1930 (1), celui-ci l ayant interprété en 1956 comme un défaut de la respiration mitochondriale, à l origine même du cancer (2). Le rendement énergétique de la dégradation du glucose en acide lactique est faible, 2 ATP étant produits, soit dix neuf fois moins que celui de la dégradation du glucose en CO2 et H2O, qui s accompagne de la production de 38 ATP. Normalement, cette production d ATP se fait essentiellement au niveau de la phosphorylation oxydative mitochondriale, qui se déroule dans la membrane interne des mitochondries. Les électrons générés par les réactions d oxydoréduction de la glycolyse et du cycle de Krebs sont transportés par les cofacteurs réduits (NADH,H+ et FADH2), jusqu à la membrane interne, où se produit la respiration mitochondriale de l O2, celle-ci étant couplée à la synthèse de l ATP. La chaîne respiratoire est ainsi composée de cinq complexes : les complexes I-IV assurent le transfert d électrons (en partenariat avec deux transporteurs mobiles d électrons, le coenzyme Q ou ubiquinol et le cytochrome c), et l énergie libérée lors de ces transfert d électrons sert à créer un gradient de protons de part et d autre de la membrane interne : c est la force proton-motrice qui permet la synthèse d ATP lorsque les protons reviennent de l espace inter-membranaire via le complexe V ou ATP synthase (7, 8). Selon les besoins énergétiques de la cellule, ces complexes s associeraient en super-complexes, permettant un transfert plus rapide et plus efficace des électrons dans la chaîne respiratoire, ces super-complexes étant stabilisés par la cardiolipine, phospholipide le plus abondant de la membrane interne. L avidité des tumeurs cancéreuses pour le glucose a été confirmée par les études PET scan utilisées pour détecter les métastases, tandis que la diminution de la fixation du traceur (le 2-deoxy-F-D-glucose) est de plus en plus souvent considérée comme un bon signe de l efficacité d une chimiothérapie (9, 10), les cellules les plus glycolytiques étant même considérées comme les plus agressives et/ ou les plus prolifératives (11, 12). L acide lactique acidifie le microenvironnement des cellules cancéreuses, ce qui déclenche l apoptose des cellules normales au contact (par le biais Figure 1 Schéma de la glycolyse et de la synthèse des acides gras dans une cellule cancéreuse. La glycolyse aboutit à la formation de lactate par la LDH avec régénération du NAD+ nécessaire au fonctionnement de la glycolyse. Le blocage de la glycolyse au niveau de PKM2 conduit à une accumulation des intermédiaires de la glycolyse en amont, qui sont dérivés vers les synthèses d acides aminés, de glycérol, et vers le shunt des pentoses (ribose et du NADPH,H+) (non figuré). La ß-oxydation des acides gras produit de l acétyl coa, qui va avec l OAA, former du citrate sous l action de la citrate synthase. Une partie du citrate va ressortir de la mitochondrie pour servir à la synthèse de novo des acides gras, en fournissant l acétyl coa et du NADPH,H+. La ß-oxydation produit l ATP et l acétyl coa à la place de la glycolyse (la PDH est altérée), tandis que le pyruvate issu de la glycolyse, de la transamination de l alanine (non figuré) et de la glutaminolyse, conduit au lactate ou à alimenter à chaque tour le cycle de Krebs en OAA sous l action de la PC. Si l OAA n est pas régénéré, le cycle de Krebs ne peut tourner complètement, et le malate qui s accumule, ressort de la mitochondrie (cf. Figure 2). HK : hexokinase, PFK : phosphofructokinase, GADPH : glycéraldehyde 3-phosphate deshydrogénase, PGK : phosphoglycérate kinase, PGM : phosphoglucomutase, PKM2 : pyruvate kinase de type embryonnaire, LDH : lacticodeshydrogénase, PDH : pyruvate deshydrogénase, PC : pyruvate carboxylase, MDH : malate deshydrogénase, SDH : succinate deshydrogénase, EM : enzyme malique, ACL : ATP citrate lyase, ACC : acétyl coa carboxylase.

60 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : de la protéine p53), à l inverse des cellules cancéreuses, qui supportent cette acidification, peut-être du fait que dans plus de la moitié des cas, elles présentent une mutation du gène TP53 (13, 14) qui inactive ce gène suppresseur de tumeur. L acidification du milieu favorise la prolifération, la dissémination et participe à la cachexie des patients (15). La cellule cancéreuse : un «parasite» métabolique et énergétique (fig. 1 et 2) La cellule cancéreuse se comporte comme un «parasite» métabolique qui non seulement consomme le glucose circulant en produisant de l acide lactique, ceci même en présence d oxygène («effet Warburg»), mais qui consomme aussi en excès les acides aminés, en particulier l alanine (provenant de la protéolyse musculaire), ainsi que la glutamine. La glutamine est le mode de transport sanguin privilégié de l azote (ion NH4+), et fournit des groupes amine dans plusieurs processus biosynthétiques, comme la synthèse des bases puriques et pyrimidiques (16-19). En même temps, la cellule cancéreuse brûle les graisses périphériques par la β- oxydation mitochondriale, qui est très énergétique lorsque la phosphorylation oxydative est fonctionnelle, puisque l oxydation complète d un palmitate, acide gras à 16 carbones, entraîne la formation de 106 ATP (7, 8). À partir des molécules intermédiaires fournies par la glycolyse, la glutaminolyse, et la β-oxydation des acides gras, la cellule cancéreuse va synthétiser toutes les macromolécules nécessaires à sa prolifération : protéines, acides nucléiques et lipides membranaires. Elle rejette l acide lactique et l alanine en excès, qui vont servir à reconstituer du glucose au niveau du foie, via la néoglucogénèse, voie qui consomme 6 ATP pour reformer du glucose à partir du lactate (cycle de Cori) (7, 8). La cellule cancéreuse se comporte ainsi comme un «parasite» énergétique. La fonte protéique et lipidique, favorisées par une dysrégulation des hormones (insuline, glucagon et cortisol), se surajoute aux cycles appauvrissant l organisme en ATP, tandis que les cytokines secrétées par la tumeur et l acidification secondaire au rejet d acide lactique, concourent à la cachexie et à la dissémination de la maladie. Il faut noter qu associée à la dénutrition liée à la protéolyse et à la lipolyse, le foie produit des corps cétoniques, qui vont favoriser la prolifération tumorale via l β-hydroxybutyrate, molécule qui favorise la déacétylation des histones, processus qui jouerait un rôle dans l expression ou l inactivation de gènes (oncogènes, surexpression des enzymes de la glycolyse et de la lipolyse ; inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs comme P53 et P21 par exemple). Du fait de l altération possible de la respiration mitochondriale et/ou de la phosphorylation oxydative défectueuse par elle-même (20-22), la production d ATP par la mitochondrie peut être réduite, voire nulle, la glycolyse étant alors le mode principal, sinon unique, de production de l énergie (11, 12). Bien que la glycolyse soit peu énergétique, il faut remarquer que c est une voie beaucoup plus rapide de production d ATP que la phosphorylation oxydative, qui permet à la cellule d ajuster très rapidement sa consommation de glucose à ses besoins énergétiques élevés (à l instar des cellules musculaires à l effort qui utilise la glycolyse pour produire l ATP), et ce d autant que la cellule cancéreuse va trouver dans son environnement tous les nutriments en abondance qui sont nécessaires à sa prolifération (10, 23). La cellule privilégierait les voies qui lui fournissent des molécules pour ses synthèses, plutôt qu un rendement énergétique élevé (10, 23), et ce d autant qu elle trouve dans son environnement nécessaire tous les nutriments nécessaires à sa prolifération (10). La surexpression des transporteurs membranaires du glucose, ainsi que plusieurs enzymes de la glycolyse et de la synthèse des lipides (24, 25), accompagne cette reprogrammation du métabolisme de la cellule cancéreuse (Figures 1 et 2). Les lacticodeshydrogènases (LDH) catalysent l interconversion du pyruvate en acide lactique, en présence du cofacteur NADH,H+. La formation d acide lactique s accompagne de l oxydation du NADH,H+ en NAD+, lequel est nécessaire au fonctionnement de la glycolyse au niveau de la glycéraldéhyde 3-phosphate deshydrogénase (7, 8). Dans une cellule normale, le NAD+ réduit produit par la glycolyse est transporté vers la phosphorylation oxydative pour la synthèse d ATP, ceci par un système de deux navettes (navette du glycérol-phosphate et navette malate-aspartate), car la membrane interne de la mitochondrie est imperméable au NAD/ NADH. La navette malate-aspartate permet des échanges bidirectionnels du NADH,H+ entre le cytoplasme et la mitochon- Figure 2 Schéma de la glycolyse et de la glutaminolyse dans une cellule cancéreuse. La glutamine, mode de transport sanguin du NH4+, est transformée en glutamate dans la mitochondrie par la glutamine synthétase. Le glutamate va alimenter le cycle de Krebs via l α-cétoglutarate. Le malate en excès ira vers le cytoplasme pour être transformé en pyruvate, où il donnera du lactate sous l action de la LDH en régénérant du NAD+ nécessaire à la glycolyse et à la synthèse des nucléotides. Le cycle de l urée est réprimé, conjointement au cycle de Krebs, ce qui conduit à la production de NO, d autant plus que la phosphorylation oxydative productrice d ATP est altérée, le NO stimulant la division cellulaire. À noter que l alanine, produit par la protéolyse musculaire conduit au pyruvate par transamination (non figuré). HK : hexokinase, PFK : phosphofructokinase, GADPH : glycéraldehyde 3-phosphate deshydrogénase, PGK : phosphoglycérate kinase, PGM : phosphoglucomutase, PKM2 : pyruvate kinase de type embryonnaire, LDH : lacticodeshydrogénase, PDH : pyruvate deshydrogénase, PC : pyruvate carboxylase, MDH : malate deshydrogénase, SDH : succinate deshydrogénase, EM : enzyme malique, FH : fumarate hydratase.

61 61 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : drie. Aussi, dans une cellule cancéreuse, où la phosphorylation oxydative est souvent défectueuse, celle-ci est bloquée ou fonctionne en sens inverse (26, 28), transférant vers le cytoplasme l hydrogène du NADH produit par la β-oxydation mitochondriale des acides gras (7, 8, 18, 19, 28). Le NADH,H+ sera ré-oxydé en NAD+ dans le cytoplasme par l action de la LDH, et/ou de deshydrogénases : glutamate deshydrogénase qui permet la désamination de la glutamine périphérique, malate déshydrogénase (MDH) qui transforme l oxaloacétate (OAA) en malate, ou encore glycérol 3-phosphate déshydrogénase qui permet la formation de glycérol 3-phosphate. Cette dernière réaction produit du glycérol nécessaire à la formation des lipides, en même temps qu elle est couplée à un transfert d ion H+ (provenant de l oxydation cytoplasmique du NADH,H+) à travers la membrane interne, qui est transféré sur le FAD+ pour former du FADH2, sous l action de la glycérol 3-phosphate mitochondriale, le FADH2 transférant ses électrons au complexe II. Cette navette du glycérol phosphate permet ainsi de régénérer du NAD+ dans le cytoplasme, tout en transférant les ions H+ vers la mitochondrie, pouvant aller contre un gradient de protons à l inverse de la navette malate-aspartate (8). Ce qui peut être le cas dans une cellule cancéreuse à la phosphorylation défectueuse, lorsque la β- oxydation fournit une grande quantité de NADH,H+. Il faut insister sur le fait que du NAD+ est nécessaire en grande quantité dans le cytoplasme d une cellule normale, dans laquelle le rapport NAD+/NADH,H+ est de l ordre de 1200 (7, 8). Il est vraisemblable que dans une cellule cancéreuse ce rapport sera plus élevé, puisque le NAD+ est nécessaire non seulement au fonctionnement accru de la glycolyse, mais aussi à celui de la synthèse des nucléotides, la PARP (Poly ADP-ribose polymerase) consommant une grande quantité de ce cofacteur pour fonctionner (23). Le citrate, lorsqu il est produit par le cycle de Krebs peut être facilement transporté en dehors de la mitochondrie par un mécanisme qui s apparente à une diffusion facilitée, mais qui nécessite l échange d un malate (8). Le citrate alimente alors la synthèse cytoplasmique des acides gras : il est dans un premier temps transformé en OAA et acétyl-coa sous l action de l ATP citrate lyase (ACL), enzyme qui consomme 1 ATP. L acétyl-coa entre dans la synthèse des acides gras sous l action de l acétyl-coa carboxylase (ACC) enzyme clé régulateur de cette voie de synthèse, activée par le citrate (8). L OAA, de son côté, est transformé en malate sous l action de la MDH, transformation qui régénère du NAD+. Le malate est ensuite transformé en pyruvate, par l enzyme malique qui régénère du NADPH,H+, nécessaire à la synthèse des lipides. Le pyruvate est finalement transformé par la LDH en acide lactique, en régénérant du NAD+. Au total, dans une cellules cancéreuse où la fin de la glycolyse est bloquée (pour des raisons que nous verrons plus loin), si la phosphorylation oxydative est altérée ou bloquée, ce blocage va entraîner un cycle de Krebs tronqué, dans lequel le malate, issu principalement de la glutaminolyse, et le citrate, issu principalement de la β-oxydation des acides gras, vont sortir de la mitochondrie pour aller vers le cytoplasme : le malate via l enzyme malique fournit du NADPH,H+, et du pyruvate, lequel sous l action de la LDH, fournit du lactate et du NAD+ ; le citrate via l ACL fournit de l acétyl-coa pour la synthèse des acides gras, et de l OAA, qui via la MDH fournit du malate et du NAD+ sous l action de la MDH. Le NAD+ servira au fonctionnement accru de la glycolyse et de la synthèse des nucléotides, tandis que l acétyl-coa et le NADPH,H+ serviront à la synthèse de novo des acides gras constitutifs des membranes. Il est important de noter que dans la cellule cancéreuse, la glycolyse est bloquée au niveau de sa terminaison, où la pyruvate kinase transforme le phosphoénolpyruvate en pyruvate. Ce blocage est lié au fait que la PK de la cellule cancéreuse est sous sa forme embryonnaire PKM2 réexprimée, forme peu active, ce qui entraîne un goulot d étranglement vers la fin de la glycolyse (28-31). À ce goulot d étranglement, qui ralentit le flux glycolytique, s associe également un défaut et/ou un blocage de la pyruvate deshydrogénase mitochondriale (PDH) qui transforme le pyruvate en acétyl-coa (28). La PKM2 fonctionnant moins bien que la PK adulte normale (PKM1), ceci entraîne une accumulation de métabolites en amont du goulot d étranglement, le PEP servant à fournir des acides aminés nécessaires à la synthèse des macromolécules, tandis que les intermédiaires de la glycolyse plus en amont vont être dérivés vers la formation de glycérol (nécessaire à la synthèse des lipides) avec production de NAD+, ou vers le shunt des pentoses phosphates, qui fournit du ribose (nécessaire à la synthèse des acides nucléiques), et du NADPH,H+ (nécessaire à la synthèse des lipides, et à la détoxification des radicaux libres). Les mécanismes de l effet Warburg Le métabolisme biochimique dans la tumeur cancéreuse est perturbé, car les régulateurs hormonaux, les voies de signalisation et les aiguillages sur ces voies ont conduit à cette situation, favorable à la prolifération cancéreuse. Les mécanismes impliqués sont complexes et suscitent de plus en plus d intérêt (10, 22, 23, 28, 32, 33). Schématiquement, trois niveaux de dysfonctionnements et/ou de reprogrammations cellulaires interviennent et s intriquent. Une reprogrammation biochimique : un blocage et/ou un dysfonctionnement au niveau de la dernière étape de la glycolyse, transformant le phosphoénolpyruvate (PEP) en pyruvate, du fait de PKM2 peu active, voire même défectueuse (28-31), blocage de la glycolyse associé à un dysfonctionnement de la PDH, et d un ou plusieurs complexes de la chaîne respiratoire (11), défaut de production d ATP par la phosphorylation oxydative, par altération de l ATP synthase (complexe V) (20), ou par excès ou suractivité des protéines découplantes UCP de la membrane interne (21). La glycolyse devra fournir une part d autant plus importante d ATP que la phosphorylation oxydative sera défectueuse (10, 28). En même temps, que la glycolyse produit des intermédiaires nécessaires aux synthèses de molécules indispensables à la division cellulaire (ribose, glycérol, voir plus haut), le cycle de Krebs, alimenté en premier lieu par le catabolisme des acides gras et de la glutamine (18,19), fournira les intermédiaires nécessaires à la synthèse de macromolécules, tels le glutamate et l aspartate, qui entrent dans la composition des bases puriques et pyrimidiques (8, 9). Une part importante de l acétyl-coa fournit en premier lieu par la β- oxydation des acides gras, et non pas par le pyruvate issu de la glycolyse, sortira du cycle de Krebs, pour servir à la synthèse cytoplasmique des acides gras et des stérols. Il est important de noter que pour que le cycle de Krebs fonctionne, il faut que l OAA soit reconstitué à chaque cycle. L OAA peut provenir du pyruvate sous l action de la pyruvate carboxylase (PC), enzyme activée par l acétyl-coa, ou du malate sous l action de la MDH, cette deuxième voie étant vraisemblablement prépondérante dans une cellule cancéreuse, dans laquelle la glycolyse fournit peu de pyruvate. L OAA est ensuite associé à l acétyl-coa (qui provient de l action de la PDH et/ou surtout de la β-oxydation), pour fournir du citrate sous l action de la citrate synthase (7, 8). Dès lors que la phosphorylation oxydative est altérée, le cycle de Krebs ne peut tourner complètement, mais fournit des intermédiaires indispensables aux synthèses, en particulier du malate et du citrate (voir plus haut). Dès lors que la phosphorylation oxydative est défectueuse, les électrons du NADH,H+ produit par la β-oxydation et le cycle de Krebs, vont être transférés via la navette malate-aspartate pour régénérer dans le cytoplasme du NAD+ par les deshydrogénases vues plus haut. Il convient de noter aussi, que le cycle de l urée est réprimé (car lié au cycle de Krebs), ce qui conduit à l élimination des déchets azotés par la production de créatine-phosphate (qui servira de donneur d énergie), et à la production de NO via la phosphorylation oxydative

62 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 3 Schéma des séquences conduisant des radicaux libres à l apoptose. Les radicaux libres, résultants des dégâts induits par la chimiothérapie, sont détruits par tout un système d enzymes réducteurs (type superoxide dismutase), surexprimés dans les cellules cancéreuses, ainsi que par le système du glutathion réduit, lequel réduit également le cytochrome c, qui reste sous cette forme dans la membrane interne (52). Lorsque les capacités de détoxication cellulaire sont dépassées, les radicaux libres, conduisent à libération de cytochrome c oxydé par la membrane interne, qui va activer l ouverture du MTP et l activation des caspases, lesquelles entraînent l apoptose (fragmentation du noyau et de la cellule endébris éliminés par les macrophages). À l inverse, tandis que les radicaux libres et le cytochrome sont réduits par le glutathion (GSH), la prolifération de la cellule cancéreuse est stimulée par le glutathion oxydé (GSSG). défectueuse et/ou par l action de la guanylate cyclase (27, 28). Le NO active la mitose en augmentant le GMPc intracellulaire, ce qui diminue le rapport AMPc/GMPc, la baisse relative de ce rapport stimulant aussi la glycolyse via la PFK (8). Par ces mécanismes (diminution du rapport AMPc/ GMPc, augmentation du NO, excès du β-hydroxybutyrate issu de la cétogénèse de la cellule et/ou des cellules hépatiques), la mitose est activée, ainsi que la perte de différentiation cellulaire entraînée par la dérégulation de gènes (oncogènes), la mutation de gènes suppresseurs tels que P53, P21, etc., mécanismes qui amplifie le phénomène, et active encore plus la glycolyse (diminution du rapport AMPc/GMPc). Au total, la reprogrammation métabolique de la cellule cancéreuse présente des similitudes avec celle de la cellule fœtale (27, 28), qui est également en phase proliférative, et comporte une glycolyse qui n alimente pas exclusivement la combustion réalisée dans la mitochondrie, mais sert à fournir des intermédiaires indispensables aux synthèses, toutes les synthèses étant nécessairement consommatrices d ATP. Il est fort probable que le rapport dans le cytoplasme ATP/ADP, qui est de l ordre de 150 dans une cellule normale (7, 8), doit être considérablement augmenté dans une cellule en phase proliférative, et ce d autant que les mitoses sont fréquentes. Pour soutenir sa prolifération, il est probable que la cellule stimule fortement sa β- oxydation, car c est la voie la plus fortement productrice d ATP, tandis qu elle bloque la fin de sa glycolyse, et stimule sa glutaminolyse, produisant ainsi, à la fois l ATP nécessaires et les molécules indispensables à sa division. Une reprogrammation des voies de signalisation conduit la reprogrammation des voies biochimiques. Sous l effet des oncogènes (voie AKT, mtor, etc.) (10, 32, 33) et/ou de la perte des gènes suppresseurs (P53, P21, myc en particulier) (34), ou encore du fait de la suractivité de la voie HIF-1α (hypoxia inducible factor-1α) liées aux territoires fréquemment anoxiques des tumeurs (35), une reprogrammation des voies signalétiques se met en place, qui favorise le réarrangement du métabolisme nécessaires aux synthèses indispensables à la prolifération. Ces actions passent par un niveau traductionnel et transcriptionnel, HIF-1α stimulant par exemple la surexpression des transporteurs membranaires du glucose et de plusieurs enzymes de la glycolyse (8). À une échelle supérieure, il est fréquemment observé un vieillissem*nt cellulaire, en premier lieu mitochondrial (36, 37), avec troubles de la division mitochondriale (38), altération de la phosphorylation oxydative avec surproduction de radicaux libres et dépassem*nt des capacités de détoxication de la cellule (par le glutathion réduit notamment par le NADPH) (fig. 3), radicaux entraînant une altération de l ADN mitochondrial particulièrement exposé, car non entouré d histones et dépourvu d enzymes réparant les lésions ADN, le tout aggravant en retour le dysfonctionnement cellulaire et mitochondrial, avec altération en premier lieu de la chaîne respiratoire, l ADN mitochondrial codant pour treize des protéines entrant dans les complexes de la chaîne respiratoire (39, 40). Quoi qu il en soit de ces mécanismes complexes et intriqués à l origine de l effet Warburg, si l on parvient à bloquer ce fonctionnement énergétique et métabolique particulier, on arrête la prolifération cellulaire, voire on induit la mort de la cellule cancéreuse. C est sur cette hypothèse que nous avons travaillé depuis 2005 au sein de l équipe BIOTICLA (Biologie et Thérapies Innovantes des Cancers Localement Agressifs) du GRECAN (Groupe régional d études sur le cancer), à la fois sur des cultures de cellules cancéreuses humaines et sur des souris nude porteuses de cancer humain (MPM). Nous avons préférentiellement choisi de travailler sur le mésothéliome, car notre région est particulièrement touchée par ce cancer, du fait d industries locales longtemps utilisatrices d amiante, et ce cancer est un fléau social considérable, qui touche principalement des travailleurs d âge mûr, le temps de latence entre l exposition à l amiante et la maladie étant d environ trente ans. Dans notre pays, environ cas par an sont diagnostiqués, décès sont prévus dans les 25 prochaines années en Europe (41) et beaucoup plus dans les pays émergents (Brésil, Chine, Inde, Russie) qui n ont pas de législation interdisant l utilisation d amiante. Du fait de la très grande chimiorésistance de ce cancer, la majorité des patients décèdent dans l année qui suit le diagnostic, les survies au-delà de 3 ans étant exceptionnelles, quels que soient les traitements entrepris (42). Le cisplatine, chimiothérapie de référence dans le mésothéliome comme dans beaucoup d autres tumeurs solides, n obtient qu un taux de réponse faible (environ 15 %), réponses en règle générale partielles, qui s accompagnent d un bénéfice faible en survie, même lorsque le platine est associé à un autre anti-mitotique (vinorelbine, gemcitabine ou encore pemetrexed). Le gain de survie, d environ 3 mois, n est d ailleurs pas formellement prouvé par rapport aux seuls traitements de soutien (42). Dans les cas les plus favorables, où une exérèse du mésothé-

63 63 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : liome par pleuropneumonectomie élargie au diaphragme, la survie à 5 ans est d environ % (43) sans bénéfice formellement prouvé par rapport à la pleurectomiedécortication (44), et ce d autant que des survies spontanément longues sont parfois observées. C est dire la chimiorésistance de ce cancer, et la nécessité de trouver de nouveaux traitements pour sortir de l impasse actuelle, les essais de thérapies ciblées restant à ce jour décevants (42). Or, sans une chimiothérapie active, les autres traitements (la chirurgie en particulier) sont voués le plus souvent à l échec. Il en est de même de beaucoup d autres cancers solides. Objectif de ce travail Notre objectif est de présenter une synthèse des travaux qui ont été réalisés en 5 ans dans notre laboratoire, pour montrer l intérêt qu il pourrait y avoir à bloquer la production d énergie dans les tumeurs cancéreuses solides, afin de détruire les cellules et/ou de les sensibiliser à la chimiothérapie (le cisplatine en premier lieu), car la réparation des dégâts cellulaires causés par la chimiothérapie nécessite de grandes quantités d ATP. Matériels et méthodes In vitro Nous avons dans un premier temps ( ) travaillé sur 12 lignées de cancers humains d origines diverses, disponibles au laboratoire (foie, ovaires, cerveau, colon, ORL, mésothéliome). Nous avons vérifié la validité de notre hypothèse de départ, à savoir qu en bloquant la glycolyse par du 2-Deoxyglucose (2-DG), un analogue du glucose qui n est pas métabolisé, la prolifération cellulaire est nettement ralentie et/ou les cellules sont détruites (3). Puis nous nous sommes concentrés sur le mésothéliome malin en travaillant principalement sur deux lignées cellulaires humaines (MSTO-211H et NCI-H28), représentatives d autres lignées testées (NCI-H2052, IST- Mes3). Ces lignées ont été acquises auprès de l American Type Culture Collection (ATCC). Le temps de doublement des MSTO-211H est de l ordre de 24 h. Les cellules NCI- H28 prolifèrent plus lentement et sont résistantes au traitement par une forte dose de cisplatine (20 µg/ml), à l inverse des cellules MSTO-211H sensibles à cette forte dose, mais résistantes à une dose plus faible (5 µg/ml), laquelle n entraîne toutefois qu un ralentissem*nt transitoire de la prolifération, la reprise de la prolifération s observant dès le 5ème jour après l injection. In vivo Nous avons utilisé des souris Swiss/Nude CD1 femelles de 4 à 6 semaines, pesant environ 25 g (Charles River France). Ces souris, après avoir reçu une injection intrapéritonéale de 2x10 7 de cellules de la lignée MSTO-211H dans 1 ml, ont développé une carcinose péritonéale, visible à partir du 15ème jour, et qui entraînait leur décès en 30 jours environ, la prise tumorale étant généralement excellente, de 100 %. La carcinose péritonéale était faite de nodules tumoraux de mésothéliome confirmés histologiquement (Pr Françoise Galateau-Sallé, Service d Anatomo-Pathologie, CHU de Caen). Nous avons privilégié un modèle de carcinose péritonéale, car celuici était plus facile à reproduire qu un modèle pleural et il permettait de répéter des injections intra-abdominales Figure 4 Courbes de survie de souris nude porteuses d une carcinose péritonéale par injection de cellules mésothéliales humaines MSTO-211H. Dans une première série d expérience (A) (12 animaux par groupe), la combinaison du cisplatine injecté en intrapéritonéal (i.p) au 21ème jour avec du 3 BrpA injecté également en i.p. pendant 4 jours, a entraîné un gain de survie très significatif, alors que les deux produits seuls étaient sans effet. Dans une seconde série d expérience, lorsque les 4 injections de 3 BrPA ont été réitérés la semaine suivante, le 3 BrpA administré seul a entrainé également un gain très significatif de la survie, 17 % des souris ayant avec ce protocole une réponse complète (2/12) (in: Zhang et al. Anticancer Res (4)). à visée thérapeutique, ce que ne permettait pas, ou très difficilement le modèle pleural, du fait du risque de pneumothorax. L atteinte du péritoine est d ailleurs fréquente dans l évolution du mésothéliome, que ce soit primitivement (dans près de 5 % des cas) ou secondairement. Résultats Nos travaux ont donné lieu à cinq publications (3-6, 45) qui nous ont permis : de valider notre hypothèse de départ, sur 12 lignées différentes de cancers d origines diverses, en montrant que l inhibition de la glycolyse par du 2-DG (exposition des cultures à 5 mm du produit) s accompagnait à cette concentration qui est celle du glucose sanguin, d une inhibition de la prolifération : après 7 jours d exposition des cellules au 2-DG, la diminution de croissance s échelonnait de 63,7 % à 94,3 % en fonction des lignées (croissance comparée dans chaque lignée à celles des cellules témoins de la même lignée non traitées) et/ou d une mort cellulaire par apoptose ou par un mécanisme non apototique, d importance variable, la cytotoxicité étant parfois très importante (3). Cette étude témoignait que l effet Warburg était sinon un phénomène universel en tout cas un mécanisme largement répandu dans les cellules cancéreuses, et qui pouvait être mis à profit pour entraver le développement des cellules cancéreuses ;

64 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 5 Association du cisplatine et du citrate. Croissance des cellules de mésothéliome MSTO-211H après trois jours d exposition à 10 mm de citrate, après traitement par une dose de cisplatine (5 μg/ml), ou après association des traitements. A : morphologie cellulaire ; B : courbe de croissance jusqu au 14ème jour ; C : coloration des flasques au 14ème jour montrant que l administration de la dose de cisplatine après trois jours d exposition au citrate a entraîné l éradication totale des cellules (in: Zhang et al. Anticancer Res 2009 (5)). de montrer que la survie de souris porteuses de mésothéliome humain était très significativement allongée (p < 0,0001) lorsqu elles étaient traitées, à partir du 21ème jour, par deux séries de quatre injections hebdomadaires intraabdominales de 3-Bromopyruvate (3 BrPA), administré à la dose de 2,67 mg/kg (0,8 ml à 500 µm) par jour (4) (fig. 4). Chez ces souris, le traitement par une injection de cisplatine seul au 21ème jour à la dose de 4 mg/kg n avait aucun effet. Nous avons choisi de tester le 3-BrPA, car ce serait un inhibiteur de la glycolyse au niveau d HKII, qui avait montré une très bonne efficacité chez le lapin et la souris porteurs d hépatocarcinome (46, 47). Avec notre protocole, 17 % (2/12) des souris traitées par le 3-BrPA seul, l administration étant réitérée deux semaines de suite, avaient une réponse complète avec disparition des nodules tumoraux ; de montrer que l association de doses, non efficaces en elles-mêmes, de 3-BrPA et de cisplatine (in vivo) rendait la combinaison active, avec une prolongation très significative de la survie des souris porteuses de cancer (p = 0,002) (4) (fig. 4) ; de montrer in vitro que l injection d une dose faible de cisplatine (5 µg/ml), administrée après trois jours d exposition au citrate, entraînait la mort apoptotique de toutes les cellules MSTO-211H sans phénomène d échappement secondaire visible jusqu au 14ème jour de culture alors que le cisplatine seul n avait entraîné qu un ralentissem*nt temporaire de la prolifération (5) (fig. 5). Nous avons choisi de tester le citrate, car c est un inhibiteur physiologique de la phosphosfructokinase (PFK), enzyme régulateur qui contrôle l entrée dans la glycolyse, et du fait des autres actions antiénergétiques possibles du citrate (voir dans la discussion les mécanismes d action du citrate). Des résultats analogues à ceux obtenus in vivo avec le 3-BrPA ont été obtenus avec deux injections intra-abdominales de citrate hebdomadaire à la dose de 400 mg/kg (0,4 ml à 85 mm) (résultats non publiés) ; de montrer que l effet anti-tumoral du citrate, outre son action anti-énergétique (voir discussion), pouvait aussi passer par l inhibition précoce de l expression de la protéine anti-apoptotique Mcl-1, qui joue un rôle primordial, avec la protéine Bcl-xL, dans la chimiorésistance du mésothéliome, comme cela a été montré ensuite au laboratoire (6) (fig. 6). En effet, l inhibition conjointe, in vitro, de ces deux «verrous» clés de l apoptose par des sirna spécifiques (ARN interférents anti-mcl-1 et anti-bcl-xl) est nécessaire et suffisante pour entraîner la mort complète des cellules MSTO- 211H, tandis qu associée à une faible dose de cisplatine (5 µg/ml), elle permettait d éradiquer complètement les cellules NCI-211H, réfractaires à la forte dose de cisplatine (20 µg/ml). En revanche, l inhibition d une seule de ces molécules, associée au cisplatine, était insuffisante pour éradiquer les cellules ; Figure 6 Effets du citrate sur les cellules humaines de mésothéliome MSTO-211H. A : morphologie cellulaire, morphologie nucléaire, et histogramme du contenu en ADN, obtenus après 72h d exposition à différentes doses de citrate (5, 10, 20 mm). B : cinétique de l évolution de la viabilité cellulaire (test au bleu trypan) en réponse à ces différentes concentrations de citrate. C : effet de ces différentes concentrations de citrate sur l expression de la caspase 9, de la caspase 3, de la PARP, et sur les protéines anti-apoptotiques Mcl-1 et Bcl-xl après 24, 48 et 72 heures d exposition des cellules MSTO-211H à ces différentes concentrations de citrate.

65 65 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : de montrer que les cellules MSTO-211H, susceptibles d entrer en apoptose, présentaient une respiration mitochondriale fonctionnelle en présence de succinate (substrat du complexe II de la chaîne respiratoire), à l inverse des cellules de la lignée NCI-H28 réfractaires au cisplatine, qui n avaient plus de respiration mitochondriale (4). Il est à noter que ces cellules NCI-211H, qui prolifèrent lentement et particulièrement «robustes», ont pu néanmoins être totalement détruites, via un mécanisme de nécrose, par du 3- BrPA (à la concentration de 200 µm) ou par du citrate (20 mm) qui ont semblé agir comme de véritables poisons, au-delà d une certaine concentration (résultats non publiés) ; tout récemment, nous avons confirmé sur deux lignées de cancer gastrique, un cancer particulièrement fréquent en Asie, entraînant près de décès par an en Chine (48, 49), que l exposition durant 3 jours des cellules à 10 mm de citrate entraînait la mort de la quasi-totalité des cellules par apoptose, tandis qu on observait à nouveau une diminution nette et précoce de l expression de Mcl-1 dans chaque lignée (45). Discussion Chimiorésistance : résistance accrue des cellules à l apoptose et à la surproduction de radicaux libres La plupart des chimiothérapies, lorsqu elles sont actives, conduisent à déclencher l apoptose des cellules cancéreuses, l apoptose (ou «mort cellulaire génétiquement programmée») étant un mécanisme physiologique d homéostasie par lequel l organisme se débarrasse de ses cellules endommagées, vieillies, tandis qu il permet le modelage de la forme durant l embryogénèse (50, 51). L apoptose résulte de la perméabilisation de la membrane externe mitochondriale avec ouverture de pores qui permettent la libération dans le cytoplasme de molécules activatrices des caspases, en premier lieu, la libération du cytochrome c oxydé (52). Cette libération de molécules activatrices des caspases (9 et 3 notamment) va conduire à la fragmentation du noyau (dont témoigne le clivage de la PARP) et de la cellule, sous forme de débris, qui vont être éliminés par les macrophages. L apoptose est sous contrôle de gènes, qui codent pour des protéines pro- et antiapoptotiques, et résulte en définitive de l équilibre entre ces deux types de protéines, appartenant toutes à la famille Bcl-2 (53-55). Il semble que les protéines pro-apoptotiques (Bak, Bax) déclenchent l apoptose, en étant «transloquées» du cytoplasme vers la mitochondrie, après avoir inhibé par liaison directe les protéines anti-apoptiques (type Bcl-2, MCL1, Bcl-xL) se trouvant à la surface des mitochondries, ou agissent par des mécanismes indirects faisant intervenir la sous-famille des protéines pro-apoptotiques «BH3-only» : Noxa, Pum, Bad, etc. (56). La chimiorésistance est de plus en plus considérée comme étant liée à la surexpression des protéines antiapoptotiques (51, 53), qu il est tentant d inhiber en même temps qu on favorise l action des molécules pro-apoptotiques. Comme il a été récemment montré au laboratoire sur nos cellules de mésothéliomes, l inhibition conjointe par des sir- NA spécifiques des protéines Mcl-1, Bcl-xL a permis de détruire à elle seule les cellules MSTO-211H et de lever la forte chimiorésistance au cisplatine des cellules NCI H28, qui ont été détruites par un phénomène de nécrose (6). D une manière concomitante, la chimiothérapie conduit très souvent à la surproduction de radicaux libres, produits en particulier par la phosphorylation oxydative mitochondriale, qui lorsque les capacités de réduction de la cellule sont dépassées (production de NADPH,H+), entraîne la mort cellulaire par apoptose (32, 40). La chimiorésistance est donc également liée à un mécanisme d adaptation cellulaire à la surproduction de radicaux libres (fig. 3). Plusieurs molécules sont impliquées dans le système réducteur de la cellule, en particulier la glutathion réductase, qui nécessite que soit régénéré en permanence du NADPH,H+ afin de reformer du glutathion réduit, nécessaire pour dégrader les radicaux libres et permettre la détoxification de la cellule. Comme nous l avons vu dans l introduction, le NADPH,H+ est produit par le shunt des pentoses phosphates et par l enzyme malique cytoplasmique qui transforme le malate en pyruvate (7, 8). La chimiorésistance des cancers, primaire comme très souvent dans le mésothéliome ou secondaire comme souvent dans le cancer de l ovaire, fait la gravité du cancer. En l absence d une chimiothérapie efficace, les autres traitements (chirurgie, radiothérapie) sont généralement voués à l échec, dès lors que la tumeur est diagnostiquée à un stade déjà avancé. Aussi, la plupart des exérèses de cancer solides (poumon, foie, pancréas, estomac, colon, ovaires, etc.) entraînent une survie généralement inférieure à 30 % à 5 ans, tous stades confondus (49). La survie des patients non opérés n est souvent que de quelques mois, malgré les chimiothérapies entreprises, fonction de la dissémination tumorale et de la cachexie (fonte protéique et lipidique), eux-mêmes témoins des défenses immunitaires amoindries. Quelles que soient les chimiothérapies utilisées, elles agissent en entraînant des dégâts intracellulaires (adduits à l ADN en particulier pour le cisplatine), s accompagnant d une surproduction de radicaux libres, qui aboutissent soit à la mort cellulaire par apoptose, soit à la survie. Celle-ci survient lorsque que la cellule a réussi à mettre en place des «parades» efficaces (réparation des lésions ADN, amplification du système antioxydant réduisant les radicaux, etc.), qui lui permettent de réparer les dégâts, et/ou de s y adapter. La cellule peut aussi expulser les chimiothérapies au niveau de sa membrane cytoplasmique vers le milieu extérieur par surexpression du transporteur transmembranaire P-glycoprotéine 170, une protéine appartenant à la famille des transporteurs d ATP, associé au phénotype MDR (Multi Drug Resistance) (28). Quels que soient ces mécanismes de chimiorésistance, ils sont tous nécessairement très consommateurs d énergie, et d autant plus que les dégâts sont importants. Déplétion en énergie : déclenche l apoptose et lève la chimiorésistance Nous avons montré sur un large panel de cellules cancéreuses humaines que la déplétion énergétique entraînée par l administration d un inhibiteur de la glycolyse (le 2-DG) s accompagnait d un effet cytostatique (inhibition et ralentissem*nt de la prolifération) et parfois d un effet cytotoxique important (mort cellulaire par apoptose), ce qui démontrait l intérêt qu il pouvait y avoir à contrecarrer l effet Warburg, dès lors que ces produits pourraient être utilisés en clinique (3). Nous avons ensuite montré, à la fois in vitro (4) et in vivo (5), que l association d un anti-énergétique (3-BrPA ou citrate) avec le cisplatine rendait efficace ce dernier, alors que ces produits administrés seuls étaient inefficaces aux doses utilisées. La chimiorésistance de nos cellules a pu être ainsi surmontée. Nous avons travaillé sur deux lignées de mésothéliome, car celles-ci sont apparues représentatives d autres lignées testées. Ces deux lignées, MSTO-211H et NCI-H28, se sont révélées avoir un comportement très différent, presque diamétralement opposé. Les cellules NCI-H28 prolifèrent lentement, n ont plus de respiration mitochondriale fonctionnelle (4) et sont chimiorésistantes (même à de très fortes doses de cisplatine). Elles ont pu toutefois être détruites par un mécanisme de nécrose, soit par des anti-glycolytiques (citrate à 20 mm, 3- BrPA à 200 µm), soit par du cisplatine à faible dose (5 µg/ ml), dès lors que le platine était associé à deux sirna inhibant dans ces cellules les deux verrous clés de l apopotose

66 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Bcl-xL et Mcl-1. Il faut noter que l inhibition d une seule de ces molécules n était pas suffisante pour rendre actif le platine sur les cellules NCI-H28 (6). D une façon qui reste à élucider, le citrate a diminué précocement l expression de Mcl-1 sur nos cellules mésothéliales et sur deux lignées plus récemment testées de cancer gastrique (5, 45). Cette action paraît d autant plus intéressante qu il n existe que peu ou pas d inhibiteurs de Mcl-1 actuellement disponibles en clinique, alors que des inhibiteurs de Bcl-xL font déjà l objet d essais de phase I (57). Or, il est nécessaire, comme nous l avons montré au moins dans le cadre du mésothéliome, que ces deux verrous anti-apoptotiques soient inhibés conjointement pour avoir une action cytotoxique puissante en présence de platine (6). Les cellules NCI-H28, particulièrement «robustes», ont des mitochondries aux fonctions altérées, comme en témoigne leur absence de respiration mitochondriale, ce qui rend tentant de lier ce phénomène à leur grande chimiorésistance, comme l ont fait d autres auteurs en étudiant d autres cellules comparables (10-12). D une façon intéressante, l exposition de ces cellules à de fortes doses de citrate (20 mm) ou au 3-BrPA (200 μm) a conduit néanmoins à leur mort par nécrose. Il est vraisemblable qu au-delà d un certain seuil, lorsque la déplétion en ATP devient suffisamment intense, la mort par nécrose se déclenche, la cellule n étant pas capable d apoptose, soit parce que celle-ci est bloquée par une surexpression de molécules anti-apoptotiques (6), soit par le fait que l apoptose ne peut se déclencher, la mitochondrie n en étant plus capable ou la déplétion en ATP étant trop intense et/ou brutale, l apoptose étant un mécanisme de mort cellulaire qui nécessite de l ATP (58, 59). Le 3-BrPA et le citrate pourraient avoir ainsi un intérêt primordial pour détruire ce types de cellules «robustes», dont on peut faire raisonnablement l hypothèse qu elles se situent dans les parties les plus hypoxiques des tumeurs, généralement au centre, où elles se divisent peu ou lentement. Robustes pour survivre dans ces conditions anoxiques (il suffit de remarquer que le centre des volumineuses tumeurs est souvent nécrosé), elles ont nécessairement adopté une glycolyse au fonctionnement accru, couplée vraisemblablement à une glutaminolyse accrue, qu il serait assurément intéressant d essayer de contre carrer conjointement à la glycolyse, ainsi que la β- oxydation. Les cellules MSTO-211H, à l inverse, prolifèrent rapidement, sont davantage sensibles au cisplatine (quoique résistantes à des doses modérées) et conservent une respiration mitochondriale et une apoptose fonctionnelles. Dans ce type de cellules, nous avons observé que la seule inhibition de la glycolyse (2-DG, 3-BrPA, citrate) ne permettait pas d entraîner à elle-seule la destruction complète des cellules, ces agents entraînant essentiellement un ralentissem*nt et/ou un arrêt de la prolifération. Ceci est dû très vraisemblablement au fait que la mitochondrie fournit une part importante de l ATP. Néanmoins, le citrate, nous a semblé avoir la plus grande efficacité, probablement parce qu il inhibe non seulement directement la glycolyse, mais aussi le cycle de Krebs, et indirectement la β-oxydation des acides gras (cf. plus loin les mécanismes d action du citrate). Il a d ailleurs été montré que l inhibition de β-oxydation potentialisait l apoptose induite par diverses chimiothérapies (25), tandis que l inhibition du transporteur des acides gras (carnitine acyl transférase) au niveau de la membrane mitochondriale aiderait à déclencher l apoptose (60). Dans ce type de cellules à la respiration mitochondriale et à l apoptose fonctionnelle, des inhibiteurs comme le citrate ou le 3- BrPA peuvent avoir un grand intérêt, pour sensibiliser les cellules à la chimiothérapie, comme nous l avons observé. Cette sensibilisation est vraisemblablement liée au fait que ces produits diminuent la charge en ATP et en NAD+ dans le cytoplasme, entravant ainsi la capacité de la cellule à réparer ses lésions, la PARP étant nécessaire à la réparation de l ADN, cette enzyme nécessitant une grande quantité de NAD+ (28). En abaissant cette charge ATP, NAD+ au dessous d un certain seuil, non seulement ces produits arrêtent la division cellulaire, mais empêchent la réparation des dégâts intracellulaires. Rappelons que les rapports ATP/ADP et NAD+/NADH,H+ sont dans le cytoplasme d une cellule normale respectivement de l ordre de 150 et de (61). Ils sont vraisemblablement beaucoup plus élevés dans une cellule cancéreuse. Mécanismes d action du 3-Bromopyruvate et du citrate : largement hypothétiques Le 3-Bromopyruvate Le 3-BrPA, hormis le fait qu il est susceptible d inhiber toutes les réactions faisant intervenir le pyruvate (LDH, PC, PD), inhiberait en premier lieu l hexokinase II (HK II) (62-64). HK II se trouve sur la membrane externe de la mitochondrie et transforme le glucose en glucose 6-phosphate, en utilisant le phosphate par hydrolyse d un ATP produit par la phosphorylation oxydative mitochondriale. Cette action lie glycolyse et phosphorylation oxydative au niveau de HK II. Cet enzyme est généralement surexprimée dans les cellules cancéreuses, comme cela a été montré par des études protéomiques (62-64), cette surexpression étant liée à des régulations transcriptionnelles faisant intervenir HIF-1α et les voies de survie (MAP Kinases, AKT). HK II ferait partie du PTP (permeability transitory pore), localisé sur la membrane externe de la mitochondrie, associé au VDAC (voltage dependant anion chanel) (63). L interaction du PTP avec les molécules pro-apoptotiques Bak/Bax permettrait de lever l inhibition des molécules antiapoptotiques de la famille Bcl2, conduisant à l ouverture des canaux et à la libération des molécules apoptogènes, en particulier du cytochrome C oxydé. L inhibition d HK II par le 3- BrPA conduirait à sa libération de la membrane externe, ce qui déclencherait l apoptose par la voie mitochondriale (63). Le 3-BrPA, outre cette action hypothétique et son action antiénergétique (chute de l ATP), inhiberait d autres enzymes de la glycolyse, en particulier les réactions faisant intervenir le pyruvate, tandis qu il augmenterait aussi la production des radicaux libres toxiques pour la cellule (65). Le citrate Le citrate est par hypothèse un inhibiteur énergétique puissant, raison pour laquelle nous avons commencé à le tester dès Administré en excès à une cellule cancéreuse, il inhiberait non seulement sa glycolyse (par inhibition directe de la PFK (7,8) et au moins indirecte de la PK (voir plus loin), mais aussi le cycle de Krebs, par inhibition de la PDH (66) et de la succinate deshydrogènase (67), et indirectement la β- oxydation mitochondriale par l action du malonyl coa (voir plus loin) ; en même temps, le citrate activerait la néoglucogénèse par activation de la fructose diphosphatase (7, 8) et la synthèse des acides gras par activation de l ACC (7, 8). Ainsi, le citrate bloquerait toutes les voies productrices d ATP, en même temps qu il stimulerait des voies de synthèse (néoglucogénèse et synthèse des lipides) fortement consommatrices d ATP. Cette molécule étant physiologique, il existe vraisemblablement une gamme de doses efficaces, cytotoxiques envers les cellules cancéreuses, mais sans effet sur les cellules normales car, contrairement aux cellules prolifératives, les cellules normales ne nécessitent pas une production intense d ATP, étant le plus souvent dans un état d équilibre, à l état «semi-quiescent». De plus, il est possible que dans une cellule normale le citrate en excès puisse stimuler la phosphorylation oxydative, qui par le biais des protéines découplantes, dissipera le trop plein d énergie sous forme de chaleur (7, 8). En outre, par son action stimulant la lipogenèse, le citrate pourrait être bénéfique pour recharger l orga-

67 67 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : nisme dont les réserves ont été appauvries par le cancer. Actions anti-énergétiques du citrate (fig. 7) Les mécanismes biochimiques d action du citrate sont les suivants. Inhibitions des PFK1 et 2. Le citrate inhibe la PFK1, enzyme clé qui régule l entrée de la glycolyse, en transformant le fructose 6-phosphate en fructose 1-6 bisphosphate (7, 8). Cet enzyme allostérique agit comme une véritable jauge d énergie à l intérieur de la cellule, inhibé par l ATP lorsque celui-ci est en excès, activé à l inverse par l ADP, reflet d un manque d énergie. Le fait que la PFK1 soit inhibée également par le citrate, produit par la première étape du cycle de Krebs, permet d ajuster le flux de la glycolyse avec celui du cycle de Krebs, dès leurs entrées. Le blocage de la PFK1 est total si le citrate est abondant (8). En inhibant la PFK1, le citrate entraîne une accumulation de glucose-6- phosphate en amont, qui va inhiber l action de l HK II (par rétroaction négative) ce qui, par le mécanisme vu plus haut, peut conduire à l apoptose par perméabilisation du PTP (62-64). Cette inhibition sera d autant plus forte que le glucose- 6-phosphate ne pourra être dérivé par le shunt des pentoses phosphates, par manque d ATP, cette voie en étant consommatrice (6, 7). Le citrate inhibe non seulement la PFK1 mais aussi la PKF2 (7, 8) qui produit le fructose 2-6 bisphosphate, activateur allostérique puissant de la PFK1, puisqu il permet physiologiquement d outrepasser l inhibition de la PFK1 par l ATP, ceci lorsque le glucose est abondant, ce qui élève sa concentration. C est vraisemblablement le cas dans la cellule cancéreuse, du fait de l activation des transporteurs membranaires du glucose (GLUT1 et GLUT3) et de HKII, surexprimés par les effets d HIF-1α, de myc, de ras et par la perte de p53 (8, 68). Le fructose 2,6-biphosphate est ainsi un signal intracellulaire clé dans la cellule cancéreuse (68), qui active la glycolyse et même temps qu il inhibe la néoglucogénèse, en agissant sur les deux points essentiels de contrôle de ces voies, que sont respectivement la PKF1 et la fructose1,6-biphosphatase (7, 8). L inhibition sélective de la PKF2 inhibe ainsi la croissance des cellules cancéreuses (68). En inhibant la PFK2, le citrate diminue le fructose1,6- bisphosphate et contrecarre en même temps les effets de cette molécules au niveau de la PFK1 et de la fructose1,6- biphosphatase, enzymes qu il régule d une façon inverse au fructose 2,6-biphosphate. Le citrate inhibe également la PK, au moins indirectement, car la baisse du fructose 1-6 bisphosphate (produit par l inhibition de la PFK1) diminue l activation allostérique puissante que cette molécule exerce sur la PK (7, 8). Dans une cellule normale, le fructose 1-6 bisphosphate permet ainsi d ajuster immédiatement le niveau d activité de la PK avec celui de la PFK1, et régule ainsi étroitement le flux métabolique à la sortie avec le flux à l entrée de la glycolyse. La baisse d activation de la PK secondaire à la diminution du fructose 1-6 bisphosphate entraînée par l administration de citrate pourrait être encore plus forte dans une cellule cancéreuse, car celle-ci ré-exprime la forme embryonnaire PKM2, moins active que la PKM1 adulte, présente dans une cellule normale. Rappelons que cette réexpression de PKM2 crée un goulot d étranglement à la fin de la glycolyse (28-31), qui dérive les métabolites en amont vers les synthèses nécessaires à la prolifération (acides aminés, glycérol et NAD+, ribose et NADPH,H+). Il faut noter que la PKM2 est d autant moins active qu elle est sous sa forme dimérique phosphorylée : le passage de la forme active (tétramérique déphosphorylée) à la forme inactive de la PK serait dû à un défaut de méthylation de la phosphatase PP2A, défaut qui jouerait un rôle central dans le processus de la cancérisation (28). Il faut noter que gluconéogénèse et glycolyse sont réciproquement régulées par le biais d enzymes différents, qui ne peuvent agir thermodynamiquement que dans un seul sens, de façon qu une voie est inactive tandis que l autre est activée. De même, pour la synthèse du glycogène et sa dégradation ou encore pour les activités de la PDH et de la pyruvate carboxylase (PC) qui sont régulées de façon inverse par l acétyl CoA, de telle façon qu elles ne soient pas à leur activité maximale en même temps. La régulation allostérique et la phosphorylation réversible de ces enzymes clés sont rapides, complétées par un contrôle transcriptionnel qui se met en place en quelques heures ou en quelques jours, et qui joue alors sur leurs taux intracellulaires (8). Les réactions de phosphorylation sont elles-mêmes contrôlées par des kinases et des phosphatases (type PP2A) (7, 8, 28). Figure 7 Schéma récapitulatif des actions inhibitrices et activatrices du citrate. En dehors de l action inhibitrice sur la PFK (PFK 1 et 2) et activatrice sur la fructose 1,6- bisphosphatase et l acétyl CoA carboxylase (ACC), actions largement admises (7, 8), les autres actions du citrate sont plus hypothétiques (inhibition de la PDH, de la SDH, acétylation des histones). À noter que l inhibition de la PKF1 entraîne une diminution du fructose 1,6-bisphosphate, ce qui lève l activation forte de cette molécule sur la PK, d où une inhibition au moins indirecte par cet effet, de la PK par le citrate (non figuré). À noter que PFK2 est fortement stimulée dans la cellule cancéreuse par l entrée du glucose via les transporteurs membranaires activés et surexprimés, ainsi que HKII. PFK2 est un activateur allostérique puissant de PFK1, qui permet de lever l inhibition de l ATP de cet enzyme en présence d un apport important de glucose, tout en inhibant le fructose 1,6-bisphosphatase. Le citrate en inhibant PFK2 lève ainsi une activation forte de la glycolyse dans la cellule cancéreuse lié à ce mécanisme régulateur.

68 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Le citrate régule et ajuste non seulement le flux de la glycolyse aux besoins en ATP, mais agit de même au niveau du cycle de Krebs. Il inhiberait la PDH (66), enzyme complexe qui produit l acétyl-coa à partir du pyruvate, étape qui permet en définitive au produit du pyruvate d entrer dans le cycle de Krebs. De même que la PFK est inhibée à la fois par l ATP et le citrate, la PDH l est également par ces deux molécules, ainsi que par l acétyl-coa, le produit de la réaction, qui stimule à l inverse la PC pour favoriser la néoglucogénèse. Le citrate inhibe plus loin dans le cycle, la succinate dehydrogénase (SDH) (67), qui transforme le succinate en fumarate. Il est important de noter que la SD est localisée sur la membrane interne et fait partie intégrante du complexe II de la chaîne respiratoire, liant de ce fait le cycle de Krebs et la phosphorylation oxydative (6, 7). Via la SDH, le citrate en excès pourrait donc inhiber le cycle de Krebs et la phosphorylation oxydative. A l instar d autres enzymes comme HK II (69), la SDH n a pas de fonction univoque. Il a été récemment rapporté qu elle interviendrait comme produit d un gène suppresseur qui serait altéré dans le cancer (70), l accumulation de succinate, secondaire à cette altération, entraînant un transport du succinate vers le cytosol, où cette molécule inhiberait la prolyl hydroxylase (PHD), ce qui en définitive stabilise HIF-1α et permet son action. Rappelons que HIF-1α est retrouvé à de fortes concentrations dans les cellules cancéreuses, particulièrement lorsqu elles sont situées dans les régions hypoxiques, ce facteur jouant un grand rôle dans la résistance à l apoptose et à la chimiothérapie, favorisant la surexpression des transporteurs membranaires du glucose (GLUT1, GLUT3) et de plusieurs enzymes de la glycolyse (en particulier HK, PFK, PKM2, LDH), ainsi que l inactivation de la PDH (71). Il serait intéressant d étudier si le citrate n inhiberait pas HIF- 1α, soit en inhibant l expression d un éventuel gène suppresseur SDH altéré, soit en élevant la concentration cytosolique de l α-cétoglutarate, molécule qui, comme l O2, contrecarre les effets du succinate sur la PHD et conduit à la dégradation d HIF-1α (71). Le citrate active encore d une façon allostérique sur l ACC cytoplasmique (7, 8), qui engage la synthèse des acides gras cytoplasmiques, enzyme également régulée par PP2A. Un taux élevé de citrate traduit normalement le fait que les unités dicarboxylées (acétyl coa) et l ATP sont disponibles pour cette synthèse très consommatrice d énergie. La synthèse du palmitate (acide gras à 16 carbones), constituant majeur des phospholipides membranaires, nécessite 7 molécules d ATP et 14 NADPH,H+ (7, 8). Le citrate en excès inhibe indirectement la β-oxydation mitochondriale, via le malonyl CoA, premier produit de l ACC, et qui inhibe la Carnitine acyl transférase I, située sur la membrane mitochondriale externe (8). Ce transporteur permet le transfert vers la mitochondrie des acides gras, qui proviennent de la lipolyse périphérique et qui vont alimenter la β-oxydation mitochondriale fortement productrice d ATP. Ainsi, la β-oxydation du palmitate (16 carbones) fournit 8 acétyl CoA, 7 FADH2, 7 NADH,H+, qui conduiront en définitive à la formation de 106 ATP (8). En définitive, le niveau du citrate cytoplasmique est comme celui de l ATP, un indicateur du niveau d énergie cellulaire, qui lui permet de réguler les entrées et les flux dans la glycolyse et le cycle de Krebs, en fonction de la production d ATP nécessaire, fournie par la phosphorylation oxydative. En régulant l activité d autres enzymes en aval, comme la sortie de la glycolyse au niveau de la PK, ou le point de jonction entre le cycle de Krebs et la phosphorylation oxydative au niveau de la SDH, le citrate aide à ajuster étroitement les flux avec la production finale d ATP. Lorsque la charge énergétique est abondante (ATP/AMP+ADP), l ATP et le citrate inhibent les voies cataboliques productrices d ATP (glycolyse, β- oxydation), tandis que les voies anaboliques de mise en réserve (néoglucogénèse, synthèse de glycogène et de lipides) sont stimulées. En donnant du citrate en excès à une cellule cancéreuse qui nécessite une production élevée d ATP, celuici va leurrer la cellule sur son niveau d énergie, et bloquer d un côté les voies productrices d ATP (glycolyse, cycle de Krebs, β-oxydation, voire phosphorylation oxydative), tout en activant dans le même temps les voies consommatrices (néoglucogénèse, synthèse des acides gras), ce qui va entraîner rapidement une déplétion énergétique intense. À la concentration de 10 mm de citrate, l arrêt de la prolifération de nos cellules en culture a été précoce, notée dès la 24ème heure d exposition (5, 45), avec blocage de la mitose en phase G0-G1. Certaines lignées, comme celles de cancers gastriques (BGC-823, SGC-7901), exposées à cette concentration de citrate (le double de concentration habituelle du glucose sanguin) étaient pratiquement totalement détruites par apoptose au 3ème jour d exposition (45). À cette même dose de 10 mm, un arrêt complet de la prolifération était observé dans la lignée MSTO-211H de mésothéliome avec de l apoptose. Ces cellules ont été totalement détruites par apoptose lorsqu on a ajouté une faible dose de cisplatine (5 µg/ml) au troisième jour d exposition au citrate (5), ces cellules étant sinon insensibles à cette dose de cisplatine. Enfin, exposées à 200 µm de 3-BrpA pendant 3 jours, ou à des concentrations de citrate allant au-delà de 20 mm, les cellules de mésothéliome NCI-H28, les plus réfractaires au cisplatine, ont pu être totalement détruites par un phénomène de nécrose. Les actions non énergétiques du citrate? Les mécanismes d action du citrate, en dehors de ses effets largement admis (inhibition de la PFK, activation de la fructose1,6-biphosphatase et de l ACC), sont encore pour le reste largement hypothétiques. Le citrate pourrait également stimuler la production de radicaux libres, si la phosphorylation oxydative est défaillante, dès lors que celle-ci est stimulée par la stimulation du cycle de Krebs suite à un apport de citrate. Au niveau nucléaire, une action du citrate est fort probable, car cette molécule traverse vraisemblablement facilement la membrane nucléaire via les pores nucléaires. Il a été récemment montré que les histones acétyltransférases (HATs), enzymes nucléaires qui acétylent les histones et permettent l expression de gènes par remodelage de la chromatine, sont régulées d un point de vue dynamique par les changements physiologiques de la concentration en acétyl-coa (72). Or le citrate est le seul donneur d acétyl pour l ATP citrate lyase (ACL) nucléaire, qui forme, tout comme l ACL cytoplasmique, de l acétyl-coa à partir du citrate. Ainsi, pourraient être liés physiologiquement, la consommation de nutriments métabolisés, reflété par le niveau de citrate, et la régulation de l acétylation des histones. Le citrate pouvant agir au niveau du génome, comme un activateur de gènes (néoglucogénèse, synthèse des acides gras), ou comme un répresseur (gènes glycolytiques). Dans ce cas, il s agirait d un mécanisme transcriptionnel peut-être similaire à celui décrit d une façon princeps par Jacob & Monod au sujet de l opéron lactose chez E. Coli, qui permet d adapter chez la bactérie, le taux de ces enzymes à l apport en nutriments nécessaires à la prolifération. L action nucléaire du citrate serait d autant plus intéressante à étudier, que les enzymes de la glycolyse et de la synthèse des lipides sont souvent surexprimés dans les cellules cancéreuses (10, 24, 25). En favorisant la réacétylation des histones, le citrate administré en excès pourrait agir d une façon similaire aux inhibiteurs de la déacétylation des histones, et avoir ainsi une action anticancéreuse (73), la désacétylation des histones jouant un rôle clé dans la réexpression de gènes (notamment embryonnaires) et/ou dans l expression des oncogènes (28). Le mécanisme d action du citrate n est donc pas univoque, d autant que nous avons observé qu il entraîne aussi l inhibition précoce de la protéine anti-apoptotique Mcl-1, qui joue

69 69 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : un rôle primordial avec la protéine Bcl-xL dans la chimiorésistance des cancers (55-57), en particulier du mésothéliome (6). Ainsi, chez nos cellules NCI-211H, les plus fortement résistantes au cisplatine, la combinaison d une faible dose de cisplatine (5 µg/ml) avec une combinaison de deux sirna dirigés l un contre Bcl-xL et l autre contre Mcl-1 a permis d éradiquer totalement ces cellules (6). Sachant qu il n existe à l heure actuelle peu ou pas d inhibiteurs spécifiques disponibles de Mcl-1, alors que des inhibiteurs de Bcl-xL font l objet d évaluations cliniques (molécules BH3 mimétiques tels que l antimycine A3 ou le gossypol, qui est en même temps un inhibiteur de la LDH (57)), le fait que le citrate puisse exercer un effet anti-mcl1 renforce son intérêt. Le citrate pourrait être associé utilement à des inhibiteurs de Bcl-xL, puisque l inhibition de ces deux verrous est nécessaire pour obtenir un effet cytotoxique, au moins dans le cadre du mésothéliome, comme nous l avons observé (6). Vers une utilisation en clinique? Une autre équipe ayant confirmé que le 3-BrPA permettait de potentialiser le cisplatine (65), ce produit, qui ne serait pas toxique pour les cellules normales (47,71), mériterait d être testé en clinique. Le citrate est un produit physiologique, et nous n avons retrouvé dans la littérature aucune toxicité décrite après l ingestion accidentelle de doses élevées. Une étude préliminaire de toxicité chez l animal a été menée au sein du Service de Pharmacologie clinique du CHU de Caen (A. Coquerel et al., données non publiées). Il s agissait de déterminer la dose maximale tolérable chez la souris après injection intrapéritonéale (voie d administration choisie en raison des études cliniques envisagées dans l avenir), ainsi que la toxicité aiguë et chronique dans différents organes (foie, cœur, reins, etc.). Des doses croissantes de citrate tamponné ont été administrées à 5-8 souris/lot depuis la dose de 50 mg/kg jusqu à la dose maximale de 12 g/kg. Le citrate ne s est avéré toxique qu à des doses élevées, la dose létale 50 % étant de 4 g/ kg, la dose minimale mortelle étant de 2 g/kg et la mortalité de 100 étant observée pour 8 g/kg. Après les injections intrapéritonéales (IP) nous n avons observé des signes de toxicité clinique aiguë que pour des doses > 500 mg/kg ; les signes cliniques observés étaient dans l ordre chronologique : immobilité, polypnée et cyanose des extrémités, hérissem*nt des poils, tremblements, puis convulsions. Ces dernières survenaient dans les 3 à 8 mn qui suivaient l injection. À l autopsie nous n avons noté que 2 cas d hémorragie intra-abdominale et 2 cas d ascite. Les doses observées pour la DL50 sont conformes à celles rapportées dans la littérature (fiche CAS des industries chimiques et alimentaires (74)) qui donnent pour DL5O 4 g/kg pour la souris et 6-11 g/kg pour le rat. La survenue de convulsions sous forte doses de citrate et les propriétés connues de chélateur du calcium de cet acide nous ont amené à traiter les animaux recevant des doses létales de citrate par du chlorure de calcium, injecté immédiatement après l injection intra-abdominale de citrate, avec une dose équimolaire. Tous les animaux ainsi traités ont alors survécu aux doses létales de citrate, ce que nous avons interprété comme la preuve indirecte qu une hypocalcémie sévère était la cause des convulsions et de la létalité aiguë. Cette réversion des convulsions et de la défaillance cardio-vasculaire par sel de calcium a été rapportée chez l animal (75). L hypocalcémie après administration de citrate a été également documentée en cas de transfusions sanguines massives associées à une défaillance hépatique en particulier après transplantation, le foie étant responsable du métabolisme du citrate. Dans de tels cas, l administration de chlorure de calcium permet de rétablir une calcémie normale et de supprimer la toxicité cardiovasculaire qui était liée à cette hypocalcémie (76). Nous avons réalisé une étude sur la toxicité chronique éventuelle du citrate sur les organes (étude histologique du foie, des reins et du cœur ; service d anatomo-pathologie du Pr Françoise Galateau). L étude des coupes histologiques n a rien révélé chez les souris traitées (10 animaux par groupe), soit 3 fois par semaine par une injection de 200 µg de citrate pendant 5 semaines, soit par 500 µg par injection 3 fois par semaine durant 3 semaines. Toutes ces souris étaient par ailleurs bien portantes avant d être sacrifiées. Il est intéressant de rapporter qu Halabé Bucay (77, 78) a testé le citrate par voie orale donné pendant plusieurs mois à un jeune patient de 10 ans, pesant 22 kg, atteint d un cancer médullaire de la thyroïde dans le cadre d une néoplasie endocrinienne multiple de type 2B. Le citrate de sodium étant ingéré par ce patient à la dose de 6 gr par jour (0,27 gr par kg) répartie en quatre prises, cet auteur a rapporté une diminution de plus de 50 % du taux de thyrocalcitonine (78). Même si des doses élevées de citrate de sodium par voie orale semblent pouvoir être tolérées chez l homme (les gastralgies doivent être prévenues par un anti-acide), des études de toxicité sont indispensables avant de pouvoir proposer ce produit en phase I, seul, et surtout en association avec la chimiothérapie conventionnelle (cisplatine), car, comme nous l avons observé, il existe des clones de cellules résistantes qui ne peuvent être détruites que par l association de citrate et de cisplatine (5). Dans le cadre de carcinoses péritonéales ou pleurales, l administration locale de citrate pourrait être intéressante à associer à une chimiothérapie hyperthermique à base de cisplatine. Sachant qu en intra-péritonéal, la dose efficace et non toxique que nous avons déterminé chez la souris était de 400 mg/kg (0,4 ml à 85 mm), (dose déterminée par paliers décroissants à partir d une dose mortelle de 2 g/kg), on peut supposer par extrapolation que la dose efficace chez un homme adulte de 70 kg devrait être de 28 g, dose qui pourrait être administrée par un cathéter péritonéal. Conclusion Le métabolisme biochimique dans la tumeur cancéreuse est perturbé mais ce sont les régulateurs hormonaux, les voies de signalisation et les aiguillages sur ces voies qui ont conduit à cette situation. Alors que le système métabolique normal est programmé pour produire de l énergie, des nutriments, des réserves ou encore de la matière, ces finalités qui dépendent d un petit nombre d aiguillages sont mal orientés en cas de cancer, où de la substance tumorale est produite au détriment des réserves, qui ne vise plus à produire des nutriments pour l organisme. Alors que les réserves sont utilisées normalement pour produire des nutriments, corps cétoniques et glucose, la tumeur cancéreuse utilise ces réserves en brûlant du glucose pour construire de la substance tumorale. En bloquant ce métabolisme, on enraille donc le processus et la prolifération tumorale. Pour toutes ces raisons, des antiglycolytiques comme le 3-BrpA et le citrate méritaient d être testés en clinique, en les associant particulièrement à la chimiothérapie conventionnelle à base de cisplatine, car ces agents semblent susceptibles de surmonter la chimiorésistance des cellules en les privant de l énergie nécessaire aux réparations des dégâts induits par la chimiothérapie. Ce genre d association apparaît donc fondamental à tester en clinique humaine. Références 1. Warburg O. On the origin of cancer cells. Science 1956 ; 123 : Warburg O. The Metabolism of Tumors. Constable and Company, Ltd. London 1930 ; 327 p. 3. Zhang XD, Deslandes E, Villedieu M, Poulain L, Duval M, Gauduchon P, Schwartz L, Icard P. Effect of 2-deoxy-D-glucose on various malignant cell lines in vitro. Anticancer Res 2006 ; 26 :

70 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Zhang X, Varin E, Briand M, Allouche S, Heutte N, Schwartz L, Poulain L, Icard P. Novel therapy for malignant pleural mesothelioma based on anti-energetic effect: an experimental study using 3-Bromopyruvate on nude mice. Anticancer Res 2009 ; 29 : Zhang X, Varin E, Allouche S, Lu Y, Poulain L, Icard P. Effect of citrate on malignant pleural mesothelioma cells: a synergistic effect with cisplatin. Anticancer Res 2009 ; 29 : Varin E, Denoyelle C, Brotin E, Meryet-Figuière M, Giffard F, Abeilard E, et al. Down-regulation of Bcl-xL and Mcl-1 is sufficient to induce cell death in mesothelioma cells highly refractory to conventional chemotherapy. Carcinogenesis 2010 ; 31 : Lehninger AL. Biochimie. Médecine-Sciences ; Stryer L, Berg JB, and Tymoczko JL. Biochimie. 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71 71 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : xl, but not Bcl-2, until displaced by BH3-only proteins. Genes Dev 2005 ; 19 : Warr M, Shore GC. Unique biology of Mcl-1: therapeutic opportunities in cancer. Current Mol Med 2008 ; 8 : Leist M, Single B, Castoldi AF, Kühnle S, Nicotera P. Intracellular adenosine triphosphate (ATP) concentration: a switch in the decision between apoptosis and necrosis. J Exp Med 1997 ; 185 : Lelli JL Jr, Becks LL, Dabrowska MI, Hinshaw DB. ATP converts necrosis to apoptosis in oxidant-injured endothelial cells. Free Radic Biol Med 1998 ; 25 : Paumen MB, Ishida Y, Muramatsu M, Yamamoto M, Honjo T. Inhibition of carnitine palmitoyltransferase I augments sphingolipid synthesis and palmitate-induced apoptosis. J Biol Chem 1997 ; 272 : Campbell PN, Smith AD. Biochimie illustrée, trad. Vaysse J & Pontet M. Maloine Pedersen PL, Mathupala S, Rempel A, Geschwind JF, Ko YH. Mitochondrial bound type II hexokinase: a key player in the growth and survival of many cancers and an ideal prospect for therapeutic intervention. Biochim Biophys Acta 2002 ; 1555 : Danial NN, Gramm CF, Scorrano L, Zhang CY, Krauss S, Ranger AM, et al. BAD and gluco*kinase reside in a mitochondrial complex that integrates glycolysis and apoptosis. Nature 2003 ; 424 : Pastorino JG, Hoek JB. Regulation of hexokinase binding to VDAC. J Bioenerg Biomembr 2008 ; 40 : Review. 65. Ihrlund LS, Hernlund E, Khan O, Shoshan MC. 3-Bromopyruvate as inhibitor of tumour cell energy metabolism and chemopotentiator of platinum drugs. Mol Oncol 2008 ; 2 : Taylor WM, Halperin ML. Regulation of pyruvate deshydrogenase in muscle. Inhibition by citrate. J Bio Chem 1973 ; 248 : Hillar M, Lott V, Lennox B. Correlation of the effects of citric acid cycle metabolites on succinate oxidation by rat liver mitochondria and submitochondrial particles. J Bioenerg 1975 ; 7 : Yalcin A, Telang S, Clem B, Chesney J. Regulation of glucose metabolism by 6-phosphofructo-2-kinase/fructose-2,6- bisphosphatases in cancer. Exp Mol Pathol 2009 ; 86 : Kim J-W, Dang CV. Multifaced roles of glycolytic enzymes. Trends in Biochemical Sciences 2005 ; 30 : King A, Selak MA, Gottlieb E. Succinate deshydrogenase and fumarate hydratase: linking mitochondrial dysfunction and cancer. Oncogene 2006 ; 25 : Marin-Hernández A, Gallardo-Pérez JC, Ralph SJ, Rodríguez- Enríquez S, Moreno-Sánchez R. HIF-1alpha modulates energy metabolism in cancer cells by inducing over-expression of specific glycolytic isoforms. Mini Rev Med Chem 2009 ; 9 : Wellen KE, Hatzivassiliou G, Sachdeva UM, Bui TV, Cross JR, Thompson CB. ATP-citrate lyase links cellular metabolism to histone acetylation. Science 2009 ; 324 : Mutze K, Langer R, Becker K, Ott K, Novotny A, Luber B, Hapfelmeier A, Göttlicher M, Höfler H, Keller G. Histone Deacetylase (HDAC) 1 and 2 Expression and Chemotherapy in Gastric Cancer. Ann Surg Oncol 2010 Jun 29. (Epub ahead of print) 74. Cf. Fiches internationales de sécurité chimique : acide citrique. Wikipedia ; ICSC : Vagianos C, Steen S, Masson P, Fåhraeus T, Sjöberg T, Kugelberg J, Solem JO. Reversal of lethal citrate intoxication by intravenous infusion of calcium. An experimental study in pigs. Acta Chir Scand 1990 ; 156 : Diaz J, Acosta F, Parrilla P, Sansano T, Bento M, Cura S, et al. Citrate intoxication and blood concentration of ionized calcium in liver transplantation. Transplant Proc 1994 ; 26 : Halabe Bucay A. The biological significance of cancer: mitochondria as a cause of cancer and the inhibition of glycolysis with citrate as a cancer treatment. Med Hypotheses 2007 ; 69 : Halabe Bucay A. Hypothesis proved... citric acid (citrate) does improve cancer: a case of a patient suffering from medullary thyroid cancer. Med Hypotheses 2009 ; 73 : 271.

72 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Autotraitement des dysfonctionnements érectiles par injections intracaverneuses de médications vaso-actives Étude d une cohorte de 542 patients suivis de 10 à 28 ans Erectile dysfunction self administered treatment: intracavernous injections (ICI) of vaso-active drugs R Virag Centre d études et de traitements de l impuissance, Paris. Mots clés Dysfonction érectile Autotraitement Injection intracaverneuse Médication vaso-active Résumé Objectifs. Les injections intracaverneuses (IIC) existent en tant que traitement de la dysfonction érectile (DE) depuis Nous présentons une cohorte de 542 patients qui suivent ce traitement depuis 10 à 28 ans. Le but essentiel était d évaluer son efficacité, sa tolérance et sa sécurité sur le long terme. Les items secondaires étaient les médications utilisées, l attitude vis-à-vis de la partenaire et la vie privée, les traitements additionnels et les affections intercurrentes. Méthodes. La cohorte représente 24,2 % des patients ayant commencé les IIC entre 1983 et Les critères d inclusion étaient un minimum de 10 ans de suivi. L information sur l utilisation du traitement, rythme, médicaments, dosage, maladies intercurrentes, évolution de la vie privée, a été obtenue en consultant notre base de données. Les données ont été analysées avec le programme informatique Statistica. Résultats. La médiane de l âge au moment du début de traitement était de 51 ans. La moyenne du suivi était de 14 ± 5 ans ; 41 % des patients avaient commencé le traitement depuis plus de 20 ans. Pour 34 % la DE était à prédominance organique, pour 28 % à prédominance psychologique et pour 38 % mixte. Au plus récent contrôle, 2/3 des patients continuaient le traitement. Diverses médications ont été utilisées. Les causes d arrêt prématuré du traitement étaient l amélioration (13 %), le passage au traitement par voie orale (27,5 %), l inefficacité (23 %), l abstinence (11 %), des problèmes intercurrents de santé ou le décès (6 %). Parmi les 163 patients ayant essayé les ipde5, 40 % le conservaient comme traitement unique. Concernant l utilisation des IIC, 79 % l utilisaient une à deux fois par semaine, 11 % moins, et 10 % étaient des utilisateurs fréquents. Pour leur vie sexuelle, 74 % des patients dépendaient des IIC. Des complications ont été signalées dans moins de 10 % des cas : maladie de La Peyronie et nodules intracaverneux (2,8 % chacun) et priapisme installé (1 %). Cinquante-deux pourcent des patients cachaient leur traitement à leur partenaire ; 3,3 % des couples ont eu un enfant grâce aux IIC. Un traitement androgénique a été installé dans 36 % des cas. Dans 4,3 % des cas un cancer prostatique a été dépisté lors des contrôles cliniques et dans 6 % une maladie coronaire a été démasquée. Conclusions. 75 % des patients utilisaient toujours les IIC après une moyenne de 14 ans d évolution, avec satisfaction et très peu de complications. Le maintien d une efficacité a nécessité une adaptation des doses ou un changement de médications dans la moitié des cas et seulement 15 % ont pu arrêter le traitement après un retour à la normale de leurs érections. Keywords Erectile dysfunction Self intracavernous injection Vaso-active drugs Abstract Objectives: Intracavernous injections (ICI) were introduced as self administered treatment in We present a cohort of 542 patients who had been under treatment for 10 to 28 years. Our main purpose was to evaluate ICI efficacy, tolerance, safety after long term usage. Secondary items were: different drugs used, attitude towards the partner, additional treatments and medical events along the survey. Design and Methods: the cohort represents 24.2% of the 2237 patients having started ICI between Inclusion criterion was 10 years minimal follow up. Information on the use of treatment, rate, dose, changes, complications, additional treatments, diseases and partner s issues was obtained from our data base, through visit/telephone within the year of the study (2009). Satisfaction rate and persistence of sexual activity were evaluated. Statistics were made with Statistica. Results: At treatment initiation, median age was 51 years-old, mean follow-up 14±5.4 years, 41% had started 20 years ahead. 34% presented organic, 28% psychogenic and 38 mixed etiology. At the most recent control, 2/3 was still using ICI and 1/3 of those who had stopped intended to restart. According to erectile dysfunction (ED) severity/progression various medications were used. Reasons to stop the treatment were: improvement (13%), Correspondance : R VIRAG, Centre d études et de traitements de l impuissance 8, rue de Duras PARIS. rvirag@wanadoo.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

73 73 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : oral therapy (27.5%), inefficacy (23%), abstinence (11%), health problems and/or death (6%). Of 163 patients who tried PDE5I, only 40% decided to keep it as sole treatment. 79% used ICI once-twice a week, 11% less and 10% are frequent users. 74% depended totally on ICI. Complications affected less than 10%: La Peyronie s and corporal nodules (2.8% each) and priapism (1%). 52% concealed the treatment from their partners; 3.3% enjoyed papaverine babies. Testosterone replacement was issued in 36%. (Prostatic cancer) PK occurred in 4.3% and CHD in 6%. Conclusions: 75% of patients were still using ICI after 10-27Y, with satisfaction and very few complications. Treatment efficacy needed changes of regimen in half the cases and only 13% were definitely cured. L autotraitement des dysfonctionnements érectiles (DE) par injections intracaverneuses (IIC) de médications vaso-actives est issu de la découverte en 1980 (1) de l action de la papavérine, un inhibiteur des phosphodiestérases, sur le tissu musculaire lisse et les artérioles des corps caverneux (CC). Cette découverte faite au cours d une intervention chirurgicale de pontage de l artère épigastrique sur les CC (fig. 1) est considérée aujourd hui comme un tournant décisif dans la compréhension des mécanismes cellulaires et hémodynamiques de l érection et, surtout, comme le début du traitement pharmacologique de l impuissance (2). Après une phase d évaluation et le constat clinique d une amélioration des érections de patients souffrant de DE d origine vasculaire (3), l autotraitement connut un développement rapide avec l adjonction à la papavérine de la phentolamine, un agent agissant sur les récepteurs alpha et aidant à la levée du tonus inhibiteur maintenant la verge flaccide (4, 5). Une étude extensive de différents agents pharmacologiques permit alors d établir une cartographie des médications pro- et anti-érectiles (fig. 2) (6) et d améliorer la réponse érectile, amenant davantage de patients à se traiter. Les accidents initiaux de priapisme induits par un surdosage en médications vaso-actives purent alors être évités et/ou traités (7). L ensemble de ces travaux initiaux fut réalisé par des cliniciens uniquement, l industrie pharmaceutique ayant tardé à s intéresser à la question, jusqu à la mise sur le marché de l alprostadil, une prostaglandine PGE1 (8). Les freins à l autotraitement furent la crainte de l injection, le risque de provoquer un priapisme et le développement possible d une fibrose du tissu caverneux (9) et, outre atlantique, la crainte de poursuites judiciaires. Cela amena le développement d autres voies d abord, en particulier la voie intra-urétrale, appelé système MUSE (10), qui se révéla beaucoup moins performante. En 1996, avec la mise sur le marché du sildénafil, l autotraitement par IIC fut installé comme traitement de deuxième ligne, réservé aux échecs du traitement par voie orale (11). Il conserve aujourd hui de très nombreuses indications, en particulier parce qu il offre l avantage d être un créateur d érection alors que les inhibiteurs de la phosphodiestérases de type V (ipde5) ne sont que des renforçateurs d érection. Ce travail présente l évolution à long terme du traitement par IIC sur une cohorte importante de patients ayant débuté leur traitement avant la mise sur le marché des traitements par voie orale. Patients et Méthodes L étude concerne 542 patients représentant 24,2 % des patient ayant commencé un traitement de 1982 à 1999 (minimum 10 ans de recul théorique) et pour lesquels on a des données récentes, depuis moins de 3 ans, et la certitude qu ils ont suivi le traitement par IIC plus de deux ans. Une première étude des dossiers a été effectuée, et les patients pour lesquels nous n avions pas de données récentes (moins de deux ans) ont été recontactés. Les informations actualisées ont été recueillies lors de visites de contrôle ou de réponses à un questionnaire, par téléphone ou courrier. Le questionnaire portait sur l utilisation du traitement (arrêt ou poursuite), sa modification éventuelle, les complications (priapismes, hématomes ou nodules), les affections intercurrentes, l évolution de la vie affective. L étude des dossiers permettait de connaître l étiologie initiale déterminée par l étude pluridisciplinaire préalable, la durée totale du traitement, les modalités techniques du traitement par IIC (médications utilisées, doses) et l adjonction et/ou la substitution par un traitement par voie orale ou chirurgical, les traitements concomitants et notamment la mise en place d un traitement androgénique. Lors des visites de contrôle, l état local était vérifié par l examen du pénis et, en cas de nécessi- Figure 2 Liste des médications testées en intracaverneux. Extrait de Papavérine et Impuissance : la voie pharmacologique (6). Figure 1 Schéma décrivant la première injection intracaverneuse de papavérine lors d une intervention pour anastomose entre artère épigastrique et corps caverneux (2a). L artère étant spasmée, on injecte 80 mg de papavérine (2b) : l artère se dilate et une érection se produit qui résiste au clampage de l artère (2c). Epigastric artery Papavérine Clamp 2a 2b The first intracavernous injection in c

74 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Initial Final mono bi tri poly Figure 3 Évolution des différentes médications utilisées au début et en fin d évolution. té, par une échographie. L ensemble des données recueillies a été colligé dans une base de données et analysé par le logiciel de statistiques Statistica. Résultats La médiane de l âge au début du traitement était de 51 ans, avec des extrêmes allant de 19 à 76 ans. La moyenne du temps de suivi était de 14 (± 5,6) années. Pour 56,5 % des patients, l information la plus récente datait de moins de deux ans. À ce stade, 2/3 des patients continuaient le traitement et un tiers de ceux qui l avaient arrêté souhaitait le reprendre. La cause était purement organique dans 34 % des cas, strictement fonctionnelle (non liée à une détérioration physique de l érection) dans 28 % des cas et mixte dans 38 % des cas associant altérations vasculaires, neurologiques et/ou hormonales et participation psychologique, essentiellement une angoisse de l échec. Dans 36 % des cas, un traitement androgénique a été installé d emblée ou au cours de l évolution. Concernant l utilisation des IIC, 74 % des patients étaient totalement dépendants du traitement, 15 % de façon occasionnelle et 11 % en alternance avec un traitement par voie orale. La fréquence des injections était de deux fois par semaine dans 79 % des cas ; 10 % étaient des utilisateurs fréquents (3 fois par semaine et plus) et 11 % très occasionnels (une fois par mois et moins). La figure 3 montre l évolution des médications utilisées : uni-, bi-, tri- ou multithérapies (12). Près d un tiers des patients signalaient un meilleur contrôle de l éjaculation, grâce à la stabilité de l érection pharmacologiquement induite. La monothérapie utilisait soit la papavérine seule, soit l alprostadil ; la bithérapie l un ou l autre de ses produits et un alphabloquant (tartrate d ifenprodil ou chlorydrate d urapidil) ou un dopaminergique (piribédil) ; la trithérapie, un mélange des trois. Enfin pour la multithérapie, étaient associés aux trois classes précédentes, un inhibiteur calcique (l isoptine) et du sulfate d atropine (12). Quarante pourcent des patients conservaient le traitement initialement préconisé ; 49 % avaient besoin d un renforcement et 1,5 % l avaient diminué. Le taux global des complications était inférieur à 10 %. Un priapisme sévère a été constaté dans 5 cas (0,9 %) et 8,5 % ont utilisé l étiléfrine (13) pour réduire des érections prolongées (au-delà de 3 heures). Sur le plan morphologique, des nodules intracaverneux (fig. 4) étaient perceptibles dans 3 % des cas. Une déformation permanente, de type maladie de La Figure 4 Échographie du pénis montrant une lésion nodulaire intracaverneuse (fléche verticale) et une réaction sous jacente de l albuginée (flèche oblique). Peyronie, était également observé dans 3 % des cas, tout comme la présence de douleurs lors de l érection induite par l injection. Concernant l évolution, lors du contrôle initial des dossiers (avant relance) 61 % des patients avaient poursuivi le traitement, 36 % l avaient arrêté pour des raisons variables (Tableau 1) : 55 d entre eux pour passage aux ipde5. Au total, 163 patients (30 % de la cohorte) ont essayé les ipde5 à un moment de l évolution : pour 20 % le traitement par voie orale a été inefficace, pour 40 % il était actif mais moins efficace que les IIC et utilisé en alternance avec ces dernières, et pour 40 % les ipde5 étaient devenus le traitement exclusif avec abandon des IIC. Parmi les 149 patients ayant arrêté le traitement depuis plus de 3 ans, 57 l ont repris, 45 se sont vus proposer une intervention chirurgicale (implants pour 42 et chirurgie vasculaire pour 3), 5 sont décédés, 16 ont décidé d interrompre leur vie sexuelle, et 26 sont perdus de vue. Au total, 405 patients (75 %) demeuraient répondeurs au traitement par IIC et le poursuivaient ou le reprenaient. Parmi les affections intercurrentes survenues après l installation du traitement, les affections coronaires ont concerné 49 patients (9 %) et le cancer de la prostate 30 (5,5 %). Dans 36 % des cas existait ou apparaissait une diminution du taux de testostérone globale et surtout biodisponible. Une compensation par voie parentérale était recommandée lorsque celui-ci chutait sous un 1 ng/ml. En termes de vie privée, 154 patients (28,4 %) ont changé une ou plusieurs fois de partenaires au cours de l évolution, suite à un veuvage (n = 24) ou à une séparation (n = 130). Le traitement a permis des naissances dans 27 couples (5 %). On note une hom*osexualité déclarée chez 2 % de ces patients. Enfin, dans 48 % des cas les patients n informaient pas leur(s) partenaire(s) de la nature du traitement. Amélioration 13 % Passage voie orale 27,5 % IVS/veuvage/sep 11 % Décès 2.6 % Tt mal accepté 12 % Détérioration 23 % Affection intercurrente 3.6 % Tableau 1 Causes de l arrêt des injections intracaverneuses lors de l évaluation initiale de la cohorte

75 75 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Figure 5 Tissu caverneux humain. En rouge la fibre musculaire lisse, en bleu les noyaux et en vert l endothélium tapissant les lacunes. Discussion Les caractéristiques du traitement par IIC sont aussi les raisons de son efficacité. Pour être efficace, il ne demande ni stimulation, ni transmission du message neurologique. Son action, une fois déclenchée, est renforcée par les réflexes proprioceptifs initiés par le remplissage des corps caverneux (13). La stabilité et la durabilité de l érection permettent un meilleur contrôle de l éjaculation. D emblée, apparaît la différence fondamentale avec les ipde5 actifs par voie orale mais uniquement renforçateur d une érection induite par les stimulis sexuels, alors que l IIC la crée. On objectera que la voie orale permet un déroulement de l acte sexuel plus naturel. Cependant, de très nombreux patients ne peuvent déclencher (causes neurologiques) ou entretenir suffisamment (causes vasculaires) l érection avec le traitement par voie orale. À ce titre, il est intéressant de noter que seuls 40 % des patients de notre cohorte ayant essayé les ipde5 ont adopté définitivement ce traitement et que pour 60 % il était soit inefficace, soit moins actif que les IIC. Une fois vaincue la crainte de l injection, ces patients qui continuaient longtemps le traitement soulignaient le grand confort psychologique et physique procuré par la certitude d obtenir une érection de qualité. L angoisse de l échec si fréquente se trouve complètement gommée. Depuis l utilisation initiale de la papavérine (1, 6) puis des alphabloquants en association (4, 5) est apparu l alprostadil aujourd hui la médication la plus employée (8). En France, c est le seul produit ayant reçu l AMM pour cette indication, encore commercialisé, alors que les autres médications utilisées que ce soit seules, ou en association, le sont sous la responsabilité de leurs prescripteurs. Or, l alprostadil utilisé isolément se révèle peu efficace en cas de fuite cavernoveineuse et parfois douloureuse, surtout dans la DE consécutive au traitement chirurgical et/ou radiothérapique du cancer de la prostate. La complexité biochimique du phénomène érectile explique l efficacité supérieure des associations de médications agissant sur les différentes étapes du processus érectile (fig. 3). De très nombreuses médications ont montré leur efficacité et sont utilisées soit isolément, soit en association. Deux éléments semblent prédominants : le blocage du tonus sympathique permanent maintenant le pénis à l état de flaccidité et la relaxation de la musculature lisse artérielle et caverneuse. Le premier objectif est l apanage des substances bloquant les récepteurs alpha. Le second demande des substances agissant sur l une et/ou l autre voie d activation de la relaxation à savoir le GMP ou l AMP cyclique. Un acteur important du processus est l endothélium tapissant les lacunes caverneuses (fig. 5). Cette structure fournit le NO qui entretient l érection (14). Son altération, importante sous l influence des facteurs de risque vasculaire, semble être le facteur limitant essentiel à l efficacité des IIC (15). L un des enseignements principaux de cette étude à long terme est la bonne tolérance générale et locale du traitement. Sur le plan général, les effets secondaires étaient totalement absents, ceci étant expliqué par le très faible passage des produits injectés dans la circulation générale. Sur le plan local, le pourcentage des lésions fibreuses intracaverneuses ou sur l albuginée était extrêmement faible et semble indépendant des médications utilisées. Ce résultat est en contradiction avec les données courantes de la littérature soulignant les risques de fibrose avec l utilisation fréquente et à long terme du traitement (17). Quant au risque de priapisme, il était presqu entièrement jugulé par la prévention potentielle par l étiléfrine (18). En effet, la prescription de cet alpha stimulant d utilisation aisée fait partie du protocole d installation du traitement (19). De ce dernier dépendent la bonne efficacité et l absence de complications, éléments indispensables de l acceptation du traitement et de sa poursuite à long terme. Le dosage initial et la médication choisie dépendent de l étiologie, du stress prévisible du résultat des tests faits au cabinet du médecin, temps indispensable pour apprendre et se familiariser avec la méthode. La période d essai doit être courte pour appréhender le bon dosage pour un temps d érection maximum de 2h30. Le patient sait qu au-delà d une durée de 3h en érection complète, il convient d administrer l étiléfrine (6 mg). Les priapismes (5 %) observés dans notre série provenaient de patients n ayant pas bien observé les recommandations. Le taux de satisfaction était très élevé, mais c est sans surprise chez des patients ayant suivi aussi longtemps le traitement. Ceci ne préjuge certes pas d un taux qui engloberait la totalité des patients ayant débuté ce traitement. Beaucoup plus significatif est le pourcentage élevé de patients continuant le traitement en dépit de l essai des ipde5, même lorsqu ils sont actifs. La qualité de l érection, la durabilité de l acte même après éjaculation et l absence d effets secondaires sont les raisons les plus fréquemment citées pour préférer les IIC au traitement par voie orale. En définitive, ce sont trois patients sur quatre de cette cohorte qui continuaient de se traiter avec satisfaction avec les IIC. À la lumière de ces résultats, le positionnement de ce traitement mérite d être reconsidéré et proposé de première intention sans attendre un échec probable des ipde5 dans les suites de la chirurgie des cancers de prostate, vessie et colorectaux, dans les angoisses importantes de l échec et dans les DE d origine neurologique (SEP, atteinte médullaire basse, séquelles d AVC), et très rapidement pour les patients ayant des effets secondaires importants avec les ipde5. Conclusion L autotraitement des DE par IIC mérite, à la lumière des résultats de cette série rétrospective de suivi à long terme, d être reconsidéré en tant que traitement de première ligne dans de nombreuses DE. Références 1. Virag R. Intracavernous injection of papaverine for erectile failure. Lancet 1982 ; 2 : Virag R. Comments from Ronald Virag on intracavernous injection: 25 years later. J Sex Med 2005 ; 2 : Virag R, Frydman D, Legman M, Virag H. 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77 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Chirurgie conservatrice des cancers du larynx : de la chirurgie partielle par voie cervicale à la chirurgie minimale invasive Conservation laryngeal surgery: from open surgery to minimally invasive techniques D Brasnu Professeur des Universités, chef de service, Responsable médical du Pôle Cancérologie Spécialités. Service d oto-rhinolaryngologie et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital Européen Georges Pompidou, Université Paris Descartes, Faculté de médecine, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Laboratoire de phonétique et de phonologie CNRS-UMR Mots clés Larynx Cancer Chirurgie conservatrice Chirurgie minimale invasive par voie endoscopique Chirurgie transorale assistée par robot Résumé La chirurgie conservatrice laryngée des cancers est née à la fin du XIXe siècle. Elle s est développée au XXe siècle avec les laryngectomies partielles verticales, puis les laryngectomies supraglottiques et les laryngectomies partielles supracricoïdiennes. Ces techniques s adressent aux cancers classés T1, T2 et certains T3. Les objectifs sont : 1/ sur le plan carcinologique d obtenir un excellent contrôle local, d éviter un décès lié au cancer et d éviter une laryngectomie totale, 2/ sur le plan physiologique de préserver le sphincter laryngé et d assurer une déglutition sans sonde d alimentation permanente et sans fausses routes ni pneumopathie d inhalation et de préserver la phonation et la respiration sans trachéotomie permanente. La chirurgie minimale invasive s est développée avec les applications du laser C02 à partir des années La chirurgie par voie endoscopique au laser permet de réaliser des cordectomies et des laryngectomies supraglottiques typiques et étendues. La chirurgie transorale assistée par robot s est récemment développée. Elle permet des résections difficilement réalisables par voie endoscopique. La vision est stable en 3 dimensions avec un grossissem*nt multiplié par 10. Les suites opératoires sont significativement simplifiées par rapport à la chirurgie partielle par voie externe. La durée d hospitalisation est réduite, une trachéotomie transitoire n est pas nécessaire et la reprise de la déglutition est beaucoup plus rapide. Les résultats oncologiques de la chirurgie par voie endoscopique analysés sur 90 articles (PubMed) publiés pendant les quatre dernières années montrent des taux de contrôle local et de préservation laryngée identiques à ceux de la chirurgie partielle par voie externe. Keywords Larynx Cancer Conservative surgery Minimally invasive surgery Transoral robotic surgery Abstract The first cases of laryngeal partial surgery for laryngeal cancers were performed during the 19th century. Open vertical partial laryngectomies were initially described in the 20th century followed by supraglottic laryngectomies and more recently by supracricoid partial laryngectomies. These surgical techniques are indicated for early stage laryngeal cancers (T1-T2) and selected T3 tumors. The objectives of laryngeal conservation surgery are as following: i/ to avoid a local laryngeal tumor recurrence, to avoid a total laryngectomy and death related to cancer, ii/ to preserve the laryngeal sphincter without aspiration and pneumonia from aspiration, and a functional swallowing without a permanent feeding, iii/ to preserve phonation and respiration without a permanent tracheostomy. Minimally invasive techniques using C02 laser were initially described in Transoral C02 laser resections include various cordectomies and supraglottic laryngectomies. Transoral robotic surgery is a new technique offering an excellent 3 D stable vision with a 10 magnification. After minimally invasive surgery, postoperative morbidity is reduced, transient tracheotomy is not necessary, swallowing recovery is faster and duration of hospitalization is shorter. Oncological results published in the international literature (90 articles published between 2006 and 2010 selected in PubMed) show that local control and laryngeal preservation rates are identical after minimally invasive surgery and open conservation surgery. Le larynx est l un des organes clés de la vie de relation. Sa fonction primitive est sphinctérienne. Il a un rôle fondamental dans la physiologie de la déglutition, de la respiration et de la phonation. Ainsi, les traitements du cancer du larynx peuvent compromettre ce rôle sphinctérien et générer une altération de la qualité de vie des patients. Ces dernières années, en termes de stratégie thérapeutique, le concept de préservation d'organe (le larynx) est devenu le gold standard dont les objectifs sont d obtenir un meilleur contrôle locorégional du cancer et de préserver les fonctions physiologiques laryngées dont dépend la qualité de la vie de relation du patient. Au cours de la dernière décennie, le dogme du traitement du cancer du larynx reposant sur la chirurgie par voie externe, partielle ou totale en première inten- Correspondance : Professeur Daniel Brasnu, Service d ORL et de Chirurgie Cervico-faciale, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, Paris cedex daniel.brasnu@egp.aphp.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

78 78 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : tion, a été reconsidéré reléguant ces techniques au traitement des récidives locales. Les progrès dans le domaine de la chirurgie endoscopique au laser, la radiothérapie, la chimiothérapie et l utilisation combinée de ces traitements a permis d obtenir des résultats identiques à ceux de la chirurgie par voie externe dans les cancers débutants et avancés du larynx (1). La chirurgie minimale invasive des cancers du larynx est réalisée aujourd hui par voie endoscopique à l aide du laser C02 et, plus récemment, elle est assistée par robot. Historique La chirurgie conservatrice des cancers du larynx et du pharynx regroupe un ensemble de techniques chirurgicales décrites pour certaines dès le XIXe siècle. Ainsi, le concept de préservation d organe par la chirurgie conservatrice n est pas récent. Il a fallu attendre que se développe une meilleure connaissance des voies d extensions des cancers du larynx et de l hypopharynx pour que la chirurgie conservatrice prenne son essor. Dès le XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, quelques chirurgiens avaient tenté de traiter les cancers du larynx par chirurgie partielle par une thyrotomie, tels Pelletan (1788), Braouers (1834), Solis-Cohen (1860), Sand et Bowes (1863). La première laryngectomie totale fut décrite par Billroth en décembre 1873 reprise ensuite par Gluck et Périer. Un an plus tard Billroth rapportait la première hémilaryngectomie. En 1876, Isambert publiait une série de cinq patients traités par laryngectomie partielle. Au cours du XXe siècle plusieurs évolutions importantes ont permis d améliorer le traitement chirurgical des cancers du larynx. Le développement de l anesthésie, d abord locale puis générale, associée à la réanimation et l apparition des antibiotiques ont permis de réduire la morbidité et la mortalité postopératoires. L amélioration des connaissances sur les localisations anatomiques des cancers du larynx (supraglottique, glottique et sous-glottique) et leurs voies d extension intra et extra-laryngées, macroscopiques puis microscopiques ont permis d affiner le diagnostic et de préciser les indications respectives des techniques de chirurgie conservatrice laryngée (Rouvière, Leroux-Robert, Baclesse, Lederman, Kirchner). Parallèlement, le perfectionnement de l examen clinique a permis une meilleure visualisation du larynx avec tout d abord la découverte du miroir laryngé (Manuel Garcia, 1854) et, plus récemment, l examen laryngé à l aide d optiques rigides et du nasofibroscope (Sawashima & Hirose, 1968) couplées à la vidéo. Au cours du XXe siècle, trois périodes se sont succédées correspondant au développement des trois grandes catégories de chirurgie conservatrice laryngée : la chirurgie partielle verticale du plan glottique puis la chirurgie partielle supraglottique, et enfin la chirurgie partielle supracricoïdienne. La chirurgie partielle verticale du plan glottique a été développée en Europe et aux États-Unis dès le début du XXe siècle. Les principales interventions sont les suivantes : la thyrotomie avec cordectomie, les laryngectomies partielles verticales : laryngectomie fronto-latérale décrite par Leroux Robert (2), la laryngectomie frontale antérieure et l hémilaryngectomie. La chirurgie partielle horizontale de l étage glottique a été développée dans les années Elle a permis de diminuer le taux d échec local de certaines tumeurs glottiques traitées par laryngectomie partielle verticale. Il s agit de la glottectomie horizontale décrite par Calléaro (1978), la glottectomie translaryngée (Traissac 1984) et la laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie (Kambic- Tucker). Les laryngectomies supraglottiques typiques et étendues sont apparues un peu plus tard à partir des travaux anatomiques de Rouvière (1932), Leroux-Robert (1935), et radiologiques de Baclesse (1939). Cette chirurgie a été introduite en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud sous l impulsion de Huet avec la hyothyroépiglottectomie en 1938, Alonso qui décrivit la laryngectomie supraglottique en 1947, suivi par Leroux-Robert (1955), Ogura et Som à qui revient la description de la laryngectomie supraglottique en un temps (1958). Les laryngectomies partielles supracricoïdiennes (LPSC) avec la résection totale du cartilage thyroïde se divisent en : laryngectomies partielles supracricoïdiennes avec reconstruction par crico-hyoïdo-épiglottopexie, décrites en 1959 par Majer et Riedel, codifiées par Piquet en 1974 et indiquées dans les cancers glottiques étendus, et les laryngectomies partielles supracricoïdiennes avec reconstruction par crico-hyoïdo-pexie, décrites par Labayle (1971) et indiquées dans les cancers supraglottiques étendus. Ces techniques de laryngectomies partielles supracricoïdiennes ont été diffusées en Europe et aux États-Unis par Laccourreye, Brasnu et Piquet dans les années Elles sont une alternative à la laryngectomie totale dans des cas sélectionnés de cancers du larynx (3). Chirurgie minimale invasive par voie endoscopique La chirurgie par voie endoscopique a bénéficié de la découverte de la laryngoscopie directe par Kilian (1898) et Chevalier Jackson (1907), suivi par la description de la microlaryngosopie en suspension décrite par Kleinssaser (1968), et plus récemment par l apparition des optiques grossissantes couplées à la vidéo. C est la découverte du laser par Maiman en 1960 qui a révolutionné les techniques endoscopiques laryngées. Dès 1970, Strong et Jako rapportaient les premiers cas de microchirurgie laryngée au laser C02 (4). Les mêmes auteurs publiaient en 1975 la première série de cancers du larynx traités par voie endoscopique au laser en 1975 (5). La chirurgie par voie endoscopique au laser des cancers du larynx s est ensuite développée à partir des années 1980 sous l impulsion de plusieurs auteurs (6-12). En 2005, la première application du robot en chirurgie laryngée a été décrite par McLeod (13) et développée par Weinstein sous le terme de chirurgie transorale assistée par robot (14). Principes de la chirurgie par voie endoscopique au laser L exérèse des laryngectomies partielles par voie externe est très codifiée et prédéfinie. Ainsi une laryngectomie supraglottique par voie externe consiste en l ablation de l ensemble de la région supraglottique du larynx. La résection se fait en monobloc et la reconstruction laryngée est réalisée dans le même temps opératoire. La chirurgie endoscopique au laser est différente, il s agit d une chirurgie «à la carte». L exérèse est réalisée par voie endoscopique sous microscope opératoire permettant la visualisation au travers de l endoscope des différentes structures telles que l épithélium, la graisse, les tissus musculaires, glandulaires et cartilagineux. Il est possible de différencier les tissus tumoraux des tissus sains qui sont préservés. La tumeur peut être au besoin fragmentée avec le rayon laser sans risque d essaimage, il ne s agit pas d une chirurgie d exérèse en monobloc. Il n y a pas de reconstruction associée dans le même temps opératoire, la cicatrisation se fait spontanément par épithélialisation progressive. La durée de l intervention par voie endoscopique au laser est identique à celle de la chirurgie par voie externe. L exposition du larynx doit être de bonne qualité pour réaliser une exérèse complète sous contrôle de la vue. Le chirurgien doit visualiser parfaitement

79 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : la zone opératoire afin de conserver les structures anatomiques saines et réséquer les structures atteintes par la tumeur. Contrairement à la chirurgie par voie externe, la chirurgie par voie endoscopique nécessite de réséquer des structures saines afin d exposer la tumeur. Ainsi, la résection du pli ventriculaire permet une excellente visualisation de l espace paraglottique. La résection du pied de l épiglotte est nécessaire pour exposer puis réséquer les tumeurs atteignant ou provenant de la commissure antérieure. La résection d une partie de l épiglotte suprahyoïdienne peut être nécessaire pour exposer certaines tumeurs glottiques et de l épilarynx latéral. Une exposition insuffisante doit toujours conduire à une autre technique de traitement. La société européenne de laryngologie a publié une classification des différentes cordectomies (15). Cette classification est très utile pour l interprétation et la comparaison des résultats. La cordectomie de type I est sous épithéliale, seul l épithélium est réséqué et le ligament vocal préservé. La cordectomie de type II est sous ligamentaire préservant le muscle vocal. La cordectomie de type III est transmusculaire. La cordectomie de type IV correspond à la résection complète de la corde vocale, la quantité de tissu réséqué est identique à celle réséquée dans une cordectomie par voie externe. Les cordectomies de type V se subdivisent en Va avec résection complète de la corde vocale étendue à la commissure antérieure, Vb cordectomie étendue à l aryténoïde, Vc cordectomie étendue à la région supraglottique, et Vd cordectomie étendue à la sous glotte. La cordectomie de type VI a été décrite plus récemment (16), elle s adresse aux tumeurs provenant de la commissure antérieure. Il est possible d associer sur un même patient plusieurs types de cordectomies (type II sur la partie postérieure d une corde et type I à la partie antérieure, par exemple). Une classification des laryngectomies supraglottiques a été proposée en 2009, elle est plus complexe et d utilisation peu répandue (17). La chirurgie endoscopique au laser des cancers du larynx a plusieurs avantages. Les tissus normaux ne sont pas intéressés par l intervention. Il n y a pas d incision cutanée, ni d incision du muscle platysma. Les muscles sus- et sous-hyoïdiens sont préservés et ne sont pas sectionnés. L os hyoïde et les nerfs laryngés supérieurs sont préservés conservant la suspension du larynx et son ascension lors de la déglutition. La sensibilité proprioceptive de l étage supraglottique est intacte permettant au sphincter laryngé de conserver sa fonction et d éviter les fausses routes. Cette chirurgie par voie endoscopique évite les effets secondaires de la radiothérapie. En cas d échec local ou de cancer métachrone, tous les traitements peuvent être réalisés : ré-intervention par voie endoscopique au laser s il est possible, chirurgie partielle laryngée par voie externe, et la radiothérapie (18). Résultats fonctionnels de la chirurgie par voie endoscopique au laser Les suites opératoires de la chirurgie par voie endoscopique au laser sont plus simples qu après chirurgie par voie externe, avec une réduction de la durée d hospitalisation et de meilleurs résultats fonctionnels. Après une cordectomie par voie endoscopique au laser, la durée d hospitalisation est réduite par rapport à une laryngectomie partielle verticale, allant de un à trois jours. Il n y a pas de trachéotomie ni de sonde d alimentation. La déglutition et la phonation sont reprises le jour même de l intervention. Plusieurs études n ont pas révélé de différence en termes de qualité vocale entre les patients traités par cordectomie par voie endoscopique et ceux traités par radiothérapie (19-21). Après une laryngectomie supraglottique au laser, il n y a pas de trachéotomie transitoire en l absence de complication. La reprise de la déglutition est soit immédiate chez des patients sélectionnés soit après une alimentation par sonde nasogastrique de 5 à 10 jours (22-25). La durée d alimentation par sonde nasogastrique après laryngectomie supraglottique au laser est significativement inférieure à la durée d alimentation par sonde après une laryngectomie supraglottique par voie externe (9,53 jours contre 16,95 jours) (26). La reprise rapide de la déglutition est expliquée par la récupération d un réflexe de fermeture glottique efficace 48 à 72 heures après l acte chirurgical. Après laryngectomie supraglottique par voie externe, le réflexe de fermeture glottique est inefficace pendant au moins trois semaines. Le déficit sensitif crée par la section du nerf laryngé supérieur est définitif (27). Résultats oncologiques de la chirurgie endoscopique au laser Les taux de contrôle local après chirurgie conservatrice par voie externe sont, à 5 ans, de 92 à 95 % pour les cancers glottiques, 92 à 94 % pour les cancers supraglottiques et 90 à 95 % pour les cancers de l hypopharynx et de l épilarynx (28). Les taux de préservation laryngée sont élevés, de 95 à 100 % pour les cancers glottiques, 92 à 95 % pour les cancers supraglottiques, et 85 à 100 % pour les cancers de l hypopharynx et de l épilarynx (28). Malgré ces résultats excellents, la chirurgie conservatrice par voie externe n est plus indiquée en première intention mais seulement pour le traitement des échecs survenant après traitement. Quatre-vingt dix articles référencés sur PubMed ont été publiés entre 2006 et 2009 sur le traitement des cancers du larynx par voie endoscopique au laser. En se référant uniquement aux résultats des cohortes importantes (niveau 3 et 4 de la médecine de preuve), la chirurgie par voie endoscopique au laser permet d obtenir des résultats identiques à ceux obtenus par la chirurgie par voie externe (1). Le contrôle local est de 81 à 94 % pour les cancers glottiques et le taux de préservation laryngée de 95 à 99 % sur des cohortes importantes comportant respectivement 142, 189, 76 et 195 patients (29-32). Une étude a comparé la chirurgie conservatrice par voie externe à la chirurgie par voie endoscopique au laser sur une cohorte de 438 cancers glottiques ; les résultats oncologiques sont identiques entre les deux techniques avec une morbidité postopératoire réduite après chirurgie endoscopique au laser (33). Pour les cancers supraglottiques, le contrôle local varie de 79 à 100 % pour les cancers classés T1, de 67 à 100 % pour les T2 et T3 sur des cohortes comportant respectivement 285, 141, 53, 50 et 45 patients (34-37, 25). Chirurgie transorale assistée par robot Le premier cas de chirurgie assistée par le robot Da Vinci (Intuitive Surgical, Sunnyvale, California, USA) a été réalisé en 1997 ; il s agissait d une cholécystectomie par voie laparoscopique. La chirurgie par voie transorale assistée par robot s est développée tardivement en comparaison avec les applications en chirurgie digestive, pédiatrique, gynécologique, thoracique et en urologie. Ce retard à l utilisation du robot est expliqué par le fait qu il a été créé pour réaliser des interventions par un abord cœlioscopique. L ergonomie du robot Da Vinci s applique mal à la chirurgie ORL par voie endoscopique. Il faut introduire par la bouche du patient les instruments et le vidéo-endoscope couplés avec les volumineux bras du robot, pour atteindre les structures anatomiques sous jacentes. Le premier cas dans le domaine de l oto-rhinolaryngologie a été rapporté en 2005 pour la résection d un kyste valléculaire (13). La chirurgie assistée par robot a été ensuite appliquée au traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures sous l impulsion de Weinstein et O Malley (38). Les résultats rapportés dans la littérature concernent les modalités des suites opératoires et les applications à différents sites anatomiques des voies aérodigestives supérieures (38, 39).

80 80 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : La chirurgie transorale assistée par robot a plusieurs avantages par rapport aux autres techniques chirurgicales : la qualité de la vision. La chirurgie assistée par robot permet d obtenir une qualité de vision exceptionnelle en trois dimensions et en haute définition (la chirurgie pratiquée avec des vidéo-endoscopes et sous microscope est en deux dimensions) dont le grossissem*nt est multiplié par un facteur dix, la vision est stable, l optique étant fixée sur l un des bras articulé du robot ; la gestuelle est plus précise et plus fine, éliminant le tremblement physiologique. Il y a une plus grande liberté dans les trois axes de l espace ; l ergonomie est meilleure pour le chirurgien qui est assis à la console ; les patients bénéficient aussi de cette technique avec une réduction de la durée d hospitalisation, des suites opératoires simplifiées et une meilleure qualité de vie. Les inconvénients de la chirurgie transorale assistée par robot sont avant tout le prix d acquisition du robot, de la maintenance et des instruments à usage limité. Sur le plan technique, il n y a pas de reconnaissance tactile sur le modèle actuel, obligeant un chirurgien assistant à palper certaines structures anatomiques pour permettre leur identification (os hyoïde, cartilages thyroïde et cricoïde), le risque hémorragique peropératoire impose la présence d un chirurgien à la tête du patient pour réaliser une hémostase à l aide de microclips (geste impossible avec l aide du robot). Le conflit entre les trois bras du robot placés dans un espace de volume réduit comme la cavité orale peut conduire à l abandon de la technique et à la conversion en technique conventionnelle. L électrocoagulation et l ultracision génèrent un effet thermique en profondeur, ne permettant pas l utilisation au niveau des cordes vocales. Une autre limite de la technique est la mauvaise exposition du champ opératoire qui doit toujours conduire à l arrêt de la chirurgie assistée par robot et à la conversion vers une autre technique, endoscopique ou par voie externe. Enfin, une formation spécifique de l équipe chirurgicale et de l équipe de salle d opération sont indispensables. Dans l avenir, il sera possible d adapter sur l un des bras du robot un laser CO2 transmis par fibres, permettant des applications au niveau des régions glottique et sous glottique du larynx. Les nouvelles technologies permettront une miniaturisation et le développement de robots moins encombrants qui permettront des gestes plus précis et l accès à des régions anatomiques inaccessibles aujourd hui par cette technique. Conclusion L utilisation des endoscopes, du microscope opératoire, des optiques grossissantes, du laser et, plus récemment, du robot a eu un impact significatif sur le développement de la chirurgie minimale invasive par voie endoscopique des cancers des voies aérodigestives supérieures. Cette chirurgie minimale invasive a réduit les pertes sanguines, la morbidité postopératoire, et la durée d hospitalisation. La qualité de vie des patients a été améliorée (qualité de la voix et de la déglutition) sans obérer les résultats oncologiques. Malgré les améliorations techniques de la chirurgie minimale invasive par voie endoscopique des cancers du larynx en termes de qualité de vision du champ opératoire, une exposition de bonne qualité est toujours une difficulté. Le chirurgien est à distance du champ opératoire, l endoscope est de taille réduite autorisant un nombre limité d instruments, il n y a pas de vision en trois dimensions. Le chirurgien est le seul opérateur, l aide visualise le champ opératoire soit au travers d une optique latérale du microscope soit sur un moniteur. Les modalités d apprentissage de cette chirurgie sont différentes de celles de la chirurgie par voie externe. La chirurgie assistée par robot permettra très certainement de résoudre ces insuffisances. L introduction d un ordinateur en interface entre le chirurgien et son patient conduira à une révolution technologique identique à celle survenue dans le domaine de l aéronautique avec l introduction de l ordinateur. Le développement des simulateurs chirurgicaux apportera une aide à la formation des chirurgiens et à la simulation des techniques avant leur application réelle sur le patient. Si le concept de la chirurgie conservatrice laryngée n a pas changé depuis le XIXe siècle, les progrès technologiques ont permis de réduire la morbidité et d améliorer le résultat fonctionnel. Références 1. 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81 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : endoscopic excision. Ann Otol Rhinol Laryngol 2006 ; 115 : Motta G, Esposito E, Testa D, Iovine R, Potta S. C02 laser treatment of supraglottic cancer. Head Neck 2004; 26: Rudert HH, Werner JA, Höft S. Transoral carbon dioxide laser resection of supraglottic carcinoma. Ann Otol Rhinol Laryngol 1999 ; 108 : Davis RK, Kriskovich MD, Galloway EB, Buntin CS, Jepsen MC. Endoscopic supraglottic laryngectomy with postoperative irradiation. Ann Otol Rhinol Laryngol 2004 ; 113 : Remacle M, Lawson G, Hantzakos A, Jamart J. Endoscopic partial supraglottic laryngectomies: techniques and results. Otolaryngol Head Neck Surg 2009 ; 141 : Cabanillas R, Rodrigo JP, Llorente JL, Suarez V, Ortega P, Suarez C. Functionnal outcomes of transoral laser surgery of supraglottic carcinoma compared with a transcervical approach. Head Neck 2004 ; 26 : Sasaki CT, Leder SB, Acton LM, Maune S. Comparison of the glottic closure reflex in traditional open versus endoscopic laser supraglottic laryngectomy. Otol Rhinol Laryngol 2006 ; 115 : Lefebvre JL. What is the role of primary surgery in the treatment of laryngeal and hypopharyngeal cancer? Arch otolaryngol Head Neck Surg 2000 ; 126 : Hartl DM, De Monès E, Hans S, Janot F, Brasnu D. Treatment of early-stage glottic cancer by transoral laser resection. Ann Otol Rhinol Laryngol 2007 ; 116 : Sjögren EV, Wiggenraad RG, Le Cessie S, Snijder S, Pomp J, de Jong RJ. Outcome of radiotherapy in T1 glottic carcinoma: a population-based study. Eur Arch Otorhinolaryngol 2009 ; 266 : Grant DG, Salassa JR, Hinni ML, Pearson BW, Hayden RE, Perry WC. Transoral laser microsurgery for untreated glottic carcinoma. Otolaryngol Head Neck 2007 ; 137 : Peretti G, Cocco D, De Benedetto L, Del Bon F, Redaelli De Zinis LO, Nicolai P. Transoral CO2 laser treatment for Tis-T3 glottic cancer: the University of Brescia experience on 595 patients. Head Neck 2010 ; 32 : Karatzanis AD, Psychogios G, Zenk J, Waldfahrer F, Hornung J, Velegrakis GA, Iro H. Comparison among different available surgical approaches in T1 glottic cancer. Laryngoscope 2009 ; 119 : Rodrigo JP, Suárez C, Silver CE, Rinaldo A, Ambrosch P, fa*gan JJ, et al. Transoral laser surgery for supraglottic cancer. Head Neck 2008 ; 30 : Grant DG, Salassa JR, Hinni ML, Pearson BW, Hayden RE, Perry WC. Transoral laser microsurgery for carcinoma of the supraglottic larynx. Otolaryngol Head Neck Surg 2007 ; 136 : Pérez Delgado L, El-Uali Abeida M, de Miguel García F, Astier Peña P, Herrera Tolosana S, Lisbona Alquézar MP, et al. CO2 laser surgery of supraglottic carcinoma: our experience over 6 years. Acta Otorhinolaringol 2010 ; 61 : Ambrosch P, Rödel R, Kron M, Steiner W. Die transorale Lasermikrochirurgie des Larynxkarzinoms. Eine retrospektive Analyse von 657 Patientenverläufen. Der Onkologe 2001 ; 5 : Weinstein GS, O'Malley BW Jr, Desai SC, Quon H. Transoral robotic surgery : does the ends justify the means? Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2009 ; 17 : Iseli TA, Kulbersh BD, Iseli CE, Carroll WR, Rosenthal EL, Magnuson JS. Functional outcomes after transoral robotic surgery for head and neck cancer. Otolaryngol Head Neck Surg 2009 ; 141 :

82 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Apports du traitement médical et des investigations paracliniques dans le traitement chirurgical de l endométriose Hormonal treatment and non invasive investigations usefulness in endometriosis surgical treatment J Belaisch Mots clés Endométriose Endométriome Infertilité Laparochirurgie Freinage ovarien Traitement médical de l endométriose L endométriose, dont la chirurgie est à la base du traitement, est une maladie difficile à soigner malgré les remarquables progrès accomplis dans cette discipline, en particulier grâce à la cœliochirurgie. D autres voies sont donc à explorer. En particulier le caractère estrogéno-dépendant de cette affection conduit à penser qu un blocage des sécrétions ovariennes pourrait s avérer un élément intéressant de la panoplie thérapeutique, qui mériterait d être plus souvent utilisé. L endométriose a pour spécificités, d une part, de provoquer par elle même et après intervention des adhérences pelviennes parfois sévères et, d autre part, de récidiver souvent. Une étude internationale menée par Lone Hummelshoj sur plus de femmes a montré que, sauf lorsque les patientes étaient traitées par des experts spécialisés dans le domaine de l endométriose, près de la moitié d entre elles n étaient satisfaites ni par le traitement médical ni par le traitement chirurgical et un quart d entre elles considéraient leur état comme ayant été aggravé après l une et l autre forme de traitements. Le but de cet exposé est de montrer que, s il est admis par tous que le traitement chirurgical exige une grande expérience, le traitement médical est lui aussi beaucoup plus complexe que ne le croient en général les gynécologues, qu il comporte des pièges qu il faut éviter et qu il doit donc être conduit avec rigueur et compétence. Bien suivi, il est susceptible d améliorer notablement les résultats des interventions chirurgicales. Des travaux, parus en 2010, ont en particulier démontré l utilité d un freinage ovarien postopératoire continu et prolongé pour retarder ou empêcher les récidives de fréquence non négligeable, auparavant traitées par des interventions réitérées, parfois grevées de complications sérieuses. Un deuxième objectif est d insister sur les explorations utilisant les ultrasons, l IRM et les marqueurs biochimiques, qui ont permis une meilleure connaissance de la maladie et de ses relations avec l adénomyose, rendant le geste chirurgical à la fois plus facile et plus efficace. En troisième lieu, l aspect psychologique des troubles liés à l endométriose, jusqu ici souvent négligé, commence à être considéré, comme y insistent désormais de nombreux spécialistes. Tout dernier point : les stérilités liées à l endométriose nécessitent, avant toute décision thérapeutique, un bilan complet de fertilité du couple pouvant orienter soit vers la chirurgie soit vers l'amp. Les choix thérapeutiques sont donc désormais très larges, et c est dans un dialogue constructif que les chirurgiens pourront aider les patientes à prendre la meilleure décision. On comprend que cette situation complexe sera gérée au mieux dans un cadre multidisciplinaire. Keywords Endometriosis Endometrioma Infertility Laparoscopy Ovarian suppression Endometriosis medical treatment Abstract Endometriosis is mainly cured by surgery. It is nevertheless a disease difficult to treat in spite of the remarkable progress accomplished specially in the field of laparoscopic surgery. Other methods deserve to be investigated. The endometriosis estrogen-dependence leads one to think that suppression of ovarian function could be an interesting tool in the management of this disease, which could be used more often. Endometriosis has also a double specificity : it provokes severe adhesions either spontaneously or after surgery and its recurence rates are high. An international investigation coordinated by L Hummelshoj has shown that for women questionned, half of them were not satisfied either by medical treatment or by surgery except if the doctor was an expert in the field of endometriosis. The aim of this review is to show that endometriosis medical treatment is much more complex than generally admitted ant that there are traps which must be avoided so as to obtain the best results for the patient. Correctly followed, it is able to notably improve surgery results. Studies, published in 2010, demonstrated in particular the utility of continuous and prolonged ovarian suppression to delay or prevent recurrences which were until recently subject to multiple surgeries, sometimes at the origin of severe complications. The second objective is to insist on explorations using ultrasounds, MRI and biochemical markers, which give a better understanding of the disease and its relationships with adenomyosis, making surgery easier and more efficacious. In the third place, the psychological aspect of complaints related with endometriosis, up to here often neglected, are beginning to be considered by numerous specialists. Last point: endometriosis associated infertility requires, before any therapeutic decision, a complete assessment of fertility factors of the couple which can lead either to surgery or to IVF. Thus, therapeutic choices are very wide and it is in a constructive dialogue that the surgeons can help their patients make the best decision. We understand that this complex situation will be managed at best in a multidisciplinary frame. Correspondance : Jean Belaisch, 36, rue de Toqueville Paris JEAN.BELAISCH@wanadoo.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

83 83 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Les chirurgiens se sont depuis toujours intéressés à l'endométriose. Brocq et Varangot en 1945 en ont donné une preuve éclatante. Dès cette époque, ils ont insisté sur le fait essentiel que l endométriose est une maladie double : tumorale et hormono-dépendante. Qu'elle se rapproche des affections malignes mais qu'elle n'en a pas la gravité évolutive. Néanmoins, elle se caractérise aussi par sa tendance à d'imprévisibles récidives même si elles sont moins fréquentes lorsque l exérèse des lésions a été complète. Depuis leur rapport, de nombreux progrès ont été fait dans la connaissance de cette affection. Acquisitions récentes On sait depuis longtemps que l endométriose est remarquablement polymorphe par les troubles qu'elle engendre : douleurs pelviennes, hypofertilité et kystes ovariens. La cœlioscopie a permis de voir que ses lésions sont d une très grande diversité par leur apparence, couleurs, vascularisation, et lésions minimes et atypiques dites subtiles. Ce sont les nouveaux moyens d investigation (échographies, IRM) qui ont montré que ses localisations étaient plus nombreuses et plus étendues qu'on ne le pensait. Échographie gynécologique Elle a longtemps été négligée en particulier par les gynécologues américains, alors qu elle avait permis très rapidement de reconnaître les endométriomes ovariens, grâce à leur caractère kystique et à la spécificité des images liées à leur contenu épais et hématique. Depuis l invention, qui s est avérée être une avancée majeure, de l échographie transvagin*le, on a pu également reconnaître les lésions profondes rétrocervicales ou utérovésicales, et mieux analyser l état du myomètre, ce qui du même coup démontrait que la classification américaine de l endométriose fondée uniquement sur la laparoscopie était devenue obsolète. Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) De plus, le développement de l IRM a constitué une véritable révolution, prévisible en raison de la présence de sang donc de fer dans les lésions. On a ainsi pu voir des images d une surprenante précision de lésions extensives non soupçonnées à la cœlioscopie (1, 2). Ces explorations ont, en outre, montré que l association endométriose externe et adénomyose s'avère beaucoup plus fréquente qu on ne l avait cru, conduisant à de moins bons résultats postopératoires que prévu lorsque la décision d une chirurgie conservatrice a été prise. Comme elles explorent la totalité du petit bassin, ces investigations, lorsqu elles sont demandées à temps, permettent au chirurgien d éviter de se trouver devant des lésions beaucoup plus étendues qu il ne l imaginait. Ainsi, par exemple, les extensions digestives ou urétérales sont-elles connues avant la prise de décision d un quelconque geste chirurgical. Ce risque avait été rappelé avec énergie par G. Mage et M. Canis dans leur éditorial Chirurgiens : pitié pour les femmes atteintes d endométriose (3). Et C Chapron et son équipe ont mis l accent sur le grand avantage à réaliser ces examens dès que la clinique a fait évoquer une possible endométriose (4). Ces observations ont redonné une certaine actualité au traitement médical car, a priori, l'hypo-estrogénie, qu'il crée, agit nécessairement sur l ensemble des lésions de l organisme. Son association au geste chirurgical en complétera donc souvent les effets favorables. Certes, il existe des lésions résistantes à l hypo-estrogénie mais ces cas sont rares, comme le sont les lésions qui perdurent après la ménopause. Ce traitement médical est d ailleurs déjà largement utilisé dans tous les pays du monde lorsque les gestes chirurgicaux itératifs ne sont pas parvenus à soulager la patiente de ses troubles. Mais son administration systématique, immédiatement après la première intervention, en particulier dans les cas d endométriomes, sauf en cas de désir de grossesse, pourrait être plus bénéfique pour les patientes. Il y a 5 ans encore, les traitements s avéraient en général peu satisfaisants comme le montrait l enquête de Lone Hummelshoj avec presque la moitié des patientes qui jugeaient qu elles étaient aggravées tant par le traitement médical que chirurgical. Dans cette même enquête, 80 % des patientes traitées par des spécialistes de la maladie étaient satisfaites (5). Cette amélioration des résultats provenait vraisemblablement de la qualité du geste chirurgical, de la meilleure connaissance des lésions fournie par l association cœlio-imagerie et d une application fondée sur une meilleure analyse des bases endocrinologiques des traitements hormonaux. On peut donc penser que si les progrès acquis dans les domaines thérapeutique et de l'exploration de cette affection étaient mieux diffusés, les effets bénéfiques sur les patientes en seraient manifestes. De ce fait, on peut éprouver une certaine perplexité devant les réticences, démontrées par certains médecins ayant porté un diagnostic d endométriose, à associer d'une manière équilibrée ces trois éléments de la panoplie thérapeutique, alors que de nombreuses équipes reconnues font déjà appel à des radiologues de plus en plus compétents et à des endocrinologues intéressés par les étrangetés de cette affection. Et cela sans compter la meilleure prise en charge psychologique qui est depuis quelques années de mise au sein de nombreuses équipes. Traitement médical de l endométriose Les lésions endométriosiques étant estrogéno-sensibles, la suppression des sécrétions ovariennes a pour effet de réduire leur potentiel évolutif. D un autre côté, l obtention d une aménorrhée met au repos aussi bien l'endomètre eutopique qu ectopique et, par conséquent, supprime la mise sous tension menstruelle des lésions. La dysménorrhée est par définition abolie. Enfin, la greffe mensuelle des cellules endométriales est interrompue. On comprend pourquoi I Brosens a écrit : «l'endométriose n'est une maladie que quand elle saigne» (6). Freinage ovarien Il peut être réalisé par différents moyens. Pilule estroprogestative Elle a été le plus utilisé. Les effets de cette prise cyclique sont bénéfiques. La démonstration a contrario a été donnée des milliers de fois par la réapparition de la dysménorrhée dont souffraient certaines jeunes femmes lorsqu elles cessent de prendre leur pilule parce qu elles désirent commencer une grossesse. À cette occasion l endométriose qui avait été maintenue en sommeil par la prise d estroprogestatif se découvre. Cependant, l absorption conventionnelle 21j/28 laisse survenir tous les mois, durant les 7 jours d interruption, une reprise d activité ovarienne néfaste pour la femme même si la prise de la nouvelle plaquette viendra la limiter. Les échecs de la prise cyclique de pilule, avec interruption de 7 jours, ont fait penser à proposer une prise continue. Les pics mensuels de sécrétion estrogénique sont alors supprimés. Les lésions de la patiente aménorrhéique entrent en quiescence. Le plus apporté par cette modalité a été démontré sans discussion par Vercellini (7) et Seracchioli (8). Cependant, l'aménorrhée est parfois interrompue par des saignements habituellement modestes mais quelquefois prolongés sans réelles

84 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : conséquences. Progestatifs purs Malgré son efficacité, la pilule estroprogestative apporte des estrogènes. Les progestatifs purs induisent évidemment une carence estrogénique plus profonde, et les lésions sont encore moins actives que lorsque la patiente reçoit la pilule combinée. L intérêt de ces molécules a été souligné dans un article très complet publié par Vercellini en 1997 (9). Depuis plus de 30 ans, les progestatifs étaient pris dans l indication endométriose de la même façon que pour obtenir un effet contraceptif, soit jours sur 28. Ce faisant, la reprise nuisible de l activité ovarienne avait également lieu pendant les 7 jours d interruption comme l'avaient montré les études de Cl Pelissier et de C Blacker (10). En revanche, avec une prise continue, les effets du freinage sont majeurs, car les fluctuations hormonales sont supprimées. Plusieurs démonstrations ont été données soit par les injections trimestrielles de Medroxy Progestérone Acétate (11) soit par le Dienogest (12) par voie orale. Le même inconvénient de petit* saignements imprévisibles est à signaler, surtout au début. Qu'il s'agisse de pilules combinées ou de progestatifs purs, une interruption de 4 à 7 jours de leur prise en vient habituellement à bout. Une publication récente a fait état d une augmentation de fréquence du cancer du sein chez les femmes ayant pris en préménopause des progestatifs. Bien que les chiffres soient discutés, il est logique d en avertir les patientes (13). Agonistes de la LHRH Les agonistes de la LHRH, libérés de façon continue par une préparation d'action retard, contrecarrent le phénomène physiologique de stimulation pulsatile de l'hypophyse par l'hypothalamus. Les ovaires sont alors mis au repos et ne sécrètent plus d estrogènes. On dispose de produits dont l'action dure 28 jours ou 3 mois. Les effets bénéfiques sur les implants endométriosiques de ce puissant freinage ont été démontrés par de très nombreuses publications (14). Mais la carence estrogénique profonde fait apparaître des troubles fonctionnels de type ménopausiques et surtout risque de provoquer une déperdition osseuse. Une proposition surprenante a été faite alors d une administration conjointe continue de petites doses d estrogènes ou d'estro-progestatifs, insuffisantes pour stimuler l endométriose mais efficaces sur les troubles ménopausiques : c est l add-back therapy dont les modalités les plus efficaces ne sont pas encore définies. Cependant, observation essentielle aisément expliquée par la physiologie, l'injection d un agoniste de la LHRH provoque un effet biphasique : d'abord une stimulation hypophysoovarienne qui dure de 2 à 3 semaines puis l arrêt complet des sécrétions ovariennes. Ce phénomène, appelé flare-up, aboutit à une activation indésirable et brutale des lésions de l endométriose suivie souvent de saignements menstruels. Il est donc indispensable de penser à éviter cette stimulation, ce qui est possible en injectant l agoniste en phase lutéale ou sous progestatif. Avantages, inconvénients et indications du freinage ovarien De par son mécanisme d action, on comprend que le freinage ovarien ait obligatoirement des effets temporaires, comme il en est de toute maladie endocrinienne. Dès que celui-ci est levé, les lésions retrouvent leur évolutivité. L'administration de pilules ou d'agonistes de la LHRH ne peut donc être évoquée que pour préparer une intervention ou, dans la longue durée, afin de retarder une éventuelle rechute. Dans le cadre de la préparation d une intervention, le freinage des sécrétions ovariennes a l avantage de réduire la vascularisation des lésions et donc les risques d adhérences postopératoires. En échange, selon certains praticiens, les lésions devenues moins apparentes sont plus difficiles à reconnaître de même que leurs limites. C est donc un choix personnel de chaque chirurgien fondé sur son expérience que d'y avoir ou non recours. Dans le cadre du traitement postopératoire, il est logique et presque systématique de le mettre en œuvre si l extirpation a été incomplète, mais il peut aussi être décidé de principe. L administration de progestatifs ou d estroprogestatifs après exérèse d un endométriome, pendant deux ans ou plus (8), s est révélée très utile, en particulier sous la forme continue. Celle d un agoniste n est habituellement pas prolongée, mais elle devrait être d au moins 6 mois (15) suivie d un freinage par pilule. Inhibiteurs de l aromatase Pour obtenir une hypo-estrogénie plus puissante encore, il a été proposé d associer à la prise orale habituelle d'un progestatif pour freiner la sécrétion ovarienne, celle d un inhibiteur de l'aromatase qui supprime la synthèse locale d estrogènes au sein des lésions. Une controverse n a pas été tranchée sur l existence ou non d aromatase dans les cellules des implants endométriosiques. Néanmoins, il est probable que, compte tenu de la diversité histologique de ces implants, certains en contiennent et d autres pas. Mais même si les anti-aromatases avaient pour seul effet de réduire la quantité d estrogènes circulants dans le sang, ils pourraient être utiles et expliquer les effets bénéfiques souvent publiés même si une démonstration fondée sur des preuves solides n est pas encore disponible (16). Antimitosiques L équipe de Cochin-Saint Vincent de Paul a mis en évidence une parenté génique entre l endométriose et les lésions malignes. La proportion de mitoses dans les cellules endométriosiques pourrait être réduite par d administration de cytostatiques. Anti-inflammatoires Ils sont nécessaires et d emploi courant chez toutes les patientes qui souffrent. Certains pourraient être plus efficaces que d autres, il peut donc être utile de tester les différentes molécules. La phase décisionnelle C est la plus importante, car elle engage l avenir de la femme. Or, en raison de la multiplicité de la symptomatologie clinique, le choix thérapeutique est très ouvert. On doit cependant rappeler une règle majeure : en matière d endométriose, l indication thérapeutique dépend essentiellement des troubles dont se plaint la patiente et non de la nature ou de l extension des lésions (17). Il faut aussi prendre en compte le fait que la sensibilité à la douleur peut être accrue par des conditions psychiques traumatisantes. Il n est même pas impossible que celles-ci aient pu être à l origine d un déficit immunitaire susceptible de favoriser le développement des lésions (18). Un interrogatoire mené avec doigté peut permettre de juger si la patiente pourrait bénéficier d une assistance qui pourrait alors s avérer d un grand secours. En possession de l ensemble des informations radiologiques et des résultats du CA125, marqueur peu spécifique mais qui peut informer valablement sur l évolutivité de la maladie, le médecin dispose de moyens pour décider de la meilleure conduite à tenir. On peut distinguer trois situations majeures, en laissant de

85 85 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : côté, car exigeant de trop longs développements, les formes très sévères avec extension digestives ou urinaires. La patiente souffre d algies pelviennes Clinique, échographies et IRM ont mis en évidence des lésions très probablement endométriosiques profondes ou un endométriome d aspect commun avec un CA125 raisonnablement élevé (> 35 et < 150 ng/ml, par exemple). Peut-on désormais proposer à la patiente une tentative de traitement médical de trois mois sous surveillance, en lui expliquant, si l épreuve est positive, la nécessité d une très longue durée de ce freinage. C'est la position conseillée dans les recommandations de l'afssaps et par certains spécialistes anglosaxons (18). Si la mise au repos des ovaires ne suffit pas à faire disparaître les douleurs, il est même conseillé de modifier le type de freinage, voire de mettre en place un stérilet au lévonorgestrel (19). Et si les douleurs persistent, deux solutions s offrent alors : vérifier qu un facteur psychologique n est pas à l origine de la pérennité de ces douleurs en montrant que l aspect organique des troubles ne sera pas pour autant négligé ou bien réaliser une cœlioscopie car, elle seule, peut montrer des lésions péritonéales planes. On doit cependant prendre en compte que si cette cœlioscopie est négative la patiente peut en être durablement affectée (20). Les lésions sont douteuses, l'endométriome atypique ou les lésions digestives extensives. La cœlioscopie de bilan préopératoire est obligatoire. Mais les risques pour la patiente, si l intervention d'exérèse cherche à être complète, sont alors plus grands (troubles fonctionnels et lésions organiques : fistules ), leur retentissem*nt possible sur la vie quotidienne mérite d être évoqué avec la patiente avant de décider d intervenir (21). En d autres termes, la patiente est incitée à exprimer ses choix, car les conséquences des interventions sont définitives. Certaines préfèrent être débarrassées rapidement de leurs douleurs, il est légitime d accepter leur décision sans oublier de leur fournir des informations complètes et compréhensibles, en particulier sur la fréquence des récidives. La patiente consulte pour infertilité La femme ne parvient pas à être enceinte et elle présente des signes faisant évoquer une endométriose. L'habitude, si le mari a un sperme normal, de pratiquer immédiatement une cœlioscopie a été défendue encore récemment! (22). Ce choix mérite cependant d être reconsidéré. Toute infertilité exige en premier lieu une recherche rigoureuse de tous les facteurs possibles, et tout spécialement une étude de la fonction ovarienne (recommandations de l'afssaps). Si ce bilan complet n'a pas mis en évidence une cause (par exemple, une déficience masculine ou des lésions tubaires trop sévères) rendant le recours à l'amp indispensable, il est parfaitement légitime de pratiquer une cœlioscopie et éventuellement un geste chirurgical. Le choix entre chirurgie et AMP est très délicat (23). Il a été parfaitement analysé dans une revue récente, remarquable en tous points, de de Ziegler, parue dans le Lancet (24). L intervention est justifiée en cas d'hydrosalpinx. Elle l'est aussi, quoique de façon moins formelle, chez la patiente algique et, bien entendu, en cas de doute sur la bénignité des lésions. Elle est fortement déconseillée si la femme a déjà été opérée d un endométriome ou si les endométriomes sont bilatéraux, de peur d'aggraver définitivement la déperdition ovocytaire. Il est suggéré de l éviter aussi chez la femme de plus de 38 ans ou en cas de stérilité de longue durée. Quand elle est indiquée, l'intervention permet d obtenir une grossesse dans 30 à 50 % des cas. La grossesse est alors rapidement obtenue. C est pourquoi les patientes doivent être averties dans les suites opératoires de l utilité sinon de la nécessité du passage en FIV si 12 mois (et au maximum 18) après l'intervention une conception n est pas survenue. On dit habituellement que le traitement médical de l'endométriose n'a aucune place chez la femme endométriosique infertile. Pourtant une des explications de l'infertilité qui est nécessairement multifactorielle est la perturbation du phénomène de la fécondation de l ovocyte par des cytokines inflammatoires présentes dans le liquide péritonéal, cytokines qui peuvent être fortement réduites par le freinage ovarien. Des altérations du péristaltisme myométrial ont également été invoquées. Enfin, une méta-analyse Cochrane a montré que les résultats des AMP sont significativement améliorés par le freinage pendant 3 à 6 mois par des agonistes de la LHRH à la condition évidente que la réserve ovarienne soit normale (X 4) (25). Il est donc justifié de penser à la mise en œuvre de ce traitement, au moins dans certaines situations. L'équipe de Cochin a montré qu'une prise de pilule combinée pendant 6 semaines avait également d'excellents effets. Notons qu une intervention après échec de l'amp a été défendue pour ses bons résultats, par Littman (26). Endométriose et inséminations intra-utérines. Si l'hystérographie a montré des trompes normales et si le sperme semble fécondant, certains proposent de commencer par une insémination avec le sperme du conjoint après stimulation contrôlée de l'ovulation, car les résultats sont considérés comme satisfaisants avec environ 10 % de grossesse/cycle (27, 28). De Ziegler déconseille cette éventualité (24). Endométriose et AMP. L'AMP (plus précisément la Fécondation in vitro et l Injection Intra-Cytoplasmique de Spermatozoïde) a fait, depuis 30 ans, des progrès qui ne sont niés par personne. Elle a deux inconvénients pour les couples : la conception n est pas naturelle et l'amp devra être répétée s ils désirent plusieurs enfants. En outre, la stimulation ovarienne indispensable peut aggraver les lésions si elle est excessive et mal surveillée, ce qui est très rarement le cas en FIV. Ainsi dans un très grand nombre de cas, le choix est difficile puisque la proportion de femmes enceintes après 2 ou 3 tentatives de FIV est analogue aux résultats de la chirurgie (28). Endométriomes La question la plus controversée est probablement celle des endométriomes. Ils étaient considérés comme tumoraux alors qu il s agit de cavités remplies du sang libéré au cours de plusieurs menstruations. Ils peuvent être découverts chez une patiente douloureuse ou infertile ou au cours d un examen systématique, car ils sont souvent asymptomatiques. Certains chirurgiens conseillent l ablation dès que leur diamètre dépasse 3 cm. D autres sont beaucoup plus conservateurs. En effet, au cours de ces dernières années, deux observations importantes ont été faites. D une part, leur présence ne semble pas obérer les résultats de l'amp (29), sauf lorsque l endométriome est très volumineux, et dans ce cas son ablation permet d éviter un risque d'infection grave abcédation - lors des ponctions de recueil ovocytaire. D autre part, il est établi que leur exérèse, au moins lorsque le chirurgien n est pas très expérimenté et surtout lors des réinterventions, réduit le nombre des ovocytes. Et chez 2,4 % des femmes, elle induit une ménopause précoce, donc une stérilité définitive (30). De plus, les échographies systématiques en découvrent un nombre de plus en plus grand. Il semble donc justifié de réanalyser les bases de l'indication chirurgicale systématique (28) avec pour avantage la réduction du risque d adhérences postopératoires dont il a été montré qu il était élevé dans l'endométriose, même s il est plus faible sous cœlioscopie qu après laparotomie. Même en cas de patiente douloureuse, un freinage hormonal peut avoir des effets bénéfiques. En cas d échec, l intervention recevrait plus facilement l accord de la patiente puis-

86 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : qu'elle serait alors amplement justifiée. Selon un travail asiatique (31), il y aurait néanmoins un inconvénient en cas d endométriome, car les résultats à long terme des interventions seraient moins bons après traitement médical que s il n a pas été mis en œuvre avant l'intervention. De façon générale, il est désormais déconseillé de réintervenir sur un endométriome récidivé (32). Le risque de cancérisation est une des raisons majeures invoquée pour justifier l ablation systématique de tout endométriome diagnostiqué. En fait, l âge moyen de ces cancers est de 46 ans, le taux de CA125 très élevé et l aspect en échographie et IRM est au minimum douteux ; de plus, la publication récente de Vigano donne à penser que le tissu ectopique ne subit pas de dégénérescence avec une fréquence supérieure à celle de l endomètre eutopique (33). Il n en reste pas moins que ce sujet est d une telle importance qu il est indispensable de toujours penser à cette éventualité et d intervenir au moindre doute. Conclusion La pluralité des choix thérapeutiques, la quantité de facteurs à prendre en compte, la complexité des modalités du freinage ovarien sont donc manifestes. La principale question peut donc s'écrire ainsi : comment intégrer l ensemble des progrès réalisés dans le domaine de l'endométriose depuis 30 ans : investigations, traitement médical et PMA? Comment poser l indication thérapeutique la plus adéquate? La réponse semble désormais être identique dans toutes les pathologies, médicales comme chirurgicales : le choix doit être multidisciplinaire, car l'accumulation des connaissances et les nombreuses informations données par les diverses explorations sont difficiles à intégrer par un seul individu. En matière d'endométriose, le groupe décisionnaire devrait impliquer chirurgien, gynécologue ou endocrinologue spécialisé dans la pathologie endométriosique, radiologue, médecin de l âme et, très probablement bientôt, immunologiste et selon la localisation des lésions : chirurgien digestif ou urologue. Cette modification des habitudes concerne aujourd'hui la totalité de la pratique médicale. Elle peut conduire dans certains cas à un renoncement à des prérogatives bien établies, elle semble cependant inéluctable, car seule une concertation de différentes disciplines peut conduire au meilleur choix thérapeutique possible pour guérir les patientes de leur endométriose, affection qui demeure encore mystérieuse par bien des aspects. Questions Y. Laburthe-Tolra Concernant l endométriose en chirurgie, rien n est fondamentalement changé depuis mon maître, le professeur Raoul Palmer, et son enseignement en 1968 : une maladie mystérieuse, d évolution propre à chaque cas, disparaissant soit à une improbable grossesse (facteur hormonal) soit sans cause apparente ; le chirurgien, quel qu il soit, ne peut laisser derrière lui que des séquelles, au pire une stérilité. L auteur de cette communication surtout médicale, remarquable, n a pas eu le temps d évoquer les quatre points fondamentaux : 1. Maladie mystérieuse, elle empêche l apparition du cycle menstruel, donc évoquant une origine fonctionnelle très précoce. 2. Cette absence de règles chez une jeune fille ou une femme douloureuse doit permettre un diagnostic clinique. 3. La constitution de sténose colique dans un petit bassin fibro-hémorragique englobant plus ou moins cul de sac de Douglas, ovaire(s), trompe(s) ne doit pas faire orienter la patiente vers un chirurgien digestif responsable alors de séquelles supplémentaires possibles. 4. La diffusion pelvienne doit faire éviter les nombreuses FIV traumatisantes psychiquement, compliquées techniquement, voire risquées, et proposer très tôt l adoption. Laissons donc les commandes aux médecins! Réponse Je vous remercie de vos questions très intéressantes. Et je pense que votre premier point de généralité sur l endométriose serait universellement confirmé. Quant à vos questions : 1. En effet certaines malformations congénitales qui empêchent l'issue du sang menstruel s'accompagnent très souvent d'une endométriose. Celle-ci a pour particularité d'apparaître, comme vous l'avez dit, chez des très jeunes filles et de disparaître spontanément et assez rapidement une fois rétablie l'issue du sang des règles. 2. D'autre part, il est tout à fait vrai que si une jeune femme aménorrhéique souffre cycliquement, à peu près tous les mois, de douleurs pelviennes sans qu'il y ait un écoulement menstruel, il faut penser à la possibilité d'une malformation congénitale avec rétention et rechercher par échographie ou par IRM et éventuellement par une cœlioscopie, les signes d'une endométriose. Parallèlement, ces examens aideront à reconnaître le type de malformation en cause. Mais je n'ai pas connaissance d'aménorrhée provoquée par une endométriose pelvienne. 3. En ce qui concerne les sténoses coliques, je suis en total accord avec le fait que la décision thérapeutique doit avant tout être guidée par la symptomatologie et non par les lésions existantes. Un traitement médical doit donc être mis en œuvre en premier. Mais si les troubles persistent, l'intervention devient justifiée, et le chirurgien digestif sera alors d'une très grande aide pour le gynécologue. 4. La question endométriose et fécondation in vitro est délicate. Les résultats de la fécondation in vitro chez les femmes endométriosiques, dans les dernières publications internationales et françaises, sont analogues à ceux obtenus dans les obstructions tubaires. On peut donc les considérer comme satisfaisants. Il est vrai néanmoins que dans certains cas il est préférable de faire précéder par une intervention chirurgicale les tentatives d'aide médicale à la procréation : existence d'un volumineux endométriome ou d'hydrosalpinx afin de faciliter le prélèvement des ovocytes et de réduire le risque d'abcédation. Enfin dernier point, contrairement à ce qui a été souvent dit, il peut-être utile avant la première fécondation in vitro de mettre en œuvre un freinage ovarien pendant une période de six semaines à trois mois soit par la pilule soir par un analogue de la LHRH, afin de normaliser la biologie du péritoine. Mais ceci n'est permis que lorsque la réserve ovarienne en follicules est correcte. De toutes les façons, s'il est indéniable que les tentatives d'amp peuvent être psychologiquement très dures à supporter, ne pas les proposer à une femme stérile et ne pas lui donner une chance d'avoir son propre enfant, ne semble pas licite et ne me semble pas aller avec les idéaux de la médecine alors que ces méthodes ont bénéficié au cours de ces dernières années de solides progrès. L adoption, si le couple le souhaite, qui a elle aussi ses difficultés, viendra ensuite en cas d échecs de la FIV. Références 1. Brocq P, Varangot J. Les endométrioses. In Congrès français de Chirurgie, 48 session. Paris p Martin B, Balleyguier C, Owczarczak W, Rapoport K. Imagerie de l endométriose pelvienne. Reprod Hum Horm 2006 ; 19 : Mage G, Canis M. Chirurgiens : pitié pour les patientes atteintes d endométriose! Gynecol Obstet Fertil 2006 ; 34 : 1-2.

87 87 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Chapron C, Pietin-Vialle C, Borghese B, Davy C, Foulot H, Chopin N. Associated ovarian endometriomas is a marker for greater severity of deeply infiltrating endometriosis. Fertil Steril 2009 ; 92 : Hummelshoj Lone conférence à Maastricht html 6. Brosens I. L Endométriose : une maladie parce qu elle s accompagne d une hémorragie cyclique. In : Endométriose. 2ème édition. J Belaisch Coord. Paris : Masson ; p Vercellini P, Frontino G, Degiorgi O, Pietropaolo G, Pasin R. Continuous use for an oral contraceptive for endometriosis associated recurrent dysmenorrhoea that does not respond to a cyclic pill regimen. Fertil Steril 2003 ; 80 : Seracchioli R, Mabrouk M, Montanari G, Manuzzi L, Concetti S, Venturoli S. Conservative laparoscopic management of urinary tract endometriosis (UTE): surgical outcome and long-term followup. Fertil Steril 2010 ; 94 : Vercellini P, Cortesi I, Crosignani PG. Progestins for symptomatic endometriosis: a critical analysis of the evidence. Fertil Steril 1997 ; 68 : Blacker C, Senet JM, Dubourg D, Denis-Rigaud C, Fourtillan JB. Action de la promegestone à la dose de 0,500 mg/jour, vingt jours par mois sur le pic ovulatoire de LH. Horm Reprod Metab 1986 ; 3 : Schlaff D, Luciano A, Crosignani PG. DMPA-SC 104 significantly improves quality of life in women with endometriosis-associated pain: results from 2 randomized clinical trials. European J Obstet & gynecol 2005 ; 123(supplt 1) : S Cosson M, Querleu D, Donnez J, Madelenat P, Konincks P, Audebert A, Manhes H. Dienogest is as effective as triptorelin in the treatment of endometriosis after laparoscopic surgery: results of a prospective, multicenter, randomized study. Fertil Steril 2002 ; 77 : Fabre A, Fournier A, Mesrine S, Desreux J, Gompel A, Boutron- Ruault MC, Clavel-Chapelon F. Oral progestagens before menopause and breast cancer risk. Br J Cancer 2007 ; 96 : Lunenfeld B. 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Fertil Steril 2006 ; 86 : Daraï E, Coutant C, Bazot M, Dubernard G, Rouzier R, Ballester M. Relevance of quality of life questionnaires in women with endometriosis. Gynecol Obstet Fertil 2009 ; 37 : Meuleman C, Vandenabeele B, Fieuws S, Spiessens C, Timmerman D, D'Hooghe T. High prevalence of endometriosis in infertile women with normal ovulation and normospermic partners. Fertil Steril 2009 ; 92 : Vercellini P, Somigliana E, Vigano P, Abbiati A, Barbara G, Crosignani PG. Surgery for endometriosis-associated infertility: a pragmatic approach. Hum Reprod 2009 ; 24 : de Ziegler D, Borghese B, Chapron C. Endometriosis and infertility: pathophysiology and management. Lancet 2010 ; 376 : Sallam HN, Garcia-Velasco JA, Dias S, Arici A. Long-term pituitary down-regulation before in vitro fertilization (IVF) for women with endometriosis. Cochrane Database Syst Rev 2006 ; 1 : CD Littman E, Giudice L, Lathi R, Berker B, Milki A, Nezhat C. 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88 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Utilisation de simulateurs pour l'enseignement de la chirurgie Use of simulation for surgical training X Martin, S Crouzet Service d'urologie et chirurgie de la transplantation, Hôpital Édouard Herriot, Lyon Mots clés Enseignement Chirurgie Simulation Ecoles de chirurgie Résumé Les techniques de simulation apparaissent particulièrement efficaces pour l'apprentissage de la médecine par rapport à l'enseignement classique magistral. La simulation en chirurgie fait appel à plusieurs niveaux dans l'apprentissage : les gestes de base (maniement des instruments, confection des nœuds ), les gestes complexes (dissection d'un pédicule vasculaire ), la tactique d'une intervention et la stratégie en fonction des données globales du patient. Certains outils utilisés s aidant des techniques informatisées d'imagerie permettent de reproduire le champ opératoire de façon quasi-réelle avec possibilité d interaction entre l'étudiant et le champ opératoire grâce à une interface instrumentale. La simulation peut également faire appel à des modèles plus complexes comme les pièces anatomiques humaines ou les animaux de laboratoire. L'ensemble de ces outils est développé dans les écoles de chirurgie, véritables laboratoires pédagogiques attractifs pour les jeunes chirurgiens en formation et lieux de recherche dans le domaine de l'instrumentation et de la robotique. Keywords Surgical training Simulation Schools of surgery Abstract The techniques of simulation seem particularly effective for the learning of medicine as compared to classical education. Simulation in surgery appeals to several levels in the training: basic steps (manipulation of instruments, knots tying), complex or combined steps, dissection of a vascular pedicle, the tactics of an intervention and the strategy according to global status of the patient. Tools and techniques using computerized images allow to reproduce in the operative field in a quasi real manner allowing interaction between the student and the operative field, thanks to an instrumental interface. The simulation can also appeal to more complex models as the human anatomical parts or the animals of laboratory. All these tools are developed in the Schools of surgery, real educational laboratories attractive for the surgeons in training and research places in the field of the instrumentation and of robotics. Utiliser la réalité virtuelle peut avoir certaines applications dans le domaine de la formation médicale. Cette méthode de simulation apparaît beaucoup plus efficace en termes pédagogiques que le cours magistral, la lecture d'un document ou la conférence audiovisuelle. L'assimilation d une connaissance apportée par technique de simulation doit comporter de façon indispensable plusieurs temps : la simulation proprement dite de la situation et le temps de restitution qui permet d'analyser la situation elle-même et la réaction de l'étudiant face aux problèmes considérés. Ce deuxième temps de restitution apparaît essentiel, il permet de positionner le problème dans le contexte et de discuter les différentes alternatives grâce à un référentiel. Cette deuxième partie manque le plus souvent dans l'enseignement médical, notamment dans les gestes techniques appris aux étudiants lors du compagnonnage opératoire que l'on pratique le plus souvent en chirurgie. Différentes méthodes L'enseignement par la simulation peut être réalisé par l'utilisation de différents supports. Le support le plus simple est constitué par un enseignant luimême et son interaction avec l'étudiant par le simple fait de poser des questions. La mise en scène «théâtrale», telle que l'on peut la réaliser dans les jeux de rôle est une forme de simulation qui a de bonnes performances pédagogiques puisque, en plus de créer une situation attractive dans un groupe d étudiants, elle incite les étudiants à répondre correctement à cette situation du fait de la présence d'un auditoire qui crée une sorte de compétition entre les étudiants. À un niveau différent, des logiciels permettant à l'étudiant de suivre le parcours d'un patient et d'apporter des ressources documentaires en soutien à chaque question posée représen- Correspondance : Xavier Martin, Service d'urologie et chirurgie de la transplantation, Faculté de médecine Lyon Est-Université Lyon1. Hôpital Édouard Herriot, place d'arsonval, Lyon cedex 03 xmartin@univ-lyon1.fr Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

89 89 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : tent également une méthode pédagogique efficace. Mais cette méthode s'adresse à un étudiant seul. Elle représente plutôt un test d'évaluation des connaissances qu'une méthode d'apprentissage. Certains outils plus récents, s aidant de l informatique, peuvent reproduire des documents radiographiques ou même le véritable champ opératoire. Reliés avec une interface à l étudiant, ils permettent, comme dans un véritable jeu vidéo, de réaliser des interventions virtuelles. L'informatique, grâce à ses possibilités de logiciels et ses possibilités graphiques, trouve une application idéale dans le domaine médical comme elle en a trouvé dans la simulation de situations ludiques et de situations professionnelles (apprentissage de conduite ou de pilotage d'avions). Les outils utilisés peuvent servir à l'apprentissage de gestes en chirurgie en particulier. La simulation peut aussi reproduire des situations très rares mais potentiellement très graves, dans lesquelles un praticien a peu de chances d'être confronté pendant la période de sa formation. Elle peut au contraire reproduire des situations de base fréquentes pour l'apprentissage de situations communes. La simulation peut s'appliquer à la formation d'un praticien mais aussi à la réaction de l'ensemble d'une équipe face à une situation grave demandant une réaction immédiate (hémorragie massive au bloc opératoire, défaillance du système de circulation extracorporelle au cours d'une intervention, arrêt cardiaque ). Apprentissage par simulation en médecine Le simple mannequin permettant l'apprentissage de gestes de secourisme (massage cardiaque externe, libération des voies aériennes supérieures) représente à lui seul un simulateur peu sophistiqué. Il est utilisé dans les formations de secourisme qui sont maintenant obligatoires dans le cursus des études médicales et paramédicales (AFGSU). Des simulateurs basés sur l'informatique où le mannequin représente l'interface matérielle entre l'étudiant et le référentiel de connaissances sont utilisées pour les formations des spécialistes, en particulier en anesthésie-réanimation. Ces appareils permettent de simuler un accident survenant au cours d'une anesthésie (spasmes bronchiques, arrêt cardiaque ). Ils donnent la possibilité à l'étudiant, via l interface, de réagir pour corriger la situation et d'obtenir le résultat de son action. Ces mannequins sont souvent utilisés par les fabricants de matériels destinés à l'anesthésie-réanimation comme support pour des actions de promotion. De véritables centres pédagogiques ont ainsi pu être mis en place par de gros fabricants de matériel médical. Ces centres pédagogiques dotés d'un matériel coûteux permettent à ces fabricants d'organiser des séminaires de formation, le plus souvent encadrés par des enseignants universitaires. Ce type de formation s'adresse soit à des étudiants du troisième cycle en anesthésie-réanimation soit éventuellement à des praticiens dans le cadre de leur formation continue. Certaines de ces formations peuvent même obtenir le label permettant d'obtenir des crédits de formation continue. Apprentissage des gestes techniques chirurgicaux Un grand nombre de simulateurs ont été développés au fil des années pour enseigner le geste chirurgical. Le geste chirurgical est finalement très complexe, il ne se résume, bien sûr, pas seulement à une gestuelle nécessitant habileté, il comporte aussi plusieurs composantes : la coordination de gestes simples (effectuer une série de nœuds pour bloquer une ligature, effectuer une suture à l'aide d'une aiguille sertie, utiliser correctement les instruments, porte aiguille, pince à disséquer ) ; la réalisation de gestes plus complexes, dissection d'un vaisseau en prenant soin de ne pas l'endommager ni endommager un tissu avoisinant, résection d'un organe, nécessitant l'identification des pédicules vasculaires, leur ligature ; à un stade ultime, il s agit de la tactique opératoire devant une difficulté rencontrée. L'existence d'adhérences importantes d'une tumeur avec les gros vaisseaux peut faire préférer aborder la tumeur par le haut plutôt que par le bas Il s'agit là d'une situation chaque fois particulière qui est peu reproductible et pour laquelle l'acquisition de compétences est le plus souvent uniquement le résultat de l'expérience réelle de terrain. La prise de décision devant un incident opératoire (plaie intestinale, arrachement de l'uretère) nécessite la prise en compte à la fois de la situation technique sur le champ opératoire mais aussi des différents éléments du contexte du patient, ses antécédents, son état général ; la réalisation d'interventions complètes, et en particulier la mise en présence d'une situation imprévue nécessitant une réaction immédiate (hémorragie importante ). Dans ce cas c est la formation d équipes complètes qui est réalisée. En plus des qualités gestuelles, le chirurgien doit avoir une bonne capacité de décision, des qualités de communication et de réaction au stress. Bien d autres qualités sont requises, elles dépendent souvent de qualités comportementales qui sont difficiles à modéliser et à enseigner. L apprentissage gestuel va dépendre des outils utilisés. Les outils de base en chirurgie ouverte ont peu progressé, en contrepartie il existe de nouveaux outils souvent basés sur des effets physiques : ultracision, Laser, agrafeuses particulières pour sutures digestives. Chacun de ces outils nécessite un apprentissage pour son utilisation pour mieux obtenir et optimiser l'effet recherché. Dans cette utilisation, les simulateurs sont indispensables. L apprentissage va aussi dépendre de la voie d'abord utilisée qui peut être conventionnelle en chirurgie ouverte ou transpariètale pour les techniques mini-invasives de laparoscopie. Il faut savoir maîtriser les instruments qui permettent ces nouveaux abords et ces nouvelles techniques. Il faut également, pour l'étudiant, faire face à un champ opératoire limité par l'angle de la caméra et l absence de relief et connaître l'anatomie endoscopique. L utilisation de pièces anatomiques humaines permet de reproduire les situations qui, sur le plan topographique, sont très voisines de la réalité (1). La solution pédagogique face à ces problèmes est multiple. Des simulateurs rudimentaires pour les gestes de base Pour le premier groupe de gestes, les gestes de base, nos maîtres nous ont appris à nous entraîner à faire des nœuds sur un barreau de chaise, au fond d'un chapeau, ou à poser une suture sur du papier toilette humide Cet apprentissage avec ces simulateurs peu coûteux est indispensable pour acquérir précision et rapidité dans ce type de gestes de base, répétés au cours de n'importe quelle intervention et qui nécessitent d'être réalisés rapidement pour ne pas prolonger sa durée. La chirurgie cœlioscopique peut être apprise avec des simulateurs légèrement plus sophistiqués mais toujours assez rudimentaires. Un simple caméscope positionné dans une «boîte à chaussures» représente un outil idéal pour l'apprentissage de la réalisation de ce type de geste de base en cœlioscopie. Ces simulateurs mécaniques très simples permettent à l'opérateur de se familiariser avec la vision plane procurée par la majorité des appareils endoscopiques actuellement (2). Même si l'on utilise des appareils sophistiqués utilisant la robotique, le même apprentissage de gestes de base est nécessaire. Des simulateurs voisins des simulateurs utilisés dans l'industrie aéronautique ou dans les transports pour les gestes de base en endoscopie Les gestes de base en endoscopie peuvent être réalisés sur des modèles plus sophistiqués, véritables simulateurs voisins des simulateurs utilisés dans l'industrie aéronautique ou dans les transports. Ces appareils sont essentiellement destinés à

90 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : se familiariser avec la progression de l'endoscope dans la cavité anatomique considérée (intestin, bronches, vessie, uretère). Ils peuvent utiliser des instruments simples ou aider à la pratique de gestes de base comme les biopsies, la cautérisation d un polype Il s'agit là de gestes simples. L amélioration de ces matériels et leur facilité d utilisation dans un environnement qui n est pas un laboratoire les rendent particulièrement intéressants pour ce type de formation, malgré leur coût initial qui peut paraître trop important. Des pièces anatomiques humaines pour apprendre la topographie Les gestes plus complexes, comme la dissection, la réalisation de la résection d'une tumeur ou d'un organe, nécessitent des modèles plus complexes. La topographie des différents éléments du champ opératoire et le rapport des uns avec les autres représentent des éléments qu il faut connaître, donc apprendre. La meilleure simulation repose ici sur l'utilisation de pièces anatomiques humaines. Celles-ci, à l'aide de préparations particulières destinées à conserver aux tissus une souplesse maximale, permettent de reproduire et d'enseigner l'anatomie topographique utilisable en chirurgie ouverte et en endoscopie. Les pièces anatomiques humaines se prêtent parfaitement à la simulation d'interventions de chirurgie ouverte ou même cœlioscopique. Cette simulation concerne l'abord de la région anatomique considérée, elle n arrive pas à reproduire la pathologie pour laquelle l'entraînement est réalisé : athérome, tumeur, malformation L'utilisation de pièces anatomiques nécessite l'existence d'un laboratoire destiné à recevoir des cadavres humains dans des conditions d'hygiène et d'éthique irréprochables, ce qui est disponible seulement dans certains centres universitaires importants. Des simulateurs informatisés pour l'apprentissage de la dextérité et de la manipulation des instruments chirurgicaux L'utilisation de simulateurs informatisés apporte à ce stade un intérêt principalement basé sur l'apprentissage de la dextérité et de la manipulation des instruments chirurgicaux. Il faut avouer qu au stade actuel les simulateurs n'apportent pas le réalisme parfait dans la manipulation des structures anatomiques puisqu il n'existe pas de retour de force par rapport aux tissus manipulés permettant de percevoir leur résistance, leur élasticité, leur tension. Ces propriétés, souvent utilisées en chirurgie, donnent un retour d information au chirurgien, lorsqu'il s'agit par exemple de pédiculiser un organe ou une tumeur avant d'en pratiquer l'ablation. Des recherches sont mises en œuvre actuellement pour améliorer ces simulateurs, et particulièrement leur apporter les sensations tactiles des tissus manipulés, leur élasticité et leur souplesse. L utilisation de ces manipulateurs permet de limiter l usage des pièces anatomiques ou des animaux de laboratoire encore largement utilisés mais dont le coût financier et l éthique tendent à limiter l utilisation. L'animal de laboratoire pour la perception tactile L'animal de laboratoire peut être utilisé pour simuler des gestes encore plus complexes. L'anatomie de l'animal n'est pas toujours exactement concordante avec celle de l homme mais la similarité des structures et la perception tactile que l on en a en font un terrain absolument idéal pour l'apprentissage des gestes complexes ou des associations de gestes. Le rat est utilisé pour l'apprentissage de la microchirurgie, en particulier vasculaire. La texture des artères, en particulier de l'aorte, est voisine de celle des petites artères utilisées dans les lambeaux pédiculés en clinique humaine. L'apprentissage porte ici essentiellement sur la réalisation des anastomoses vasculaires, la microdissection, mais pas sur les données anatomiques nécessaires à la confection du lambeau vascularisé par exemple. L'intérêt d'utiliser le modèle in vivo réside dans le réalisme des tissus et dans l'aspect fonctionnel (hémorragie au niveau de la suture, thrombose immédiate, mesure du débit ). Le porc est le modèle pour l'apprentissage de la chirurgie ouverte et de la cœlioscopie. Il permet de réaliser les gestes complexes évoqués plus haut, la similarité de l'anatomie de cet animal avec l'homme n'est pas complète mais la réaction des tissus, lors de la dissection ou de la suture, est tout à fait similaire, ce qui rend ce modèle indispensable pour la formation aux gestes complexes : chirurgie vasculaire, résection de segments hépatiques ou rénaux. L'utilisation des animaux nécessite une infrastructure répondant aux exigences de l'agrément par les services vétérinaires qui comportent des installations d'animalerie permettant la stabulation des animaux, des installations chirurgicales et anesthésiques ainsi que des compétences pour la réalisation d'anesthésie. L'agrément est également celui des personnels utilisant et manipulant les animaux de laboratoire (niveau un ou deux en expérimentation animale) ; il est conditionné par la présentation des protocoles précis destinés aux services vétérinaires décrivant les différentes manipulations réalisées et les conditions dans lesquelles les animaux sont sacrifiés et leurs carcasses évacuées. L utilisation des animaux représente ainsi un coût important, qu il faut limiter au maximum par l utilisation de simulateurs informatisés. Simulateurs informatisés pour la planification d'interventions très complexes À un stade supérieur, les simulateurs informatisés peuvent aider à la planification d'interventions très complexes (ablation de tumeur hépatique, mise en place de prothèses articulaires, navigation intracrânienne). Le traitement des images personnelles du patient (IRM scanner) par des procédés de fusion d images, en trois dimensions, permet d'intégrer dans un simulateur les données anatomiques particulières du patient dans le but de préciser la tactique opératoire à l'avance en fonction de la profondeur de la lésion, des rapports avec les différents éléments vasculaires de l'organe considéré Ce type de simulateur est actuellement en cours de mise au point dans des centres pilotes en collaboration avec des instituts de recherche spécialisée en informatique comme à Strasbourg, Lille, Nice ou Grenoble. Les Écoles de chirurgie Les Ecoles de Chirurgie, comme il en existe quelques modèles en France, sont des plateformes destinées à la formation initiale des jeunes chirurgiens de toutes les spécialités et à la formation continue. Elles constituent des plateformes où sont disponibles des instruments de simulation mais offrent en plus d autres modèles (3). Dans l'idéal, cette plateforme doit pouvoir utiliser à la fois des pièces anatomiques et des animaux de laboratoire, en plus des simulateurs informatisés. Il doit s agir de véritables laboratoires de méthodes innovantes dans le domaine de la pédagogie. Un certain nombre de spécialités chirurgicales (chirurgie générale, urologie, chirurgie vasculaire ) ont intégré dans le cursus normal des internes de spécialité des séances d'entraînement pratique. L'existence de laboratoires pharmaceutiques manifestant la volonté d'un partenariat ou de fabricants de matériel chirurgical permet une aide financière qui rend possible ce type de formation particulièrement coûteuse. Quelques laboratoires de ce type, particulièrement bien équipés, existent à Strasbourg, Paris, Clermont-Ferrand, Lyon, Toulouse Leur pérennité dépend pour la plupart du partenariat public-privé et du financement réalisé par l'intermédiaire de la formation continue. Certaines sociétés savantes ont mis en place des modules de formation réalisés chaque année pour acquérir une formation supplémentaire dans tel domaine très précis. La société française d'endoscopie digestive, en

91 91 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : gastro-entérologie en particulier, a mis sur place ce type de formation utilisant des simulateurs et des modèles utilisant le tube digestif d'animaux morts. Le mode DSTC (Definitive Surgical Trauma Care) propose à ses adhérents des formations, en particulier sur modèle animal, au cours desquelles des lésions viscérales d'intensité croissante sont réalisées par l'enseignant, et reconnues puis réparées en temps limité par étudiant. Certaines sociétés d endoscopie digestive utilisent des tests de dextérité pour la certification des praticiens (4). L'efficacité des simulateurs sophistiqués est en fait difficile à démontrer, la méthodologie même de mesure des progrès réalisés par les étudiants est très difficile à élaborer (5). De nombreuses études, dont l'étude actuellement en cours organisée par l'association française de chirurgie, se sont attachées à évaluer la capacité d'un étudiant ayant suivi un enseignement de ce type a réalisé une intervention standard, par rapport à un étudiant naïf. La difficulté de ces d'études tient au fait que l'étudiant ayant bénéficié de l'enseignement par simulation reçoit, par ailleurs, un enseignement par compagnonnage au cours de sa formation (6). La difficulté tient aussi au fait qu en plus des gestes techniques et des règles générales d une intervention, il faut aussi avoir un comportement particulier devant une situation inattendue, ce dernier point n étant pas intégré dans les simulateurs, qui n en sont au stade que de simulateur de gestuelle, répondant aux deux premiers points de Rassmussen (7). Plusieurs études ont néanmoins montré que sur une intervention simple, la durée opératoire était diminuée pour les étudiants ayant bénéficié de ces méthodes pédagogiques (8). Des constatations similaires ont été faites pour l apprentissage de la chirurgie robotique (9). Dans le cadre de la formation chirurgicale, il faut distinguer la formation gestuelle de base qui, à l évidence, est bénéfique pour l'interne, puis la formation avancée, qui fait plus appel à la réflexion et à la tactique opératoire et pour laquelle la simulation ne doit pas être gestuelle uniquement mais aussi comporter des scénarios de conduite à tenir. Références 1. Torkington J, Smith SG, Rees BI, Darzi A. The role of simulation in surgical training. Ann R Coll Surg Engl 2000 ; 82 : Rassweiler J, Klein J, Teber D, Schulze M, Frede T. Mechanical simulators for training for laparoscopic surgery in urology. J Endourol 2007 ; 21 : Haluck RS, Satava RM, Fried G, Lake C, Ritter EM, Sachdeva AK, et al. Establishing a simulation center for surgical skills: what to do and how to do it. Surg Endosc 2007 ; 21 : Fried GM. Lessons from the surgical experience with simulators: incorporation into training and utilization in determining competency. Gastrointest Endosc Clin N Am 2006 ; 16 : van Hove PD, Tuijthof GJ, Verdaasdonk EG, Stassen LP, Dankelman J. Objective assessment of technical surgical skills. Br J Surg 2010 ; 97 : Secin FP, Savage C, Abbou C, de La Taille A, Salomon L, Rassweiler J, et al. The learning curve for laparoscopic radical prostatectomy: an international multicenter study. J Urol 2010 ; 184 : Wentink M, Stassen LP, Alwayn I, Hosman RJ, Stassen HG. Rasmussen's model of human behavior in laparoscopy training. Surg Endosc 2003 ; 17 : Laguna MP, de Reijke TM, Wijkstra H, de la Rosette J. Training in laparoscopic urology. Curr Opin Urol 2006 ; 16 : Sethi AS, Peine WJ, Mohammadi Y, Sundaram CP. Validation of a novel virtual reality robotic simulator. J Endourol 2009 ; 23 : Conclusion Les simulateurs utilisés dans la formation des médecins apparaissent comme des outils très utiles et validés pour reproduire les situations observées en clinique. Pour un grand nombre de disciplines médicales, des logiciels permettent de simuler des cas cliniques et d'apporter à l'étudiant les informations nécessaires à la compréhension des questions considérées. Lorsqu'il s'agit de gestes techniques, les simulateurs informatisés permettent aux jeunes chirurgiens d'acquérir la plupart des gestes de base nécessaire à leur futur exercice. Ces simulateurs ne présentent pas encore toutes les qualités de réalisme, et notamment ne sont pas capables de transmettre à l'opérateur les sensations tactiles et l'élasticité des organes opérés. Les plateformes d'utilisation et de développement de ces outils, des animaux de laboratoire et de pièces anatomiques réelles, telles que l'on peut les rassembler dans les Écoles de chirurgie, permettent d'utiliser l'ensemble des ressources disponibles en limitant au maximum le coût lié à l'utilisation des animaux de laboratoire et en respectant sur le plan éthique l'utilisation de ces derniers. Ces plateformes permettent d'optimiser la formation des chirurgiens à des gestes techniques utilisant des outils de plus en plus complexes.

92 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Étude comparative de greffons de tunique albuginée de corps caverneux obtenus par différentes techniques d ingénierie tissulaire Synthesis of tunica albuginea graft with tissue engineering procedures, a comparative study L Ferretti, M Guiliani, T Bessede, B Alsaid, S Ferlicot, A Durrbach, G Benoit, S Droupy UPRES EA 4122, Le Kremlin-Bicêtre, France Mots clés Lapeyronie Tunique albuginée Ingénierie tissulaire Acide polyglycolique Rétraction Matrice Fibroblastes Greffon autologue Résumé Introduction et objectifs : la maladie de Lapeyronie est une pathologie acquise de l albuginée de corps caverneux, caractérisée par l apparition d une plaque de fibrose, d une incurvation de la verge en érection et de douleurs, pouvant être accompagnée d une dysfonction érectile. Sa prévalence est de 3,2 à 7 %. Le traitement chirurgical de la plaque stabilisée en cas d interposition d un greffon après relaxation de l albuginée reste décevant, et il existe à moyen et long terme un fort taux de récidive. L objectif de cette étude a donc été de produire un greffon autologue possédant une résistance mécanique et des propriétés immunologiques semblables à la tunique originale, et de comparer sa greffe à celle d un matériau acellulaire résorbable et à celle du tissu originel. Matériel et Méthode : afin de tester la faisabilité et l efficacité d un tel type de biomatériau, nous avons réalisé une étude comparative entre trois groupes de dix rats. Dans le premier groupe était réalisée une résection de l albuginée native et une suture orthotopique de celle-ci ; dans le deuxième groupe était greffée, à la place de l albuginée native réséquée, une matrice d acide polyglycolique (PGA) seule ; le troisième bénéficiait de la greffe d une matrice de PGA ensem*ncée de fibroblastes autologues, isolés à partir du derme de chaque rat et cultivés pendant deux semaines in vitro sur la matrice. L évaluation des résultats était établie : sur un critère principal morphologique, la mesure de la rétraction du greffon à 4 mois à l aide d une analyse de variance ; et sur des critères fonctionnels secondaires, la réalisation de tests de stimulation du nerf caverneux et comparaison des valeurs moyennes de chaque groupe de la pression intracaverneuse rapportée à la pression systémique moyenne, permettant ainsi de comparer la fonction érectile en fonction du type de greffe. L étude était clôturée par une analyse anatomopathologique. Résultats : l évaluation morphologique à 4 mois a permis de mettre en évidence une différence significative en termes de diminution de la rétraction en faveur du PGA cellularisé en comparaison au PGA seul par rapport au groupe témoin (p = 0,041). L analyse anatomopathologique au trichrome de Masson a permis de détecter et d analyser l apparition d une néoalbuginée par la présence de travées de collagène semblables à la tunique externe de l albuginée originale. Conclusion : la faisabilité de la synthèse d une albuginée de corps caverneux simplifiée par ensem*ncement de fibroblastes autologues sur une matrice résorbable a été prouvée par cette étude. Celle-ci a également permis de montrer la supériorité d une matrice cellularisée, par rapport à une matrice acellulaire, en termes de rétraction. Cependant, sa fonctionnalité concernant la fonction érectile reste à définir. Des tissus de composition plus complexes sont en cours d étude. Keywords Peyronie s disease Tunica albuginea Fibroblast cell Tissue engineering Scaffold Autologous graft Retraction Polyglycolic acid Abstract Introduction and objective: in Lapeyronie's disease, the clinical result is debated due to the high rate of recurrence. The aim of the study was to engineer in vitro a new type of autologous graft that would be well integrated upon the corpus cavernosum and thus provide less reccurence due to its immunological and mecanical propriety. The objective of this study was to compare an engineered graft with autologous cells seeded on a synthetic absorbable scaffold to acellular scaffold grafting on a rat model at 4 months of follow-up. Methods: thirty Sprague-Dawley rats were divided in three groups of ten: control group (A) in which resection and re-suture of the original albuginea was performed; group B in which resection and suture of acellular polyglycolic acid (PGA) only was performed; group C with resection and suture of a 4 weeks in vitro engineered graft seeded with autologous fibroblasts isolated from the skin of each rat. The principal objective was to compare the size of the graft at the time of the grafting and was compared to the size of the graft measured 4 months later. Mean difference in each group was compared to the other groups with variance analysis. The secondary objectif was to assess the safety of this kind of graft on erectile function with comparing mean value of intracavernous pressure reported to systemic pressure after electrical stimulation of cavernous nerve in each group. Results: all grafts in groups A, B and C have been successfully performed. The analysis of the difference of the Correspondance : Ludovic Ferretti UPRES EA 4122, Le Kremlin-Bicêtre, France Disponible en ligne sur Académie nationale de chirurgie. Tous droits réservés.

93 93 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : Les fibroblastes ont été isolés à partir d une résection de 0,5 cm² de peau abdominale. L épiderme était disséqué du derme, puis ce dernier était disposé dans une solution de tampon phosphate salé (PBS) et coupé en morceaux de 1 mm² (5). Cent milligrammes de ces fragments étaient alors incubés dans 15 ml de DMEM sans SVF et supplémenté avec 10 % de collagénase dans un incubateur à 37 C et 5 % de CO2, pendant 20 heures. Les tubes étaient centrifugés à 1500 rpm pendant 5 minutes, puis les culots étaient à nouveau suspendus en DMEM supplémenté avec 10 % de SVF et ensem*ncés dans une flasque de 25 cm 3. Le milieu de culture était changé tous les deux jours. La confluence était observée entre 5 et 10 jours de culture. Lorsque la confluence était atteinte, les cellules étaient ensem*ncées sur une couche de PGA de 30 mm² à la concentration de cellules par ml. Le milieu était alors changé tous les 3 jours. Le même protocole fut appliqué aux isolations de fascia susize of the graft between each groups showed a significant retraction of the acellular graft (p = 0.041) compared to the control groups, and no statistical difference between the fibroblasts-seeded scaffold and the control group. Conclusions: this study showed the feasibility and efficiency of fibroblasts seeded scaffold compared to acellular graft. More complex tissue engineered grafts with endothelial, smooth muscle cells, and mesenchymal stem cells are under study. La maladie de Lapeyronie est caractérisée par une lésion de la tunique albuginée du corps caverneux, acquise, responsable d une courbure du pénis en érection et de douleurs. Sa prévalence est de 3,4 à 7 % chez les hommes caucasiens de 45 à 74 ans [1, 2, 6, 8-10]. Les hypothèses étiopathogéniques évoquées sont la survenue de microtraumatismes de l albuginée au cours des rapports sexuels résultant en une cicatrice fibreuses dans un contexte génétique particulier favorisant la fibrose. Décrite à l époque byzantine, c est François Gigot de Lapeyronie ( ), chirurgien du roi Louis XV et fondateur de l Académie de chirurgie, qui lui donna son nom en 1743, en décrivant la lésion macroscopique : la plaque fibreuse (induratio penis plastica). Cette lésion fibreuse est la source d une rétraction du corps caverneux, à l origine d une courbure du pénis en érection, responsable dans certains cas d une impossibilité balistique à avoir des rapports sexuels satisfaisants, d un préjudice esthétique, de douleurs pour l un ou l autre des partenaires, voire d une dysfonction érectile. Le retentissem*nt psychologique chez des patients parfois jeunes est important et peut mettre en péril la stabilité d une relation. Différentes approches thérapeutiques de cette pathologie ont été proposées. Les traitements médicaux sont efficaces à la phase aiguë de la maladie, cependant vitamine E, colchicine, tamoxifène par voie orale ou injection intraplaque de collagénase, d interféron alpha ou d inhibiteurs calciques se sont révélés décevant, tout particulièrement à la phase chronique de la maladie lorsque la plaque est stabilisée. À ce stade, seul le traitement chirurgical permet une amélioration à long terme. Afin d éviter le raccourcissem*nt, des techniques de résection greffe ont été proposées : l objectif est de réaliser l exérèse du tissu fibreux de la plaque, ou simplement l incisionrelaxation de l albuginée, et de le remplacer par un tissu autologue (greffon veineux saphène, derme, lambeau préputial pédiculé), hétérologue (sous-muqueuse intestinale de porc ou péricarde de bovin) ou synthétique (dacron ). Les études cliniques concernant ces techniques présentent parfois de bons résultats avec greffon autologue (veineux) (2, 7) mais ils restent fluctuants selon les équipes et le type de greffe envisagé (2, 10). Aucun tissu ne permet aujourd hui d obtenir des résultats fonctionnels et/ou morphologiques satisfaisants, car le greffon est fréquemment sujet à la rétraction à 4 mois du traitement, et sa structure biomécanique possède une fonctionnalité inadaptée à la fonction érectile, à la fois rigide et élastique. L ingénierie tissulaire permet de recréer des tissus fonctionnels à l aide de cellules autologues cultivées dans certaines conditions. Son but est de remplacer ou de restaurer une partie ou fonction d un organe déficient (3, 4). Dans le domaine de l urologie, Atala (11) a récemment implanté à des enfants atteints de myéloméningocèle une vessie synthétisée à partir de cellules musculaires lisses et urothéliales autologues. Ces techniques ont permis notamment en chirurgie vasculaire de créer des fistules artérioveineuses, et en chirurgie orthopédique de produire de l os et du cartilage hyalin à l aide de cellules souches mésenchymateuses. Quant à la fabrication de tunique albuginée de corps caverneux, une publication retrace sa synthèse à l aide de fibroblastes autologues porcin, cependant aucune étude n a été réalisée concernant sa greffe sur l animal ou l homme. L objectif de cette étude était de composer un greffon de tunique albuginée de corps caverneux synthétisé à partir d une culture de fibroblastes autologues sur une matrice d acide polyglycolique, puis de réaliser sa greffe sur un modèle animal afin de comparer son efficacité et sa fonctionnalité par rapport à une greffe de matrice seule. Matériel et méthode Le but principal de cette étude était de montrer la faisabilité et l efficacité d une greffe autologue d albuginée de corps caverneux, synthétisée par génie tissulaire, sur un modèle de rat. Les objectifs étaient d étudier les résultats morphologiques et fonctionnels de ce type de greffon par rapport à la greffe d une matrice acellulaire seule. Le greffon était composé de fibroblastes autologues cultivés sur une matrice d acide polyglycolique pendant deux semaines. Trente rats Sprague-Dawley (Harlan, France), âgés de 22 semaines et pesant de 150 à 200 g, ont été hébergés 7 jours avant le début des expérimentations avec un cycle obscurité/ lumière de 12 heures, dans une pièce climatisée à 25 C. Les animaux avaient libre accès à l eau et à la nourriture. Toutes les procédures ont été pratiquées en accord avec la législation en vigueur concernant les expérimentations animales (NIH publication n 85-23, révisées 1996) avec l autorisation de la direction des services vétérinaires compétents (agrément n , 3/17/2005). Trois groupes expérimentaux équivalents furent constitués de façon aléatoire. Les groupes A, B et C sont représentés figure 1 : le groupe A était le groupe témoin, le groupe B recevait la matrice seule, et le groupe C la matrice implantée de fibroblastes autologues. Toutes les procédures ont été pratiquées sous anesthésie générale par une injection de pentobarbital intrapéritonéal (60 mg/kg), à l exception des tests de stimulation des nerfs caverneux qui furent réalisés sous uréthane à 20 mg/kg. Les matrices d acide polyglycoliques (PGA), non alignées, d une densité de 50 mg/cc, étaient manufacturées par Cellon (Luxembourg). Les anticorps primaires monoclonaux antivimentine étaient fournis par Abcam (Cambridge, USA) et les anticorps secondaires par Fisher Bioblock Scientific (Strasbourg, France). Les milieux de cultures (Dulbecco s Modified Eagle Medium, DMEM), le sérum de veau fœtal (SVF) et la collagénase de type I ont été fournis par Fisher Bioblock Scientific (Strasbourg, France). Isolation des fibroblastes

94 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : longueur de 5 à 8 mm et d une largeur de 3 à 4 mm. Le premier groupe de rats (groupe A) était le groupe témoin et recevait la greffe du fragment d albuginée réséqué, par un surjet de fil non résorbable de 8-0. Le deuxième groupe (groupe B) recevait la greffe de matrice seule sur la zone réséquée. Le troisième (groupe C) recevait la greffe de la matrice d acide polyglycolique ensem*ncée des fibroblastes cultivés in vitro pendant deux semaines. Les trois différents types de greffes sont représentés figure 1. Objectif principal Figure 1 Trois différents types de greffe perficialis, permettant d obtenir une concentration cellulaire plus importante pour le même poids de tissu. L étude en immunofluorescence par un anticorps monoclonal anti-vimentine était positive dans les cultures cellulaires seules et ensem*ncées sur le PGA. Cette procédure fut appliquée aux 10 rats du groupe C, permettant d obtenir 10 lignées de fibroblastes différentes. À chaque rat était appliqué de façon aléatoire un numéro par une bague à l oreille permettant de l identifier et de procéder à la récolte des résultats sans connaître son groupe d origine. Protocole de greffe Tous les rats bénéficiaient d une résection elliptique d albuginée de corps caverneux sous microscope chirurgical, d une L objectif principal de l étude était de comparer la rétraction de la tunique albuginée induite par le type de technique utilisé dans chaque groupe. La longueur (x) et la largeur (y) des greffons étaient mesurées au moment de la greffe et 4 mois plus tard, grâce à la présence du surjet de fil non résorbable. Ces mesures étaient pratiquées sous anesthésie générale, en aveugle, car l aspect macroscopique des greffons à 4 mois était indifférentiable entre les greffons du groupe B et ceux du groupe C. La rétraction des greffons était définie par leur variation de taille à 4 mois. La taille des greffons étaient approximées par l aire d une ellipse, définie par la formule A = π*x*y/4. Les variations de tailles moyennes dans chaque groupe étaient comparées grâce à une analyse de variation, et les valeurs p < 0,05 étaient considérée comme significatives. Les groupes B et C étaient comparés au groupe contrôle (A) grâce au post-test de comparaisons multiples de Dunnet (fig 2a et 2b). Objectif secondaire Les tests visant à tester la fonction érectile ont été pratiqués à 17 semaines postopératoire par électrostimulation du nerf caverneux, sous anesthésie générale (uréthane 20 mg/kg, en injection intrapéritonéale). La pression intracaverneuse (PIC) et la pression artérielle moyenne (PAM) étaient monitorées à l aide d une aiguille de pression de 24 gauge introduit dans le corps caverneux et d un cathéter dans la carotide droite, après incision du cou et trachéotomie. Les deux cathéters étaient reliés à un amplificateur (Kent ) et enregistrés à Fig 2a Anticorps anti-vimentine : marquage des fibroblastes sur la matrice PGA Figure 2b Aspect du greffon à 4 mois (double flèche)

95 95 e-mémoires de l'académie Nationale de Chirurgie, 2010, 9 (4) : afin de réaliser une coloration de trichrome de Masson dans le but d examiner l architecture cellulaire et des travées de collagène des tuniques albuginées dans les différents groupes. Résultats Figure 3 Variation moyenne de la taille des greffons à 4 mois l aide du logiciel Elphy. Une électrode bipolaire avec crochets parallèles distants de 1 mm étaient placés autour du nerf. Après une période de stabilisation de 5 minutes, chaque nerf était stimulé électriquement à cinq fréquences différentes de manière aléatoire (0 ; 2 ; 4 ; 7,5 ; 10 Hertz), et ce toutes les deux minutes. La durée de stimulation était de 45 secondes avec des impulsions de 1,5 ma et 6 volts. Après stimulation, les animaux étaient sacrifiés par une injection intracardiaque d uréthane (0,5 ml). La différence de la réponse érectile, entre la PIC au stade flaccide avant l électrostimulation et la PIC pendant la phase de plateau, était calculée pour chaque stimulation. La rigidité de l érection était estimée par le ratio PIC (mmhg)/pam (mmhg) x 100 pendant la phase de plateau. Pour chaque fréquence dans chaque groupe, les résultats obtenus étaient compilés et exprimés en tant que moyenne ± écart type. Les données étaient comparées à l aide d un test d analyse de variance double voie suivi du post-test de Bonferroni. Les valeurs de p < 0,05 étaient considérées comme significatives. Analyse histologique Tous les pénis ont été excisés après le sacrifice des rats, puis congelés à -80 C dans l isopentane pendant une semaine dans une solution de préservation. Tous les spécimens étaient alors coupés en lame de 10 µm de large à l aide d un Cryostat, Toutes les cultures de fibroblastes ont pu être obtenues et ensem*ncées sur la matrice de PGA. Deux cultures ont été infectées au premier jour, nécessitant le prélèvement de fascia superficialis comme nouvelle source de fibroblastes chez ces deux rats. Deux rats du groupe A sont décédés durant la phase d induction de l anesthésie, le premier pendant la phase de prélèvement tissulaire, le deuxième pendant le test de fonction érectile. Dans le groupe B, trois rats sont décédés, l un pendant l anesthésie avant greffe, l autre après la greffe d une détresse respiratoire aigue, et un dernier de cause inconnue. Dans le groupe C, un rat est décédé lors de l anesthésie, et la suture des greffons synthétisés in vitro s est révélée impossible du fait de sa dégradation à type de liquéfaction. Objectif primaire La variation moyenne de taille des greffons à 4 mois était de +4,04 ± 4,4 mm² dans le groupe A, -2,75 ± 3,05 mm² dans le groupe B et +2,38 ± 2,61 mm² dans le groupe C. L analyse de variance a montré une différence significative (p = 0,041) entre les trois groupes (fig. 3). Le test de comparaison multiple de Dunnet a montré une différence significative (p < 0,05) entre les groupes A et B (témoin vs PGA seul) mais pas de différence entre les groupes A et C (témoin vs greffons ensem*ncés de fibroblastes ; p > 0,05). Objectif secondaire La valeur moyenne du rapport PIC/PAM était de 35 % à 10 Hz pour le groupe contrôle, et la fonction érectile était analysable pour huit rats. Dans le groupe B (PGA seul), seulement deux rats présentaient une courbe de pression intracaverneuse analysable, ce qui rendit l analyse statistique biaisée par manque de puissance. Le groupe greffé de la matrice en- Figure 4 Examen histologique au trichrome de Masson : coupe axiale de corps cavernosum du groupe C: le marqueur rouge correspond au cytoplasme, et le vert marque les fibres de collagène. A: couche circulaire interne de tunique albuginée (TA) originale, A : couche circulaire interne du coté gréffé montrant la même disposition centripète. B: couche externe de TA: organisation longitudinale. B : Travées de collagènes de la TA de synthèse, même organisation longitudinale. U: urethre VDP: veine dosale profonde. NB: la densité cellulaire semble augmentée dans la TA synthétisée

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